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aourir oualmi

3 septembre 2010

couscous d’aourir nath Yalla

aourir

 

La fête du 04 et 05 Juillet 2008 à Aourir Oualmi

«couscous d’aourir nath Yalla »

Sétif-Village d’Aourir Oulmi (Guenzet) : Couscous party

lemterdEn marge des festivités du 5 juillet, le village d’Aourir Oulmi a été le théâtre de la confection d’un grand couscous organisé par les villageois, l’association féminine El Amel et l’APC de Guenzet. Un grand monde, venu de tous les horizons, a tenu à goûter à ce délicieux plat à base d’orge, de semoule et aux différents goûts et parfums de smen, beurre, huile d’olive « mesfouf » sec accompagné de lait ou petit-lait, quant aux sauces, aux goûts succulents, elles ont été très appréciées par les parents. « Il a été difficile de départager les meilleurs plats », dira la présidente de l’association. L’initiative de ce concours a bien été accueillie par les autorités de la commune, à sa tête le P/APC, M. BenhadoudaCaneti_re_des__Martyres qui n’a ménagé aucun effort pour la réussite de ce concours qui deviendra dorénavant une tradition. La palme revient aussi aux notables du village qui n’ont pas lésiné sur les moyens. Un autre événement a été célébré, le jour même, le captage de l’eau potable, car le village d’Aourir énormément souffert depuis des décennies de pénurie de ce précieux liquide. Les Aouriris tiennent à remercier tous les présents, le P/APC, les invités ainsi que les personnalités pour leur concours.

Par Y. Temou


ACTUALITÉ Vendredi 4 - samedi 5 juillet 2008

Le VILLAGE AOURIR oualmi (GUENZET) Après 42 ans d'attente, l'eau arrive Le village Aourir d'Aït1Yalla, situé à l'est du pays, à 55 km au nord de Bordj-Bou-Arreridj et à 86 km à l'ouest de Sétif, a vécu hier des moments de fête intense. Et pour cause, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce village martyr a attendu plus de 40 ans pour que ses habitants puissent voir de l'eau couler dans leurs robinets. Ainsi, c'est au rythme d'Aourir (nom de la fête) que vibreront les citoyens qui célébreront l'arrivée de l'eau si attendue. Aourir, sol natal de l'ancien Premier ministre Smail Hamdani, a été privé donc d'eau pendant plusieurs décennies ayant eu des conséquences catastrophiques puisque cela a entraîné un exode massif des villageois vers des cieux plus cléments. Conscients de la situation, la nouvelle équipe communale de Guenzet, notamment son président, s'est attelée à cette tâche simple, mais vitale. En quelques mois, les villageois se sont vu offrir ce cadeau précieux si espéré. A cette occasion, plusieurs personnalités ont été invitées, dont le wali de Sétif, le chef de daïra de Guenzet et des personnalités natives de la région d'Aït Yala. Toujours dans ce p__40_cadre, l'association El Amel, animée par la dynamique madame Zaidi N a initié le premier concours de «couscous nath Yalla ». Ces joutes culinaires vont dans le sens du renouveau du patrimoine authentique de la région. Les concurrentes sont exclusivement des femmes du village d'Aourir. Enfin, après que le fantôme de la mort ait rôdé sur le village pendant plus de 42 ans, cette arrivée d'eau est à la fois salutaire et symbolique car il va certainement permettre au village d'Aourir de renaître de ses cendres. Pour mémoire, le village ayant servi de PC au colonel Amirouche a subi un bombardement par l'armée française le 6 juin 1956. La fin de ce largage de bombes aériennes, ayantPr_sident_de_la_communecommencé à 10h et terminé à 19h15, a été suivie par un ratissage des forces coloniales de toute la région. Une opération punitive et assassine qui a visé l'élimination de deux groupes de moudjahidine se trouvant au village ; l'un chez la famille Ali Chabouni et l'autre chez la famille Akli Hanifi. Cette expédition criminelle a eu comme conséquence la mort de 14 civils, le rasage du village à 80% et le déplacement de l'ensemble des villageois vers Guenzet et les villages avoisinants. Les stigmates sont toujours visibles actuellement.

Tahar Houchi

concours_couscous

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                               chouhada

 

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2 septembre 2010

victor leed (hamdani laid) chanteur d'aourir

 

Victor Leed (Hamdani Laid), l’enfant terrible d’Aourir le kabyle d’aourir oualmi qui a « rock’n’rollé » l’Hexagon

 

 

 

Victor Leed, gardez bien ce nom, est l’un des premiers à chanter le rock’n’roll dans la langue de Molière. Son vrai nom est Laid Hamdani, il est né le 19 septembre 1950 à Aourir dans la wilaya de Sétif, petit village kabyle qu’il a dû quitter à l’âge de trois mois avec sa famille pour s’installer en France.

  
En découvrant, à l’âge de dix ans déjà, Elvis Presley dans « King Créole », l’enfant en tombe éperdument amoureux et le rêve de chanter grandit en lui de jour en jour. Tout de suite, il apprend tout du King : ses films, ses chansons, ses mouvements, ses pauses, etc. Dans Paris des années 60, il connaît avec les bandes des jeunes admirateurs du rock une jeunesse de dévergondé. Fils d’un employé de la ville de Paris, Victor grandit du mauvais côté de l’Atlantique à Ménilmontant, quartier qui a déjà payé son tribut au show-biz, écrivait Le Monde du 14 avril 1980.

  
En jeune batteur, il va dans Paris à la recherche d’un groupe rock. Dans les années 70, la fille aînée de l’Eglise commence tout juste à prendre connaissance de ce nouveau style musical, très vite adopté par une jeunesse rebelle. Rechercher des rockers, à cette époque, c’était presque comme rechercher le merle blanc !  Mais Laid ne décourage pas pour autant.

 
En 1979, l’enfant terrible d’Aourir réussit à obtenir un engagement régulier dans un cabaret-restaurant à Paris où il commence à travailler sa voix et son look. Il transforme au fur et à mesure son image et son attitude en un authentique rocker.

  
En avril 1980, Victor sort sous le label « rockabilly » un album intitulé « Thanks rock’n’roll » composé de 10 chansons écrites dans l’esprit des Sessions Sun du King. Le public découvre alors la voix admirable, claire de Victor qui rappelle Elvis jeune.

 
Visage mince, les cheveux noirs, gominé, l’œil humide, les pommettes en accents circonflexes, le trémolo dans la voix, l’air mégalomaniaque, Victor Leed séduit le public et devient un véritable phénomène de scène. Lors du premier festival de rockabilly, le 25 mai 1980 à Toulouse, raconte le rocker Tony Marlow, « Victor est apparu sur scène au coucher du soleil et le public est pris par une sorte d’enchantement lorsque sa voix magnifique s’est élevée en écho dans le ciel noir. Il a chanté des chansons de son album "Thanks rock’n’roll" et bien sûr toutes les Sessions Sun d’Elvis avec la seule contrebasse de tout le festival ! Le son fut rarement aussi bon et sa performance un vrai ‘must’. Je garderai toujours cette image de Victor-sous les étoiles d’une chaude nuit d’été ».

 
Ainsi, les portes du succès s’ouvrent grand sur victor Leed qui enregistre d’autres albums qui ont tous fait un tabac, comme « Marie, Marie », « Hop que c’est fou », etc. avant de s’éteindre, comme Elvis, quadragénaire (le 03 octobre 1994), des suites d’une longue maladie. Il est enterré en France.

  

 

Recherche et découvert  par djabali aissa

 

rechereVicleed2

 

31 août 2010

Les BERBERES

Les BERBERES

1.     Introduction

2.     EVOLUTION DES ESPECES:   L'AFRICAIN CONFIRME DARWIN

  1. LES BERBERES A L'ORIGINE DES RACES BLANCHES?

  2. LA PREMIERE LANGUE: LE BERBERE ?

  3. LE PREMIER ALPHABET:LE TIFINAR?

  4. A L'ORIGINE DU PIIENICIEN ET DU GREC : LE TIFINAR?

  5. LA PIERRE DE ROSETTE

  6. DES RACINES BERBERES DANS LE GREC, LE LATIN ET LES LANGUES SEMITIQUES

  7. REPARTITION DES BERBERES SELON HERODOTE

  8. EMPRUNTS GRECS AUX BERBERES

  9. LES ROMAINS DETRUISENT LES BERRERES

  10. LE ROYAUME BERBERE DE DJEDAR

  11. LES RELIGIONS BERBERES

  12. LA LANGUE ARABO-BERBERE

  13. DES BERBERES DE GENIE

  14. GRAMMAIRES BERBERES

  15. RACINES COMMUNES AU GREC ET AU BERBERE

  16. UN CHOIX : LA TRANSCRIPTION LATINE

  17. BIBLI OGRAPHIE

  18. NOTES

Introduction

La langue berbère est l'une des plus anciennes langues de l'humanité.  Elle est, actuellement, parlée par les autochtones de l'Afrique du Nord. M. Henn thole, diplômé de l’institut d’Ethnologie et de l’Ecole d'Anthropologie de l'université de Paris, écrit dans Son livre Les Touaregs du Hoqgar: 

Malgré les invasions puniques, romaines, vandales, byzantines (ajoutons arabes), la langue libyenne ne semble pas avoir été altérée par les influences étrangères et n'a fait que retenir de chacune quelques termes qu'elle a adoptés. Dans Sa forme moderne. C’est-à-dire berbère. Elle est encore parlée dans les oasis égyptiennes de Siouah et d’Augilia. à Sokna dans le Djebel Nefouza, à Djerba, dans l’Aurès, en Petite Kabylie, aux environs de Lalla Marnia. Dans de nombreuses tribus au Maroc, en particulier chez les Chleuhs, dans certaines villes sahariennes comme Ghadamès. Glot, Ouargla, au MZab, dans quelques oasis de

la Saoura

et, enfin, chez les Touaregs.

Les habitants de toutes ces contrées citées par M Henri Lhote, sont les descendants de ce peuple berbère qui, dès l'époque de la formation des premières sociétés humaines, occupa la partie du Nord de l'Afrique qui s'étend de la Mer Rouge aux îles Atlantiques et du Niger à la Méditerranée.

De récentes découvertes anthropologiques nous permettent maintenant de mieux expliquer l'origine et la provenance du peuple berbère. A la lumière de ces découvertes, il semble que ce peuple pourrait être considéré comme la souche d'où se seraient détachés les rameaux humains qui forment, actuellement, les diverses races blanches du Globe. Des anthropologistes éminents s'accordent, en effet, pour placer le berceau de humanité an Afrique.  C'est ce qui ressort des travaux, notamment du Professeur Leakey au Kenya et au Tanganyika

M. Eugène Guernier, Professeur à l'institut d'Etude Politiques de l'université de Paris rapporte dans son livre L'apport de l'Afrique à la pensée humaine les renseignements, qu'il a recueillis du Professeur Leakey lui-même, sur les conditions dans lesquelles il fit la découverte qui l'amena à considérer que l'Afrique a été le continent de l'apparition des pre­miers hommes. C'est, écrit-il, dans l'île Kusimu, prés de la rive orientale du lac Victoria, non loin de la ville de Kisamu, au bord d’une fracture de mille mètres de hauteur, que le Professeur Leakey a découvert la mâchoire  inférieure  d'un  hominien, remontant à vingt millions d'années. L 'être reconstitué, en fonction de cette mâchoire, a reçu le nom de Proconsul Africanus. Ce fossile représenterait le passage le plus typique d'un être non hominien à l'homme.

Par ailleurs, Rober et Marianne Cornevin écrivent dans leur Histoire de l’Afrique: ….que les plus récentes et spectaculaires découvertes de fossiles humains aient eu lieu en Afrique, n'a donc rien d'étonnant. L'Afrique représente vraiment, dans l'histoire de l’humanité, l'ancien continent par excellence, celui où ont vécu et lentement évolué les plus lointains ancêtres de l'homme. Toujours dans le même livre ils déclarent : Si l'intérêt de l'étude du Pleistocéne afri­cain dépasse de beaucoup le cadre du continent lui-même, la période appelée Holocêne, qui débute autour de dix mille ans avant Jésus-Christ, présente également une valeur universelle du fait qu'elle aboutit au développement d’une civilisation raffinée dans la région géographi­quement privilégiée de la vallée du NiL.

L'Histoire  Egyptienne,  en continuité directe avec la préhistoire, débute aux environs de 3200. Cette date marque aussi le commencement de l'histoire du monde. Poursuivant leur étude de l'évolution humaine, Robert et Marianne Cornevin ajoutent: C'est seulement à la fin du troisième Plu­vial Gamblien qu'apparaît de façon cer­taine l'homo sapiens ou néanthropien, dernier maillon de la longue chaîne qui a conduit des australopithécidès aux néan­derthaliens, en passant par les pithécan-thropidés.

Les Berbères - mot provenant, par l'arabe, du substantif grec "barbaroï" (barbares dans le sens d'étrangers) - constituent un ensemble de populations islamisées mais faiblement arabisées liées par l'usage de dialectes (Chleuh, Tamazight, Tamasheq, etc) issus d'un fond commun et qui se répartissent dans toute la zone septentrionale de l'Afrique, du Maroc à l'ouest à l'Egypte à l'est et, vers le sud, jusqu'au Niger. La toponymie du Maghreb est particulièrement marquée par l'héritage berbère, et de nombreuses villes - Agadir, Tétouan, Oran, Tlemcen, Tamanrasset, Toughourt, par exemple - ou régions - Adrar, Tafilalet, Ténéré - portent des noms typiquement berbères.

Langue rarement écrite, le berbère s'est maintenu dans les régions rurales, surtout dans les zones montagneuses (Rif et Atlas marocains, Aurès et Kabylie en Algérie), isolées (Matmata et Djerba en Tunisie, oasis de Sioua en Egypte) ou, dans le cas des Touaregs, nomades, en zone désertique.

Une des caractéristiques des sociétés berbères est d'être constituées de petites entités tribales ou villageoises peu hiérarchisées, très stables, jalouses de leur liberté et réfractaires à toute autorité supérieure. Elles ont d'ailleurs rarement constitué de grands ensembles organisés et ont été aisément submergées, mais non soumises, par les envahisseurs successifs (Phéniciens, Romains, Byzantins et Arabes).

Un royaume berbère, la Numidie, a existé aux 3ème et 2ème siècles av. JC dans le nord du Maghreb. Après la destruction de Carthage, une Numidie réduite devint vassale de Rome tandis que le reste devenait une confédération indépendante de tribus. Celles-ci se convertirent progressivement à l'Islam à la fin du 7ème siècle mais se libérèrent en 756 de l'autorité du Caliphat abbasside nouvellement établi. Royaumes arabes et tribus berbères se disputèrent ensuite le contrôle du Maghreb durant trois siècles, jusqu'à l'émergence au 12ème siècle de la dynastie des Almoravides, d'origine berbère. Elle céda la place à une autre dynastie de même origine, celle des Almohades, qui unifièrent pour un temps en une zone prospère le Maghreb et la plus grande partie de la péninsule ibérique.

On assiste actuellement à une renaissance berbère, particulièrement en Algérie et au Maroc, avec la revendication d'une identité, celle des Imazighen ("Hommes libres"), d'une langue, le Tamazight, d'une écriture, le Tifinagh, dérivant d'alphabets très anciens et qui n'était utilisée jusqu'au début des années 1970 que chez les Touaregs.

Répartition dans les pays arabes:
Maroc (Rif et Atlas)                 : plus de 10.000.000
Algérie (Kabylie, Mzab, Hoggar): 5.500.000
Mauritanie                              : 400.000
Tunisie                                   : 250.000
Libye                                      : 200.000
Egypte (oasis de Sioua)           : 15.000

EVOLUTION DES ESPECES:   L'AFRICAIN CONFIRME DARWIN

Il faut souligner le trait que l'Afrique est le seul continent où tous les fossiles, correspondant aux divers stades d'évolution de l'humanité, ont été découverts et où la doctrine  transformiste  de  Darwin, demeurée très longtemps très théorique pour l'espèce humaine, a pu être démontrée "sur pièces". Elle occupe donc une situation privilégiée dans la connaissance des premiers âges du monde, Partant de ces données, il est permis de penser que la diversité raciale s'est produite au cours des siècles de la période Glaciaire. Au cours de leurs migrations à travers le monde, certains groupements humains, influencés par les conditions climatiques, par les modes de nutrition et d'activité, par l'angle de rayonnement solaire, se sont différenciés en race noire au cœur de l'Afrique, en race rouge dans les Amériques,  en  race jaune  en Extrême-Orient et en race blanche dans l'hémisphère australe et en Afrique du Nord, régions assez tempérées pour ne pas avoir influencé la pigmentation de la peau. Les rameaux de race blanche de ces contrées semblent être à l'origine des diverses lignées blanches du Globe. Ceux  de  l'Hémisphère  australe  se seraient dispersés dans les contrées de l'Océan Indien et de l'Australie, alors que ceux du Nord de l'Afrique se seraient dirigés, les uns vers le Nord-Est jusqu'au Népal, les autres au Nord-Ouest jusqu'aux pays scandinaves. Au cours des millénaires, des brassages se seraient produits entre ces tronçons primaires les métissages entre Noirs et Blancs auraient produit la famille sémitique. Le rameau du Nord-Est, Indo-Iranien, par métissage avec la race jaune, aurait été à l'origine de la famille mongolique.

Il est donc possible d'affirmer que l'Afrique fut non seulement le centre de l'apparition de l'homme, mais aussi son centre d'évolution et de dispersion. Citons à ce sujet une communication que le Professeur Sud-Africain C.Van Riet Lowe, directeur de l'Archeological Survey à  ('Université  du  Witwatersrand  à Johannesburg, a adressée, le 3 juillet 1950, à "l'Association Sud-Africaine pour l'Avancement des Sciences", tenant ce jour-là séance à Salisbury, Rhodésie du Sud M. Van Riet Lowe s'exprime en ces termes :

Comme préhistorien, je vois l'homme se développant lentement depuis son origine, un climat uniforme recouvrant l'Afrique, jusqu'à ce que, après un grand nombre de millénaires et beaucoup de vicissitudes, il gagne l'Europe du Nord, l'Asie à l'Est et le Cap au Sud, voici plus d'un million d'années. (..) Pendant des centaines de milliers d'années qui s'écoulaient entre l'apparition de l'homme en Afrique et son occupation d'une partie de l'Europe du Nord et de l'Asie de l'Est, l'Afrique se maintint comme le plus grand et le plus important théâtre sur lequel se jouait le drame de l'évolution humaine. J'avance cette prétention sans hésitation.

Précisons que cette communication du Professeur C, Van Riet Lawe a été rapportée par M. Eugêne Guernier dans son livre L'apport de l’Afrique à la pensée humaine, qui affirme lui-même dans ce même livre:

Les doutes ne sont plus permis. L 'Afri­que, en l'état actuel de la science, peut être considérée, non seulement comme le berceau de l'homme et de sa conscience, mais encore comme l'atelier où » l'homo Faber» a fait les premiers outils dont il a diffusé l'usage à travers l'Europe et l'Eurasie, C'est aussi en Afrique que devaient naître plus tard "l'homo artifex" et "l'homo sapiens'.

Ces affirmations de savants anthropologistes, dont on ne peut nier l'autorité en ce domaine, nous permettent de déduire, en toute logique, que les premières formations sociales se sont constituées au Nord de l'Afrique, ainsi que les premiers moyens d'expression.

LES BERBERES A L'ORIGINE DES RACES BLANCHES?

M. Eugène Guernier, toujours dans son livre L'apport de l'Afrique à la pensée humaine, parlant de cette expression de la pensée, écrit :

Peut étre l'Africain, ayant vécu pendant des millénaires dans la béatitude d'une conscience naissant au cœur d'une société encore dans l'enfance de son grégarisme, s'est-il contenté de formes d'expression plus archaïques,  mais schématiques jusqu'au jour, beaucoup plus près de nous, où il utilisera, comme parfois en Afrique du Sud, des signes vocatifs, tandis que, plus tard, l'Egyptien usera de signes idéographiques comme les hiéroglyphes et que le Berbère inven­tera, lui aussi  un certain nombre de signes vocatifs dits "Tifinar".

Il apparaît donc, en s'appuyant sur toutes ces données, scientifiquement établies, que. Le groupement humain, établi en priorité au Nord de l'Afrique, est bien le tronc, Si l'on peut s'exprimer ainsi, de la généalogie humaine, d'où se seraient détachées les lignées blanches de l'Europe et de l'Asie.

LA PREMIERE LANGUE: LE BERBERE ?

La langue de ce groupement de base, parlée depuis les premiers balbutiements de ces peuples primitifs et grégaires, encore en usage actuellement chez les habitants des oasis égyptiennes et saha­riennes, chez les Kabyles de l'Algérie, chez les montagnards du Maroc et chez les insulaires des îles Canaries, est la langue berbère. Il est indéniable que les plus anciens documents d'expression du langage, retrouvés dans le Nord de l'Afrique, qu'ils soient idéographiques comme les hiéro­glyphes, ou consonantiques comme les « Tifinar », expriment des mots berbères.  Citons en exemple certains hiéroglyphes, exprimant des mots berbères compris de nos jours: 

Ce mot signifie boire : il se prononce «swi», du verbe berbère «swa » de même signification.  

Ce mot signifie femme et se prononce "ta metouTe", mot berbêre actuel pour désigner la femme. <extraits de la Grammaire élémentaire de Moyenne Egypte, par le Dr A. Du Buck>.

LA PREMIERE ECRITURE: LE TIFINAR?

De même, les tifinar expriment des mots berbères. M. Henri Lhote, dans son livre Les Touaregs du Hoggar, pariant des inscriptions de ti-finar, s'exprime en ces termes: Les plus anciennes comprennent des signes qui ne sont plus  en usage et sont incompréhensibles pour les Touaregs. Elles commencent ordinairement par trois ou quatre points en ligne, suivis d'un rond, lequel est suivi de trois traits parallèles tracés longitudinalement par rapport au sens de l'inscription :

Elles Nont localisées au "Tassili; au Ahaggar. Dans l’Adrar des Iforas...

Il poursuit un peu plus loin : Les inscriptions d'époque moyenne ou intermédiaires comprennent des signes initiaux qui sont ordinairement un trait suivi de trois points en triangle:

  et dont la signification est encore com­prise des Touaregs. Ils veulent dire: "nek" ou 'ouannek’; c'est-dire ‘ moi’…, il ajoute un peu plus loin: Les plus récentes inscriptions sont matérialisées par le début:    ;  forme évoluée de:        

et qui a la même signification, suivi ordinairement d’un nom propre et de caractères:

"Tenet"' = ayant dit, la dis - et exprimant ultérieurement une pensée ou un vœu. Il  paraît donc hors de doute que les ‘ti­finar’ sont bien un des moyens d'expression de la langue berbère et qu'ils doivent être vraisemblablement les premiers caractères humains exprimant par écrit la pensée de l'homme. Ces caractères très rudimentaires, sont tellement élémentaires et archaïques qu'ils ne peuvent dériver d'aucune autre forme d'écriture. Ils sont représentés par des signes géo­métriques :

qui ne rappellent aucun alphabet connu. Ils accompagnent bien souvent les gravures rupestres des temps les plus reculés. Ils se retrouvent, de nos jours, dans les poteries berbères et dans les tatouages. (Soulignons que le tatouage est une pratique spécifiquement berbère). Ces ti-finar, formés au cours des premiers âges de l'humanité consciente, datent certainement des mêmes époques que celles de la formation des hiéroglyphes que nous pouvons considérer comme les moyens d'expression pictographiques et idéographiques antérieurs à tous les autres.

Les plus anciens hiéroglyphes semblent remonter à quatre mille ans avant l'ère chrétienne, alors que l'écriture chinoise n'apparaît que vers trois mille ans avant Jésus-Christ et que les écritures pictographiques des Amériques (Mayas et Aztèques) datent du VIII siècle avant Jésus-Christ.

Les ti-finar apparaissent, associés aux hiéroglyphes dans des inscriptions de monuments et de statues égyptiennes les plus anciennes. Le plus suggestif à ce sujet est un groupe statuaire en schiste, découvert à Gizeh, actuellement au Musée du Caire, présentant le Mycerinus (IV eme dynastie) entre la déesse Hathor et la personnification du 17 eme nome de Haute Egypte (photo Oropeza) parue dans l'Histoire de l'Egypte ancienne par Jacques Pirenne.

Le texte gravé à la partie inférieure de cette statuette est constitué de signes hiéroglyphiques et de caractères, res­semblant aux ti-linar : 

Il est donc permis de penser que ces premiers signes géométriques que sont les ti-finar ont servi de prototypes dans la formation ultérieure des alphabets qui se sont succédés (Egéens, Akkadien, Summérien, Phéniciens, Grec).

M. Marcel Cohen, Directeur d'Etudes à l'école des Hautes Etudes, dans son livre L'écriture, parlant de l'écriture idéogra­phique et syllabique en Mésopotamie, écrit: Il n'est pas sûr que cette écriture soit née sur place ; elle a pu être apportée d'ailleurs, soit dans une migration, soit par emprunt à une civilisation encore antérieure et externe à la Mésopotamie. Cet apport extérieur ne pouvait être que berbère, car il ajoute un peu plus loin: On a retrouvé à Syblos plusieurs stèles et plaques de métal avec des inscriptions on caractères hiéroglyphiques rangés on lignes horizontales d'après les données archéologiques, elles pourraient remonter au moins au deuxième millénaire avant Jésus-Christ.

Le même auteur, dans le même livre, parlant de l'écriture hiéroglyphique et syllabique du bassin oriental de

la Méditerranée

et régions voisines, écrit: Dans le bassin oriental de

la Méditerranée

se sont développés des centres de civilisation restreinte. Sensiblement contemporaine des centres égyptiens et mésopotamiens et au moins aussi avancés. La navigation et le commerce maritime ont dû y développer tôt les besoins d'écriture pour les messages, comptes et contrats.
 

LE PREMIER ALPHABET : LE TIFINAR?

Le centre le plus ancien est celui de Crête où a régné le roi-prêtre Minos (d'où la dénomination  "minoens").  Les  villes datent d'avant -3000 d'après les données archéologiques. On y a retrouvé, gravés sur des blocs de pierre ou des vases en pierre, des sceaux, des écrits hiérogly­phiques qu'on date en deux stocks) l'un environ de -2900 à

2000, l

'autre de -2000 à 1600. Parlant ensuite de l'alphabet consonantique des Sémites occidentaux, il déclare: Il est vraisemblable que l'origine du tracé des alphabets linéaires est pictographique ; des arguments sont donnés ci-après : pour le système, il apparaît partout alphabétique, c'est-à-dire que les caractères sont des lettres, représentant des sons simples et, par conséquence immédiate, étant en plus petit nombre (22 en phénicien) que les caractères égéens. Le stade phonographique intégral paraît avoir été réalisé sans passage par le stade idéographique ni par le stade sylla­bique du type décrit sous F (11 s'agit des écritures minoennes de Crête). Il faut indiquer que cette invention remarquable ne s'est produite qu'à une époque relati­vement tardive, où, du moins d'une manière générale, une progression intellectuelle notable s’était réalisée.

Elle se situe dans une région où l'on ne pouvait pas ignorer les éléments phonographiques des écritures incommodes égyptiennes  et  mésopotamienne  et l'usage plus étendu de ces éléments dans les écritures égéennes.

A L'ORIGINE DU PIIENICIEN ET DU GREC : LE TIFINAR?   

Cette innovation, qui a conduit à la formation des alphabets phénicien et grec, est tout simplement une évolution du prototype que sont les ti-finar. On ne peut s'empêcher, en examinant attentivement les lettres de ces deux alphabets, de constater qu'aussi bien les lettres phéniciennes que  les lettres grecques ne sont que la transformation linéaire des ti-finar. Ces derniers, ainsi que les hiéroglyphes, s'ils formaient une écriture claire et détachée sur les monuments et inscriptions, donnaient dans l'usage courant une écriture compliquée de signes enchevêtrés les uns dans les autres au point de rendre le texte illisible. Cette écriture, dénommée démotique, fit place, dès le premier millénaire, dans les écrits sur papyrus, à une écriture en caractère grecs, permettant une lecture plus aisée.

LA PIERRE DE ROSETTE

Il n'est pas rare de rencontrer des inscriptions, portant les trois genres d'écri­ture. Ainsi, cette inscription faite sur la fameuse « Pierre de Rosette »  dont parle Adolphe Erman, Professeur a l’université de Berlin, dans son livre L’Egypte des Pharaons: Cette pierre, écrit-il, porte une triple inscription en haut figurent quatorze lignes d'hiéroglyphes (et ti-finar), au milieu trente-deux lignes de signes curieux et en bas cinquante quatre lignes en langue grecque. Cette inscription grecque permet de reconnaître de quoi il s'agissait. En l'an 196 avant j-C, les prêtres de toute l'Egypte avaient tenu un concile a Memphis et avaient délibéré au sujet des honneurs que l'on devait porter au jeune roi Ptolémée Epiphane, en récompense de tout le bien qu’il avait fait au peuple aux temples, au clergé. On élèverait dans chaque temple une statue du roi à côté de laquelle serait placée une table, rapportant cette décision au clergé. Cette tablette, d'ailleurs, porterait le décret sous trois formes : la première en hiéroglyphes, comme il se devait pour les temples, une autre en langue vulgaire, appelée démotique, et la troisième dans la langue de la cour le grec.

ROSETTE 

Rosette Rachid en arabe. Ville de Basse Egypte sur la branche occidentale  du Nil. Elle fur fondée par les Arabes vers 870, prés de l’emplacement de l’ancienne Boblbitine.

Fragment de stète en basalte noir découvert

An 1799 pendant l’occupation française par le commandant  d'artillerie Boussard, actuellement au Brtish Museum. Il est couvert de trois inscriptions : la première en caractères hiéroglyphiques, la seconde on caractères démotiques et la troisième en grec et datée de 193 av J-C.  L’inscription hiéroglyphlque est tronquée. Les deux autres

Sont a peu prés  intactes ;  les trois ne sont que le texte, on trois écritures et en deux langues,  d’un unique décret rendu par les pretres égyptiens  en l'honneur de Ptolemée Epiphane. C'est grâce à

la Pierre

de Rosette        que tes hiéroglyphes purent être déchiffres par  Champollion (1831). L'inscription de Rosette a été publiée par Chabas (1867)

Pour ta partie hiéroglyphique, et pour la partie demotique  par Bruysch et par Révilloit. (Dictionnake laroussel

Cette évolution de l'écriture, depuis les hiéroglyphes,  les  ti-finar,  jusqu'aux alphabets phénicien et grec, nous permet de constater que l'écriture berbère est une écriture antérieure aux autres. M. Eugêne Guernier, toujours dans son livre L'apport de l'Afrique à la pensée humaine, écrit:  Nous nous trouvons en présence d'une telle continuité dans l'art dans l'espace et dans le temps, qu'on est on droit de se demander Si l'humanité ne possède pas là tous les éléments écrits, gravés, peints sur et dans la pierre d'une ou plusieurs civilisations artistiques, dont les effets se lisent dans l'art égyptien de l'Ancien Empire qui lui-même a évolué vers celui  du Moyen et du Nouvel Empire, on donnant naissance à l’art grec, comme aussi dans l'art préhistorique des cavernes libyennes, espagnoles et françaises, dont on retrouve des traits dans notre propre Renaissance.

DES RACINES BERBERES DANS LE GREC, LE LATIN ET LES LANGUES SEMITIQUES

Tous ces documents, dont l'authenticité est vérifiée, nous incitent à penser que la langue berbère, par son antériorité, est une langue mère. Ceci est confirmé par la présence simultanée de nombreux vocables de base berbère, dans des langues aussi diverses que les langues grecques, sémitiques et latines. Ainsi, sans citer des mots aussi répandus que: «ma»: mère - ou «mouTe » : mort, nous trouvons des vocables comme: 1-semme  ce mot signifie en langue berbère le nom. Nous le trouvons avec le même sens dans la langue grecque sous le mot "semma" (qui a donné le mot sémantique en français) et, sous le vocable de «A-semmou » ou « achemou », dans les langues sémitiques. Louya : ce mot signifie en berbère paroles, discours. Il se retrouve avec le même sens dans le mot grec "logos" et dans le terme arabe "lougha".

A-seguemme  signifie en berbère  le nombre, ou partie de..., ou fraction de... Ce mot se retrouve, dans la langue latine, sous le vocable "segma", signifiant segment et, en langue arabe, sous le mot "mesegueme" qui veut dire 'ordonné'.

Ces quelques exemples, qu'il est possible de multiplier, suffisent à démontrer que la langue berbère n'est pas étrangère à la formation des langues du Moyen-Orient, et du Bassin Méditerranéen d'où sont issues  les  plus  belles civilisations humaines.

Cette langue-mère se serait diluée peu à peu, au cours des siècles, jusqu'à disparaître des langues modernes. Elle est restée à peu près intacte chez les divers peuples berbères du Nord de l'Afrique, dont elle constitue l'ethnie.

REPARTITION DES BERBERES SELON HERODOTE

Les groupements berbères se sont diversifiés, dès les premiers temps, et ont pris la forme de vie, imposée par la nature des régions qu'ils ont occupées. Le grand historien grec Hérodote (qui a vécu entre 480 et 423 avant Jésus-Christ, c'est-à-dire mille ans avant la naissance du Prophète Mohammed) parlant des  Berbères,  qu'il  appelle Libyens, écrit : La Libye renferme beaucoup de nations différentes... Voici l'ordre dans lequel on trouve les peuples de la Libye:

A commencer depuis l’Egypte : les premiers qu'on rencontre sont les Adyrma­chides... Les Giligames touchent aux Adyrmachides... Immédiatement après Les Giligames, on trouve les Asbytes, du côté du couchant ; ils habitent le pays au dessus de Cyrène, mais ils ne s’etendent pas jusqu'à la mer... Les côtes maritimes  sont occupées par  les Cyrénéens... Les Auschises sont à l'occident des Asbytes, auxquels ils confinent ; ils habitent au dessus de Barce et s'étendent jusqu'à la mer près des Evesperides. Les Cabales (d'où vient le mot Kabyles) demeurent vers le milieu du pays des Auschises. Le pays des Auschises est borné à l'ouest par celui des Nasamons. Au-dessus de ces peuples, vers le midi, dans un pays rempli de bêtes féroces, sont les Garamantes. Ils ont pour voisins les Macés... Ceux-ci sont à l'ouest et le long de la mer … Les Gindanes touchent aux Macés… Les Lotophages habitent le rivage de la mer qui est devant le pays des Gindames... ;  ils confinent le long de la mer aux Machyles... Immédiatement après les Machyles, on trouve les Auséens…. ; au-dessus, en avançant dans le milieu des terres, on rencontre la Libye sauvage au-delà de laquelle est une élévation sablonneuse qui s'étend, depuis Thèbes en Egypte, jusqu'aux Colonnes d'Hercule (Gibraltar). On trouve dans ce pays sablonneux... les Ammo­niens... , après les Ammoniens... on rencontre une colline de sel avec de l'eau et des habitants aux environs... Le mont Atlas touche à cette colline... Les habi­tants de ce pays... se nomment Atlantes... à l'est du fleuve Triton. Les Libyens laboureurs touchent aux Auséens, ils ont des maisons et se nomment Maxyes3 . Les Libyens maxyes touchent aux Libyens Zauèces4  - les Gyzantes habi­tent immédiatement après les Zauèces... Tels sont les peuples de Libye.

Toutes ces nations berbères seront appelées plus tard, par les Romains, Numides et Mauritaniciens. Leurs descendants actuels sont les Kabyles de l'Algérie et les Berbères marocains. 

Seuls de tous ces peuples berbères, les Egyptiens, favorisés par la vallée du Nil, ont pu former une unité nationale. Les autres groupements ont conservé jalou­sement leur liberté et sont restés indépendants les uns des autres. Ce manque de cohésion sera plus tard la cause de leur perte et de leur ruine.

Quoi qu'il en soit, ces premiers groupements berbères ont vécu en société bien organisée et policée, suivant de près l'évolution égyptienne. Il ne reste aucun vestige de ces temps anciens. Un jour, peut-être, des fouilles très profondes ramèneront des documents qui nous éclaireront sur la vie de ces groupements. Il est pourtant des faits qui peu­vent nous fixer sur l'état d'esprit et le mode de vie de ces populations. Hérodote, parlant de la société grecque, écrit :

EMPRUNTS GRECS AUX BERBERES

Les Grecs ont emprunté des Libyennes l'habillement et l'égide <bouclier> des statues de Minerve, excepté que l'habit des Libyennes est de peau et que les franges de leurs égides ne sont pas des serpents, mais des bandes de cuir. Le reste de l'habillement est le même. Le nom de ce vêtement prouve que l'habit des statues de Minerve vient de Libye. Les femmes de ce pays portent, en effet, par dessus leurs habits, des peaux de chèvre, sans poils, garnies de franges et teintes en rouge. Les Grecs ont pris leurs égides de ces vêtements de peau de chèvre. Je crois aussi que les cris perçants qu'on entend dans les temples de cette déesse tirent leur origine de ce pays. C'est, en effet, un usage constant parmi les Libyennes et elles sont acquittent avec grâce. C 'est aussi des Libyens que les Grecs ont appris à atteler quatre chevaux à leurs chars.

Dans un autre chapitre, parlant des Libyens nomades, il déclare :

Tout le pays, qui s'étend depuis l'Egypte jusqu'au lac Tritones, est habité par des Libyens nomades qui vivent de chair et de lait. Ils ne mangent point de vache, pas plus que les Egyptiens et ne se nourrissent point de porc. Les femmes de Cyrène ne se croient pas permises non plus de manger de la vache, par respect pour la déesse Isis, qu'on adore en Egypte.  Elles jeûnent même et célèbrent des fêtes solennelles on son honneur. Les femmes de Barcé, non seulement ne mangent point de vache, mais elles s'abstiennent encore de manger de la chair de porc.

Ces groupements berbères étaient orga­nisés en petits états, parfois des Cités-états ou des petits-royaumes indépendants. Il est à peu près certain que les royaumes maritimes berbères ont eu une civilisation et une activité sociale, écono­mique et politique très grandes, contemporaines des civilisations "minoenne" et "mycénienne". Plus tard, ils entretinrent des contacts et des relations commerciales suivis avec les Phéniciens (auxquels ils ont concédé des comptoirs pour favoriser leurs échanges : Lixus, Utique, Carthage), de même avec les Grecs et les Romains.

LES ROMAINS DETRUISENT LES BERRERES

Les malheurs de ces peuples berbères commencèrent après la destruction de Carthage par les Romains. Ces derniers, par la suite occupèrent l'Egypte, puis, après la prise du roi Jugurtha (ils eurent ce roi berbère par trahison) s'emparèrent de l'Afrique du Nord. Les Romains incendièrent, pillèrent, détruisirent et rasèrent les villes des Berbères. En Egypte, ils brûlèrent la bibliothèque d'Alexandrie qui renfermait des trésors intellectuels.

Une partie du peuple berbère se retira dans les montagnes, se replia sur elle-même, s'enkysta. C'est ainsi que disparut leur écriture et que, jusqu'à nos jours, elle est demeurée inexistante. Ceux qui ont succédé aux Romains n'ont rien fait pour le restaurer.

Les Vandales, qui remplacèrent les Romains au Ve siècle après J-C, n'ont pas favorisé la culture berbère. Bien au contraire,  comme  l'écrit  le général Bremond dans son livre Berbères et Arabes : Les Vandales condamnaient à mort tout indigène convaincu de savoir lire et écrire, fût-ce simplement de savoir signer de son nom.   

LE ROYAUME BERBERE DE DJEDAR

En 534 après J-C. les Byzantins chassèrent les Vandales et les remplacèrent. Les Berbères étaient sur le point de reprendre  leur  culture.  Rober  et Marianne Cornevin, dans leur Histoire de l'Afrique nous apprennent : à la même époque (V et VII siècles), les Berbères de l'actuelle Oranie avaient fondé un royaume, malheureusement très mal connu,  appelé "royaume des Djedar", du nom de la région de la Haute Mina au sud-ouest de Tiaret, où se dressent treize monuments funéraires en forme de pyramides dont l'un atteint quarante cinq mètres de haut. La dynas­tie des Djedar était berbère et chrétienne, et étendait, semble t-il, sa souveraineté depuis la Moulouya jusqu' à l’Aurès.

Malheureusement, cela ne durera pas, car en 840 après J-C, les Arabes déferlèrent sur l'Afrique pour imposer leur religion. A ce sujet, ouvrons une paren­thèse pour parler des religions en Afrique du Nord

LES RELIGIONS BERBERES

Depuis les temps les plus reculés, les peuples berbères vouaient un culte aux forces de la nature. Ils avaient divinisé le ciel, le soleil, la lune, les plantes et les animaux. Cette croyance en plusieurs dieux (polythéiste) était soutenue par une morale, d'une extrême sagesse, dite "Doctrine de Ptahotep".

Vers 2700 avant J-C et 370 avant Mohammed, apparut, pour la première fois, une croyance en un Dieu unique, fondée par l'Hébreu Abraham. Cette religion fut adoptée en Egypte par les familles juives qui étaient groupées en tribus, Au moment de "l'Exode", certaines de ces tribus, au lieu de se rendre en Palestine, allèrent vers la partie occidentale de l'Afrique du Nord et gagnèrent à leur croyance de nombreuses populations berbères.

L'avènement de Jésus-Christ (Aissa) fit connaître une nouvelle croyance en un Dieu unique. Cette religion fit de nombreux adeptes parmi les populations berbères du Nord Occidental de l'Afrique. (De nombreux martyrs chrétiens berbères périrent dans les arènes de Rome). Le Christianisme se développa rapidement parmi les populations berbères, prit un grand essor et dura jusqu'à l'arrivée des Arabes en 640 après J-C. 

Les Arabes, après s'être emparés facilement de l'Egypte, déferlèrent vers l'ouest. Mais là, ils se heurtèrent à une opposition farouche. La résistance de Koceilah et celle de la Kahena restent célèbres et dignes d'admiration.

Le pays aux mains des Arabes, les Berbères durent s'islamiser et adopter la langue des envahisseurs. La culture berbère disparut et fut complètement oubliée par les générations qui suivirent, même quand elles formèrent des dynasties : les Almoravides et les Almahades.

LA LANGUE ARABO-BERBERE

De nos jours, les Egyptiens, les Cyrénéens et les Tunisiens sont presque complètement arabisés. Il n'en est pas de même pour les Algériens et les Marocains. En Algérie et au Maroc, la population musulmane est composée de Berbères purs et d'Arabo-Berbères. Ces derniers habitent généralement les villes. Ils parlent une langue, "l'arabe parlé", constituée par un mélange de mots arabes berbérisés et de mots berbères arabisés. Un très petit nombre de ces Arabo-Berbères comprennent et écrivent la véritable langue arabe. La langue berbère est encore bien vivante. Elle est le langage de ce vieux peuple berbère qui s'est cantonné dans ses montagnes, en conservant sa langue, ses coutumes millénaires et son folklore.  

DES BERBERES DE GENIE...

Ce peuple dont les ancêtres ont bâti les pyramides et qui, tout au long des siècles, à travers toutes les civilisations qui se sont manifestées au Nord de l'Afrique. a donné à l'humanité des chefs militaires de génie, comme Hannibal, Juqurtha, Tarik ;  des philosophes éminents comme Tertullien, Plotin, Saint Augustin, Iben Khaldoun, et, de nos jours, des techniciens de la valeur de Bou-Akouir des poètes comme Mohand O'Mehind ;  des écrivains tels que Jean Amrouche,  Ferahoun,  Sahili,  Amar Naroun, Lamek, Boussaoub ; des compositeurs comme Taweus Amrouche, Azzam, Mouloudji ;  ce peuple ne peut demeurer un peuple mineur. Il faut qu'il reprenne ses destinées cultu­relles,  développe  sa  civilisation  et reconstitue sa grammaire. Pour cela, il doit sortir de sa stagnation, retrouver son écriture moyen d'expres­sion indispensable, car, comme l'écrit M. Eugêne Guernier :

Tout peuple qui ne possède pas de langue écrite ne peut participer que de très loin à la course universelle de l'esprit humain

GRAMMAIRES BERBERES

De nombreuses publications et essais grammaticaux ont été élaborés par des berbèrologues éminents. Ils ont accompli un travail considérable, de recherche et de synthèse, qui force l'admiration. Ces diverses grammaires se sont avérées trop compliquées, très difficilement intelligibles et manquent de clarté. Ces travaux ont abouti à donner le visage d'une langue berbère faussement apparentée à la langue arabe.   

RACINES COMMUNES AU GREC ET AU BERBERE

La langue berbère est une langue originale : elle ne peut s'apparenter qu'à la langue grecque. Elles sont de même souche. Ce sont les deux seules langues possédant des articles analogues: O – A - To - Ta - communes. Ainsi "lumière", en langue grecque se dit "phaus" ; en berbère : "phate" (ta). De même, le mot "thalasso", en langue grecque, signifie "océan" en langue berbère, le mot "tala" signifie "source". Le mot "amokrane", qui signifie "long", "grand", à la même racine que "makros" En grec de même signification. Nous pouvons ainsi multiplier les exemples. Il n'est tout de même pas inutile de rappeler que la négation (ne... pas) est la même dans les deux langues (ou ... ara). Pour toutes ces raisons, la grammaire que nous présentons est différente de toutes celles qui ont paru à ce jour.

Il était possible d'utiliser, comme caractère d'écriture, les lettres de l'alphabet grec ou de prendre un alphabet en "ti finar" que M. Khelifati, ce savant berbériste, a constitué d'une façon complète. Cependant, il nous a semblé que, tenant compte de l'époque où nous vivons, il nous fallait une écriture simple, pratique et moderne. 

UN CHOIX : LA TRANSCRIPTION LATINE

Nous avons donc choisi les lettres de l'alphabet latin. En effet, actuellement, les langues (les sémitiques et les chinoises exceptées) de tous les peuples évolués du globe s'écrivent an caractères latins. Nous avons tout de même ajouté certaines lettres grecques pour exprimer certains phonèmes inexistants dans la langue latine. Nous avons également modifié la phonétique de certaines lettres latines.

Dans un but de simplification, nous n'avons pas cru nécessaire d'utiliser des signes d'accentuation. Dans le cas où les voyelles doivent être prononcées sur un ton particulier, nous le précisons par l'emploi d'une diphtongue. Ainsi : euleine pour eulène. Nous n'avons pas voulu attacher d'importance à la différence de prononciation d'une lettre par les Berbères de régions diverses. Ainsi, prononcer le mot porte : ta pourte ou : ta bourte ou : ta gourte ou : ta wourte, ne sont que des différences d'accentuation qui ne modifient nullement le sens du mot.

Enfin, dans un but de compréhension et de divulgation, chaque page écrite en berbère est traduite simultanément en langue française sur la page concomitante.

Cette grammaire n'est évidemment pas parfaite, mais il faut espérer qu'elle sera un point de départ et qu'elle contribuera à l'épanouissement de la culture berbère. C'est mon vœu le plus cher.

BIBLI OGRAPHIE

NOTES

-André Aubert , Histoire. L’Orient et la Grece

- General Bremond, Berbères et Arabes

- E.Cavaignac, Chronologie de l’Histoire mondiale

-Marcel Cohen, L’Ecriture

-R. et M. Cornevin, Histoire de l’Afrique

-A. De Buck, Grammaire du moyen Egyptien

- J. Despois, Afrique du Nord

-Eugene Guernier, l’Apport de l’Afrique à la pensée humaine

-A. Hanoteau et A. Le Tourneux, La kabylie et lres coutumes Kabyles

-Horodote, Histoire

-M. J. Herskovits , L’Afrique et les Africains

-Adolphe Erman, L’Egypte des Pharaons

-Henri Lhote, La découverte des fresques du Tassili

-La Rousse, Dictionnaire encyclopédique

-A. Naroun et Marechal, A. Juin, Histoire Parallele. La France en Algerie

-G. Picard, Le monde de carthage

-J. Pirenne, Histoire de la Ccivilisation et de l’Egypte ancienne

- Sallustre, Jugartha.

-Edward-Westermarck, Survivances païennes dans la civilisation Mahometane       

1-     « Tissine y ta seguemte u meslaï Beurbrieune » - «  connaissance et synthaxe du language des Berberes » par said Hanouz, Librairie Klincksieck, Paris 1968. Dedicace de Said Hanouz enn tete de son opuvrage : «  je dedie cette frammaire :

-         à la memoire de mon pere, Si Aomeur O’Aenouz, et de ma mere, Sahara Ai-Te-Hamrite ;

-         à mes freres : Abdenour et Lahcen, afin de leur rappeler la langue de leus anceytres ;

-         à mes enfants : Lucide et Daniel, afin de les initier à la langue de leur pére ;

-         à mon epouse : Irmine, pour sa precieuse collaboration ;

-         à Anne-Marie Chabry, en souvenir du temps passé ;

-         à tous les berberes, afin qu ils se retrouvent autour de leur langue ;

-         à la France, pays de liberté et de haute culture.

2-     Maxyes = Mazigh ? (NDLR)

3-     Zauèces = Zaïn ? ( NDLR)

RESUME

Les Berbères sont l'une des plus anciennes communautés d'Afrique du Nord. Pendant des siècles, les Berbères habitèrent la côte d'Afrique du Nord, entre l'égypte et l'océan Atlantique. Ils y restèrent jusqu'au VIIe siècle apr. J.-C., quand les Arabes conquirent l'Afrique du Nord et repoussèrent vers l'intérieur du pays de nombreux peuples berbères, vers les montagnes de l'Atlas et le Sahara. Aprés la conquète arabe, les Berbères adoptèrent lentement la foi musulmane de leurs conquérants. Les siècles qui suivirent furent marquées par des luttes presque continuelles pour la domination de l'Afrique du Nord, entre les divers groupes berbères, entre les Berbères et les Arabes, et entre tous ces peuples et les envahisseurs espagnols, portugais et turcs. Pendant la même époque, la côte barbaresque d'Afrique du Nord, dont le nom est en fait dérivé du mot "berbère", fut bientôt considéré comme étant la base principale des pirates arabes et berbères qui attaquaient les navigateurs méditerranéens.

La France et l'Espagne conquirent le Maroc et l'Algérie à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Après la Première Guerre mondiale, les populations berbères et arabes d'Afrique du Nord commencèrent activement à réclamer leur indépendance.

A partir de 1920, et jusqu'à sa reddition en 1926, Abd el-Krim battit à plusieurs reprises les troupes espagnoles du Maroc. Puis les Berbères firent une avancée dans le Maroc français en 1926, mais furent repoussés l'année suivante par les troupes françaises et espagnoles alliées.

Au cours de la vague de nationalisme qui souleva les peuples indigènes en Afrique du Nord française après la Seconde Guerre mondiale, les Berbères jouèrent un rôle un peu ambigu. Au Maroc, les Berbères constituèrent le principal rempart de l'autorité française. En 1953, les Français, soutenus par cette Faction alliée, exilèrent le sultan nationaliste du Maroc Mohammed V. Par la suite, le sentiment antifrançais finit par se renforcer aussi bien chez les Arabes que chez les Berbères du Maroc : le 20aout 1955, des forces berbères venues des montagnes de l'Atlas algérien attaquèrent deux colonies rurales du Maroc et tuèrent 77 ressortissants français. La perte de l'appui berbère contribua à ce que les Français mettent un terme à l'exil de Mohammed V en 1955 et accordent finalement son indépendance au Maroc en 1956.

En Algérie, une résistance violente à la domination française soutenue par les Berbères se poursuivit jusqu'à ce que le pays obtienne son indépendance en 1962.

De l'antiquité à Byzance

IV ème millénaire av.J.-C. Peuplement du Maghreb. 1200 Installations phéniciennes. 264 à 146 av.J.-C. Rome contre Carthage. 200 Masinissa, roi des Numides, s'étend au détriment des Carthaginois. 109 Jugurtha bat les Romains. 42-235 apr.J.-CS Berbèrie romaine. 430 Invasion vandale. 533 Conquête Byzantine.

Arabes et Turcs

647 Arrivée des Arabes au Maghreb. 698 La résistance berbère de La Kahena est vaincue. 710 Conquête de l'Espagne par l'armée berbère. Du VIII ème au XIII ème siècle Royaume berbère de Tahert (Rustémides, 761-911), dynasties aghlabide, hammadide, almohade (1145-1269), abdal-wadide… 1550 Arrivée des Turcs, constitution de trois régences.

Les Français

1830 débarquement à Sidi-Ferruch. 1857 Soumission de

la Kabylie.

1881 Traité du Bardo, protectorat sur

la Tunisie.

1912 Convention de Fès, protectorat sur le Maroc (Rif sous protectorat espagnol). 1922 Abdel-Krim. 1955 fin du protectorat en Tunisie. 1956 Fin du protectorat au Maroc. 1962 Independence de l'Algérie après sept ans de guerre.

Les Berbères aujourd'hui

Algérie : Kabyles, Chaouias.

Maroc : Rifains, tribus de l'Atlas.

Tunisie : Chaouias.

Niger, Mali, Lybie, Algérie : Touaregs.

ils sont berbères

Abd el-Krim.1882-1923

Saint Augustin.354-430

Jugurtha.160-104 av J.-C.

Abd el-Krim (1882-1963), nationaliste marocain, chef des Rifains, peuple berbère du Maroc. En 1921, il souleva sa tribu contre un poste militaire espagnol établi à Anoual dans la chaine de montagnes du Rif, au Maroc, s'en empara et massacra plus de 16000 soldats. Ainsi débuta, sous la direction d'Abd el-Krim, la guerre du Rif qui ne s'acheva qu'en 1926. En 1924, les Espagnols durent battre en retraite vers leurs campements, le long de la côte marocaine. Au même moment, la France revendiqua le territoire situé au sud du Rif. L'année suivante, une force militaire française conduite par le maréchal Philippe Pétain, ainsi qu'une armée espagnole, engagèrent un mouvement concerté contre les Rifains. La lutte, acharnée, dura une année au terme de laquelle les armées alliées finirent par vaincre les forces d'Abd el-Krim. Il fut déporté sur l'ile française de la Réunion de 1926 à 1947, date à laquelle le gouvernement l'autorisa à s'installer dans le sud de la France. Mais, lors de son transfert en France, il s'échappa et accepta l'offre de protection du roi d'Egypte. Depuis Le Caire, il poursuivit sa lutte pour l'indépendance de l'Afrique du Nord. Il refusa de rentrer dans son pays natal après l'indépendance (1956). Cependant, le roi Hassan II fit rapatrier sa dépouille au Maroc.

Augustin, saint (354-430), théologien, prédicateur, père et docteur de l'église, auteur des Confessions et de la Cité de Dieu.par Augustin naquit le 13 novembre 354, à Thagaste (aujourd'hui Souk-Ahras en Algérie). Son père Patricius était païen. Sa mère Monique était en revanche une ardente chrétienne qui oeuvra inlassablement pour la conversion de son fils et qui sera canonisée par l'église catholique. Augustin fit des études de rhétorique dans les villes de Thagaste, Madaure et Carthage, en Afrique du Nord. Il vécut à partir de l'age de dix-sept ans et jusqu'à trente et un ans avec une Carthaginoise qui lui donna en 372 un fils, Adéodat.

Jugurtha (160 av. J.-C.- 104 av. J.-C.), roi de Numidie (113 av. J.-C.- 104 av. J.-C.), petit-fils du roi Masinissa. Aprés la mort de son oncle Micipsa (118 av. J.-C.), qui avait succédé à Masinissa sur le trône, Jugurtha envahit les possessions du fils de Micipsa, Adherbal, et usurpa le trône. Jugurtha résista obstinément à l'intervention des Romains (111 av. J.-C.- 106 av. J.-C.). Il fut finalement battu et emmené prisonnier à Rome, où il fut exhibé lors du triomphe du général romain Sylla, en 104 av. J.-C. Jugurtha mourut en prison.

Kabyles, en français, groupement descendant du peuple berbère dont le domaine, la kabylie (de l'arabe Kbayl, tribu) s'étendait de l'égypte à l'Atlantique et de la Méditerranée à l'Afrique noire. Ensemble solidaire quoique nettement distinct de l'Algérie, aux frontières mouvantes et floues, hostile à toute autorité supérieure de quelque importance, la kabylie se présente comme un groupement humain constitué par un territoire, un mode de vie, une langue, une littérature et des traditions communes. Ils formaient autrefois des communautés politiques autonomes et restent encore aujourd'hui trés attachés à leur indépendance. La langue Kabyle est le dialecte berbère parlé par le plus grand nombre de berbèrophones en Algérie. Elle reste vernaculaire pour la plupart des Kabyles.La littérature kabyle, essentiellement orale, manie la poésie et le conte avec beaucoup de bonheur. Les Kabyles sont également connus pour leur poterie, façonnée à la main, sans tour, et décorée de motifs géométriques. Proches de celle de la Grèce antique, elle fait l'objet de recherches approfondies.

LA QUESTION BERBERE : QUELQUES REPERES


Nous savons peu de choses sur les Berberes. Nous disposons pour connaitre leur histoire de sources qui proviennent des decouvertes archeologiques ou ethnographiques. Malheureusement seuls quelques objects de pierres ou de poterie ont subsiste,de nombreuses inscriptions ou textes anciens ont disparus. Les Romains quand ils parlaient de l'histoire de l'Afrique se souciaient fort peu des Berberes, mais plutot de la gloire de Rome et de ses heros,et plus des grands que du peuple.

Les hommes
Les auteurs anciens nous ont parle de Libyens, d’Afri, de Mazices, de Maures. Il convient de preciser ces termes. Herodote appelait libyens tous les habitant de l'Afrique de race blanche. Salluste reservait le nom de Lybiens aux seules populations littorales. Il semble que le mot ait ete considerablement etendue. Les Grecs et les Carthaginois utiliserent pour les populations qui residaient dans le territoire controlle par Carthage le terme d'Afri et pour leur pays celui d'Africa. Les populations occidentales furent appelees Maures, la veritable origine pouvant etre la contraction d'un terme semitique Mahaurim qui signifie " Les Occidentaux". Les Grecs et les Carthaginois prirent l'habitude d'appeler les non-sujets de Carthage, Libyens ceux habitant les territoires soumis et maures les populations occidentales. Les Romains appelaient Barbari ceux qui ne parlaient pas le latin. Dans le pays Berberes l'ethnique le plus repandu et qu'on peut considerer comme le veritable nom du peuple Berbere est la racine M Z G ou M Z K qu'on retrouve dans Mazices, Mazaces, Mazaceces. Les Imazighen de l'Aures ont conserve ce nom Au XXe siecle le poete nationaliste Kabyle a appele a la lutte pour l'independance les fils de Mazigh.
 

L'origine 
Dans l'etat de nos connaissances, l'Origine des berberes reste insoluble. De nombreuses hypotheses ont ete avancees. Les etudes recentes tendent a prouver l'anciennete du peuplement en meme temps que sa diversite. L'essentiel des mouvements de populations se serait produit a la fin du Paleolithique et au Neolithique: au Capsien des hommes de race mediterraneenne de l'Est ont envahi l'Afrique du nord. Des pasteurs sahariens venus du Haut Nil les ont rejoints; il y'eut aussi des Noirs en petit nombre. On peut considerer que en Algerie les Berberes ont tire leur origine des hommes de Mechtael Arbi et des Premediterraneens. Il est certain qu'au cours des temps neolithique et historique des brassages, des melanges ethniques ont affecte les populations berberes. Certaines populations ont fusionne avec les indigenes, ce sont les Pheniciens, les Vandales, les Grecs, les Latins, les Arabes, les Turcs. Mais a l'exception des Arabes, et dans une moindre mesure des Turcs, aucune immigration n'a ete susceptible de modifier profondement les conditions ethniques de l'Algerie. Il est cependant exagere, meme faux de pretendre que cette societe berbere n'a pas ete modifiee, n'a pas evolue avec l'Histoire. Ce qui est certain, c’est que nous pouvons parler de nos ancetres les " Berberes".
On distingue differents types physiques: Kabyles de grande taille, dolichocephales chez qui les yeux clairs, les cheveux blonds ne sont pas rares, Kabyles de tailles moyenne au teint clair, aux cheveux bruns, Mozabites de petite taille, brachycephales aux yeux et cheveux bruns au teint pale et Touaregs de haute taille, dolichocephales aux jambes et aux bras longs. La taille, la forme du crane, la couleur de la peau different enormement et des savants ont pu proposer plusieurs classifications.


La vie de nos ancêtres
Les populations berberes etaient nombreuses, grace à une natalite tres forte et une longevite exceptionnelles. Les enfants etaient les bienvenus dans les familles. C'etait disait Herodote une "race d'hommes au corps sain, agile, resistant a la fatigue; la plupart succombent a la vieillesse sauf ceux qui perissent par le fer ou par les betes car il est rare que la maladie les emporte".
Sans doute ceux qui survivaient frappaient-ils les etrangers par leur vigueur et leur endurance.
 

La lutte pour la vie
Les produits vegetaux constituaient l'essentiel de leur nourriture. Ils furent accrus par la culture. Procope parle de galette de froment que l'on faisait cuire dans la cendre chaude du foyer. Pour moudre le grain "on employait un petit moulin portatif forme de disques en pierre superposes (Tassirt); on y insere la meule superieure, qu’une manivelle permet de faire tourner et qui est percee d'une cheminee ou l'on verse les grains: le frottement des deux disques opere la mouture".
Ce moulin nous dit Gsell a ete connu de

la Mediterranee

a une epoque fort reculee. La farine obtenue servait à faire une bouillie, une sorte de rouina; le Couscous etait le met favori des Berberes. Il est certainement originaire de l'Afrique du Nord, car les peuples d'Orient ne le connaissent pas. Les nomades nous dit Herodote " sont des mangeurs de viande et des buveurs de lait". On sait aussi que la vie pastorale etait plus importante que la vie agricole. Les nomades etaient avant tout eleveurs de boeufs et de chevaux, de moutons et de chevres. On peut penser que la propriete etait collective, et qu'il a meme pu exister une sorte de communisme agraire. Il etait couramment admis que les Carthaginois avaient appris l'agriculture aux Berberes, et que ces derniers avaient dans ce domaine fait de grands progres sous Massinissa. Cependant Gsell avait deja note que le Berberes n'avaient pas attendu la venue des navigateurs syriens pour pratiquer l'elevage et l'agriculture. Pour Camps l'existence de l'agriculture Algerienne au neolithique, et a la fin des temps prehistoriques peut etre attestee par un certain nombre de faits: l'existence de boules de pierre perforees recueillies dans les gisements capsiens et neolithique, ces ayant pu servir poids de batons a fouir; celle de faucilles que certains auteurs ont pu rapprocher des vraies faucilles; et celles de meules, herminettes et pics. L'art rupestre donne des preuves certaines de la domestication du mouton, du boeuf et du chien. Dans l'Atlas saharien une figuration humaine (a ksar el Ahmar) tenant un instrument comparable a une houe peut etre interpretee comme une scene agricole de nombreux auteurs et documenrs revelent l'existence d'une agriculture protohistorique donc anterieure a carthage: Peintures rupestres de

la Cheffia

a cote de Blandan representant un ovin; compartiments amenages dans le douar Tazbent pres de Tebessaet qu'on considere comme resultantd'un veritable systeme agraire et hydraulique coherent. Les Berberes, pour la culture du ble, ne doivent rien aux Pheniciens. Il en est de meme pour l'orge, les pois chiches, les feves, l'ail, le poireau, l'oignon, le navet, les melons, les courges et courgettes qui etaient cultives par les Berberes depuis une haute antiquite. De nombreuses plantes sauvages etaient consommees par nos ancetres: cardons, capres, pissenlit, chicoree sauvage, fenouil. Certaines gravures rupestres et certains outils neolithiques temoignent d'une tres ancienne utilisation de la houe et de la binette. l'araire berbere sorte de pioche en bois dur trainee et manitenue dans le sol est utilisee des l'age du Bronze et ne doit rien aux carthaginois. Les Berberes ont connu egalement la culture bien avant l'arrivee des pheniciens. Herodote parle des oasis du Sahara oriental des le Vem siecle; la toponymie (existence d'un terme berbere pour designer l'oleastre, et d'un autre pour designer l'arbre greffe) nous permet d'affirmer que les Berberes savaient greffer l'oleastre. Il en est de meme du figuier, qui pour les Berberes produisait le fruit par excellence.
L'armement des Berberes repondait a deux besoins; la chasse et la guerre. L'arme favorite etait le gourdin, la matraque. Certaines steles representent des guerriers tenant une lance; dans

la Johanide

de Corripus on parle souvent de javelots utilises par les Berberes. Une gravure rupestre du Sud Oranais montre des Berberes utilisant des poignards ou des coutelas; c'etaient les armes preferees pour le corps a corps. Ce n'est quau VIem siecle que des textes de Procope et de Corripus signalent l'utilisation de veritables epees. Des frondeurs lacant des pierres avec beaucoup d'adresse sont signales parmi les troupes de Jugurtha. Les Berberes utiliserent des arcs des les temps prehistorique; des pointes de flechesont ete trouvees dans de nombreuses stations; au sud de l'Oranie des archers sont figures sur des gravures rupestres. Les textes mentionnant l'usage du javelot sont tres nombreux, des steles decouvertes en Kabylie montrent des hommes tenant ou trois javelots. Les Berberes utilisaient pour se defendre une rondache en cuir derriere laquelle ils s'abritaient. Le bouclier apparait dans de nombreuses gravures rupestres du sud-oranais et du Sahara.

 

Les Berbères

Sont les premiers habitants du Maroc. Ils étaient là bien avant les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Arabes… En fait, aussi loin qu'on remonte dans le passé, l'Afrique du Nord a toujours été occupée par des Berbères. Les historiens grecs et latins leur ont donné plusieurs noms : Garamantes du Sahara, Maures et Sanhadjas implantés dans la zone intermédiaire Algérie-Mali-Maroc, Numides et Gétules de Tunisie et d'Algérie, Nasamons et Psyles de Lybie, ...etc.
Au Maroc, les berbères représentent actuellement environ la moitié de la population marocaine. Ils sont essentiellement concentrés dans le Rif, l'Atlas et le Souss. Ce peuple, très fier, et qui a toujours opposé aux envahisseurs successifs des résistances farouches, a ses traditions ancestrales, ses langues, ses dialectes et de très belles coutumes. Mais depuis quand exactement les Berbères sont-ils là ? Quelle est leur origine ? Comment s'est organisée leur résistance face aux différents envahisseurs?
Pour ce qui est de l'origine des Berbères, ça a suscité beaucoup de débats. Différentes théories et légendes circulent sur ce sujet.

A l'époque romaine, au Véme siécle avant J-C, on suggérait qu'ils descendaient des Troyens de l'Asie mineure. D'autres leur donnaient une origine égéenne ou grecque. Des écrits datant du Moyen âge, suggèrent plutôt que les Berbères descendent d'un aïeul nommé MAZIGH.

Certains ont aussi rapproché "la langue berbère" à la langue égyptienne ancienne.
En fait, les Berbères, très farouches et assoiffés d'indépendance, ont toujours combattu ceux qui voulaient les soumettre. Au temps des Romains, les tribus berbères se sont soulevées et ont réussi à sauvegarder leur originalité face à cette invasion.
Au cours du VIIIème siècle, les Berbères se sont convertis massivement à l'islam.

L'origine des Berbères est très ancienne, ils sont venus de la péninsule Arabique et du nord-est de l'afrique et ont peuplé une partie du nord de l'afrique (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye plus les Canaries et une partie du Sahel). On distingue maintenant, entre autres, les Chleuhs (Berbères du Maroc), les Kabyles (Berbères de l'Atlas Algérien où Kabylie), et les Touaregs (Berbères nomades du désert).

Quelques notions générales

Les Berbères constituent en Afrique du Nord un groupe culturel spécifique dont le caractère distinctif essentiel est la langue. Les découvertes archéologiques et la toponymie semblent attester que les Berbères ont occupé de tous temps le Nord de l'Afrique dont ils constituent les populations autochtones. La langue et le système d'écriture des Berbères comptent parmi les plus anciens du bassin méditerranéen.

Les Berbères sont répartis sur un territoire de près de 5 millions de km2 de la frontière égypto-libyenne aux îles Canaries et de la Méditerranée jusqu'au fleuve Niger et au-delà. Les régions berbérophones sont discontinues et entourées au Maghreb de populations arabophones. Il y a près de 20 millions de berbérophones. Au Maroc ils représentent plus de la moitié de la population locale.

Les parlers berbères forment l'une des branches de la famille chamito-sémitique. Il n'existe pas une seule langue commune à l'ensemble des groupes berbérophones. Cependant l'unité structurelle du berbère est indéniable même si on trouve plusieurs variétés linguistiques correspondant à chaque région où il est parlé (touareg, kabyle, rifain...). Le berbère n'est officiel dans aucun pays d'Afrique du Nord.

On a vu apparaître ces vingt dernières années une prise de conscience identitaire berbère. Une solidarité internationale a pris forme, et de nombreuses associations ont été créées. Un long processus d'unification de la langue est en marche pour le passage à l'écrit de la langue de tradition orale et pour son enseignement.

Littérature et chants berbères

La production littéraire berbère sous une forme écrite ne représente qu'une faible partie des littératures berbères qui sont essentiellement orales. La littérature culmine dans la poésie, manifestation souveraine liée au chant. Le rôle de la femme est essentiel dans la transmission de cette littérature. L'une des grandes difficultés consiste à transcrire cette littérature.

Au Maroc

Il existe deux groupes linguistiques au Maroc : le premier est formé par les parlers tamazight du Moyen Atlas, tachelhit du sud-ouest marocain, et ghomara de la région de Tétouan ; le second par les parlers zénètes du nord et du nord-ouest et de Figuig. Dans les hautes vallées montagnardes, le berbère est la langue de tous les jours. Pour ceux qui vivent en milieu urbain, elle est la langue de l'intime, de l'humour, la langue de la créativité.

Le roi du Maroc a pris position en 1994 en faveur de l'enseignement des dialectes berbères. On constate aussi une augmentation de la production écrite avec davantage de titres berbères, recueils de poésies, journaux ou revues produites par les associations amazighes. Tamazight, le premier hebdomadaire berbère a vu le jour en janvier 1999.

Arsène Roux

Arsène Roux (1893-1971) s'inscrit dans la lignée de scientifiques qui ont animé les études berbères au Maroc durant la première moitié du XX° siècle. Il s'intéressait particulièrement à la poésie populaire berbère, soucieux à la fois de conserver un patrimoine littéraire oral menacé et d'éveiller des vocations pour que d'autres continuent son œuvre. Il fut le premier directeur du collège d'Azrou (1927-1936). Entre 1915 et 1940, il a recueilli de nombreux spécimens de la littérature populaire du Maroc, en arabe dialectal et en berbère. Plus tard, directeur des études de dialectologie berbère à l'Institut des Hautes Etudes Marocaines, il enseigna le berbère aux officiers des Affaires indigènes qui recueilleront des données linguistiques directement auprès de la population berbère.

La bibliothèque d'Arsène Roux est conservée à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM). La partie la plus précieuse est constituée par une collection de manuscrits arabes et berbères du XVIe au XXe siècle qu'Arsène Roux a collecté toute sa vie au Maroc et qui constituent une collection unique au monde. On trouve également dans ce fonds de nombreux documents manuscrits dont l'essentiel est constitué par des recueils de tradition orale berbère du Maroc.

Textes poétiques en tachelhit du fonds Roux

Je te demande une fleur, ô maître des jardins,
Car mon cœur est plein d'amour.

Amène, ô rigole, de l'eau douce à la citerne,
Pour que le chemin conduise l'amant qui vient y puiser.

Poèmes, devinettes, proverbes en tachelhit

Ce vent est nouveau, préparez-vous à la neige.
J'ai mis en garde celui qui est monté au col pour y passer la nuit
L'homme raisonnable doit quitter la région où jaillissent les torrents,
Tant que le grondement de l'orage ne s'est pas calmé.

Si tu marches, elle marche ; si tu t'arrêtes, elle s'arrête, elle te suit toujours ? L'ombre
En marchant, il porte une petite serpe ? Le scorpion
Il est chez nous un champ que nous n'arrosons que lorsque nous voulons en faire la moisson ? La chevelure

L'ignorance est semblable à une mauvaise chamelle, celui qui la chevauche est perdu

J'ai demandé, ô yeux noirs, ô colombe à la fenêtre,
De n'être pas blessé, tant que mon désir ne s'est pas enfui.

Un aperçu des Berbères et de leurs coutumes

Avant de discuter des Berbères qui sont spécifiques à l'Algérie, il est important de donner un aperçu général de tous les Berbères en Afrique du Nord.

L'homme berbère préfère répondre au nom " Amazigh ",

la femme                                             au nom "Tamazigh"

et ensemble                                       au nom "Imazighen".

Le terme "amazigh" fait référence à leur langue comme le mot "berbère". On croit pourtant que le terme "berbère" est dérivé du mot latin, "barbari", qui signifie des barbares où du mot arabe, "barbara" qui veut dire un mélange de bruits inintelligibles. De toute façon il a des connotations négatives.

En général les Imazighen sont fluets. Durant des siècles ils se sont mélange avec beaucoup d'autres groupes ethniques. À cause de ça il est souvent presque impossible de les identifier de leur apparence. Un Berbère peut avoir la peau blanche ou la peau brune foncée. C'est leur langue maintenant qui les sépare des autres peuples en Afrique.

Ce peuple semi-nomade représente trente pour cent de la population en Algérie et quarante pour cent de la population au Maroc. Dans ces pays ils vivent pour la plu part dans la chaîne des montagnes de l'Atlas, particulièrement dans la région du Kabylie, et aussi dans le désert du Sahara. La Tunisie, le Niger, la Libye et le Mali sont d'autres pays que les Berbères occupent.

Il y a des Berbères qui vivent sans problème dans l'environnement arabe des grandes villes. Pourtant, soixante cinq pour cent choisissent à résider dans les régions plus rurales où ils trouvent un sens plus fort de la culture amazigh. Les Berbères nomades vivent dans les tentes et les Imazighen des villages ruraux vivent dans les huttes de pierre.

Dans certains cas les Imazighen gagnent leur vie en faisant l'élevage du bétail ou des moutons comme leurs ancêtres. Il y a un nombre croissant qui cultivent des cultures y compris des figues, des raisins, des olives, des glands, du grain et du blé. D'autres emplois dans lesquels ils sont impliqués sont la moulure du blé et la sculpture de bois. Ils aussi produisent des poteries et des bijoux traditionnels et plus récemment des ustensiles domestiques et des outils agricoles.

Les Tamazighs souvent tisse des tapis et des kilims que sont connus pour leurs couleurs riches et chaudes et pour leur laine de qualité supérieure. Les femmes utilisent les plantes et les légumes locaux pour teindre la laine. Elles n'ont pas besoin de teindre la laine en noir parce qu'elles utilisent la laine d'une chèvre indigène en Afrique du nord. On peut acheter ces produits sur l'Internet. Les femmes berbères tissent aussi des tapis de couchages, des oreillers, des sacoches, et des panneaux de tentes. Ces activités leur donnent une indépendance économique qu'est très importante, surtout avec les veuves.

Une Tamazigh et un Amazigh

Un Kilim

Il y a beaucoup de théories sur l'origine des Imazighen. Certaines personnes croient qu'ils sont venus d'Europe. Néanmoins ces personnes sont en minorité. La majorité pensent qu'ils sont indigènes d'Afrique du nord, d'Egypte à l'océan Atlantique. Certainement ils sont présents depuis au moins quatre mille ans. Il y a des références à des Berbères dans certaines sources égyptiennes, grecques et romaines anciennes qui sont de l'an trois mille J.C.

Une autre théorie sur ce sujet est que les Berbères sont des descendants des Amazones libyens. Il y a beaucoup de rapports entre les deux. Premièrement il y a une ressemblance évidente entre les mots "amazone" et "amazigh". Les Amazones résidaient dans les mêmes régions que notre Imazighen habitent aujourd'hui. Une autre fois c'est les similarités entre l'alphabet amazigh et le Libyen écrit ancien.

Comme j'ai dit, les Berbères ont occupé des territoires vastes de l'Afrique du nord pendant des milliers d'années. Ils ont toujours eu tendance à résider dans les régions isolées comme le désert ou les montagnes. En conséquence ils parlent beaucoup de dialectes différents qui s'appellent collectivement "Berbère". Un autre résultat de ces distances entre les groupes d'imazighen est que quelques coutumes distinctes se sont développées dans les régions différentes. À cause de ça j'ai décidé à limiter ma recherche à des coutumes en Kabylie.

Les Imazighen de Kabylie prennent part à un groupe de coutumes pour célébrer le nouvel an commun auquel je m'intéresse beaucoup. Le nouvel an commun est le nouvel an que tous les religions célèbrent ensemble en janvier. Les Musulmans en fait, ont leur vrai nouvel an pendant le neuvième mois du calendrier musulman. Pour eux il est actuellement 1978. Pendant la première nuit de l'an chaque famille participe à une coutume appelée " Talkimt n djiwnegh". Toute la famille mange un repas qui a le nom, "les sept légumes ". Ce repas consiste en sept types des légumes verts. Il est mangé avec le couscous. Après ça, c'est le devoir d'une fille de la famille à offre les restes du couscous à chaque membre de la famille. Elle doit dire 'tiens, mange', mais tout le monde doit refuser en disant "Je n'ai plus faim" .

Ensuite la jeune femme le met devant la porte de la maison. Durant la nuit le couscous prend des formes distinctes chaque année à cause du vent. Le lendemain la Tamazigh l'examine et puis fait des prédictions à propos de l'année à venir.

La nuit suivante chacun doit manger une volaille entière et quelques oeufs. Les femmes enceintes mangent une volaille supplémentaire pour leur bébé. Chaque Amazigh ne peut pas jeter leur coquille d'oeufs avant le lendemain. D'après les Imazighen ces actions assurent la prospérité durant l'an suivant.

Finalement il est d'usage de renouveler les pierres du foyer. Durant le même jour qu'ils jettent les coquilles d'oeufs la femme principale de la famille se débarrasse des vieilles pierres. Il faut qu'elle dise, " Je vous change, o pierres en apporte de nouvelles dans la paix et le prospect la prospérité «. En les remplace elle dit, " au nom de Dieu, veuille, ô Dieu, qu'il soit béni, heureux et prospère ".

Kabylie se compose des groupes des villages isolés. Il est de tradition que les Berbères de Kabylie aient une fête tous les mois d'année. Chaque village est l'hôte à tour de rôle. La fête porte le même nom du pain traditionnel,"dfildagh", qu'ils préparent pour ce jour.

Pour finir, je vais décrire une coutume plus connue dans le monde. C'est l'invocation de la pluie. Pour celui-ci une jeune femme, choisie par le village, porte ses plus beaux vêtements. Elle avance à travers le village en chantant et en dansant suivie des villageois. Ils croient que cette coutume encourage la pluie qui est vitale par la vie agricole en Kabylie.

Un aperçu actuel des Berbères

Préambule

Les Berbères ont, durant toute leur histoire, résisté à de nombreuses agressions , suivies d'occupations, partielles certes, mais s'étalant sur des périodes très longues (phénicienne, romaine, arabe, ottomane, portugaise, espagnole, française; sans compter les " passages" des byzantins et des Vandales.

Curieux destin que celui du Berbère: il a assimilé la civilisation de chacun, sans perdre la sienne, mais sans pouvoir l'imposer, non plus, au nouveau venu.

La Berbérité est le patrimoine culturel et l'Histoire de tous les Algériens et du Maghreb, elle va même au delà, dans les pays limitrophes d'Afrique. Le Niger, le Mali, les Iles Canaries parlent le Berbère même si beaucoup ignorent cette langue pour la bonne raison qu'elle n'est nulle part officiellement enseignée mais au contraire étouffée.

En Algérie, par calcul politique, la culture berbère a toujours été combattue, refoulée. Tous les pouvoirs successifs ont affiché leur volonté de réduire la langue berbère à l'état de dialecte marginal.

Après 35 ans d'indépendance, La culture berbère fait toujours l'objet de mépris et d'ostracisme.

Pour bien comprendre la genèse de la question berbère, dans l'Histoire récente de l'Algérie, on distinguera trois périodes:

1. Avant l'indépendance

a) La politique coloniale:
Le phénomène colonial a été déterminant dans le refoulement de la question berbère, par ses stratégies politiques, militaires, économiques et culturelles (mythe de la politique berbère, destructions et répressions massives, expropriations, oppression, exploitation, dévalorisation de la langue berbère orale au profit de la langue française et parfois de la langue arabe). En raison de ses intérêts culturels au Moyent-Orient et fidèle à une tradition diplomatique et géopolitique musulmane depuis des siècles, la France ne pouvait concevoir une politique "Berbère" au Maghreb. Il y a au effectivement utisation idéologique intensive de la spécifité "berbère" mais il n' a jamais eu de traduction concrète signficative. Tout au long de la colonisation cette spécifité n'a constitué qu'un discours de division.

b) La crise au sein du PPA-MTLD:
Dans les deux premières phases du développement du mouvement national (1926-1937 et 1945-1949), un courant radical formé en grande majorité de berbérophones, a essayé d'orienter le mouvement vers une direction socialiste, démocratique et laïque avant de le propulser dans la lutte anticoloniale ouverte. Dans les années 45-50, Ils ont en particulier demandé la redéfinition de l'identité nationale et des structures du mouvement. Suspects et combattus, vus comme des tra"tres, on a ordonné leur liquidation politique et parfois physique.

Bénéficiant d'un soutien au Maghreb et au Moyent Orient, les milieux arabo-islamiques ont réussi à investir le mouvement national et à lui imposer leur orientation.

Cette crise, dite "berbériste", résolue de manière violente et bureaucratique, a entra"né la mise en parenthèse de la question berbère durant toute la période de la guerre de libération.

2. De l'indépendance au printemps berbère

Très vite après 1962, sont relayées l'idéologie ba‰thiste et les pratiques du PPA-MTL, restées en vigueur pendant la guerre de libération. Les actes de repression s'accentuaient contre la culture berbère. Cette repression allait provoquer dans la jeunesse en Kabylie, à Alger et en émigration, une prise de conscience considérable. Une véritable nébuleuse allait s'engager dans un formidable travail culturel et pédagogique. La vision politique des problèmes de culture et de langue se diffusait dans la mouvance culturelle berbère. Un projet de société laïque et démocratique, pluraliste aux plans linguistique et culturel, se dessinait ouvertement. Ce processus parallèle de travail culturel et de politisation va permettre le "Printemps berbère".
1980 : Le Printemps berbère
L'Université de Tizi Ouzou qui a ouvert ses portes en 1977 est devenue le lieu où le combat pour la culture berbère a vite mžri. Des problèmes de fond allaient être posés. L'événement qui allait tout déclencher est l'annulation de la conférence que devait donner Mouloud Ma‰meri à l'université de Tizi-ouzou. Ce dernier n'arrivera pas au campus universitaire, son véhicule fžt détourné sur le siège de

la Wilaya.

Ayant appris la nouvelle de l'arrestation, la population universitaire indignée s'organisait et diverses actions sont immédiatement envisagées par des militants de longue date dont le Dr SADI, actuellement Secrétaire Général du RCD, principal parti d'opposition démocratique. Cette mobilisation des citoyens a paralysé la Kabylie et commençait à se généraliser à travers tout le pays.

Le pouvoir procède alors à la plus grande répression que l'Algérie indépendante n'ait jamais connue.

3. De 1980 à nos jours

De 1980 au 28 /11/ 1996
Cette période est caractérisée par les émeutes de 1988 et l'instauration du multipartisme politique. Depuis 1988, on a assisté à une très forte remobilisation pour le combat identitaire. L'événement majeur est la grève de l'école qui a duré pratiquement une année et qui a obligé les autorités à prendre en compte la revendication culturelle et linguistique. La création du HCA (Haut Commissariat à l'Amazighité ) est un acquis important. Malgré certaines entraves, il a réussi à intégrer, pour la première fois dans l'Histoire de l'Algérie, Tamazi (t dans l'école algérienne. Le HCA, a préparé un programme ambitieux pour réhabiliter l’Amazi (ité en tant que Langue, Culture et Histoire.

Constitution du 28/11/1996
Après l'élection du président Zéroual le 16 novembre

1995, l

'on s'attendait à la constitutionnalisation de Tamazi (t en tant que langue nationale et officielle, comme il s'est engagé à la faire devant le peuple algérien. Le courant islamo-b‰athiste allait se mobiliser pour contrecarrer l’amazi (ité (parfois de manière virulente, notamment à propos d'un séminaire que devait tenir le HCA à Batna).

Par manque de courage politique, le Président Zéroual a préféré faire d'importantes concessions au courant conservateur que de satisfaire une revendication populaire et légitime. L’Amazi (ité, une des trois composantes de l'identité algérienne demeure marginalisée et non prise en charge par l'Etat.

Conclusion

Toutes les revendications identitaires ont été montrées comme des tentatives d'atteinte à l'unité nationale et de division. Mais comme l'a très bien dit Kateb Yacine : Quels sont réellement les diviseurs? Ne sont-ils pas ceux qui nient et qui étouffent Tamazi (t, notre première langue nationale. Ne sont-ils pas ces faux patriotes, les négateurs d'eux-mêmes ? Ceux qui ont honte de leurs origines et qui, en plus s'acharnent sur leur propre culture, leur propre identité.

Nous sommes aujourd'hui, Sed 1 yunyu 2952 , date qui correspond au Samedi 1 juin 2002.
L'année en cours 2002, correspond à l'année 2952 du calendrier amazigh, soit un décalage de 950 ans et 12 jours. Les Imazighen fêtent la nouvelle année le 12 janvier qui correspond donc au 1er jour du mois Yennayer.

·        Le calendrier de l'année 2950

A chaque jour correspond un prénom berbère, vous avez donc l'embarras du choix pour donner un joli prénom à un enfant à naitre!

en vert: prénoms masculins

en fushia: prénoms féminins

Yennayer/Janvier

Furar/Février

Meghres/Mars

Ibrir /Avril

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Dihya
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Luwa
Hennou
Amazigh
YENNAYER
Mezzyan
Tilelli
Isli
Tamilla
Menzou
Massilya
Aflawas
Xuda
Youba
Toula
Yugurten 
Louiza
Lounis 
Dassin
Idras
Kenza
Bakaten
Mouna
Sifaks

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Adid 
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Louba
Yellana
Madghis
Kanimana
Irgues
Ladda
Djana
Sekoura
Ouzza
Nadia
Mennache
Maryama
Aksil
Damya
Uzzin
Ghella
Ayur
Mira
Akar
Tighlas
Alennas
Kahina
Amayaz
TAMEGHRA N IJEDJEN

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Bouloughine
Mazika
Yemsal
Temsal
Ingad
Badis
Kuseyla
Itri
Yaghmour
Silyouna
Takfarinas
Urika
Sokman
Markounda
Abaroug
Tifa
Mernis
Tinga
Ales
Silya
Yafren
Ijja
Tikinas
Tafat
Adal
Tiska
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Tara
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Zila
Amestan
Tifawt
Asmun
Kenna
Adjan
Kella
Yafou
Zeggoula
Ikken
Tamenna
llassen
Bakka
Immel
Wedira
Iraten
TAFSUT IMAZIGHEN
Isliten

Riga


Izri
Ourtedous
Kawsen
Segguma
Masal
Tihussay
Massil
Messouna

Maggu/Mai

Yunyu/Juin

Yulyu/Juillet

Ghucht/Août

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Sadden
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Tidghas
Oughdis
Wessina
Urtilan
Izya
Ourtrid
Tafrara
Ouryaghel
Nouja
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Melila
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Kettou
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Shusha
Intasen
Mamma
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Matougez
Isdour
Sefouya
Islasen
Milda
Issouda
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Izedran
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Izmerten
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Tidir
Madjer
Debira
Madjkis
Meloula
Meghraw
Zeghoula
Marksen
Ouminet
Loumsi
Tayri
Outas
Metira
Serdghous
Mesifa
Soulas
Toufinet
Madin
Ounifa
Melwan
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Mendas
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Sila
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Massa
Ourdigh
Toulay
Ournid
Sedina
Ourziz
Tiwache
Outiw
Tamellate
Sadghyan
Taghmour
Semgou
Temoud
Seghmar
Sebika
Sedray
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Thuber/Octobre

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Sefrouy
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Warifen
Jedjiga
Warzeg
Ousila
Wighlen
Watila
Ourglaw
Telil 
Ounam
Tizdig
Ournid
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Ourfel
Toumadir
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Ouridous
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Wanudin
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Madil
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Arkam
Tidaw
Youla
Tizware
Yaleddes 
Tourda
Yemloud
Tasa
Irgasen
Sedoura
Youkyan
Toumer
Iliten
Tinmale
Wighlasen
Hennouba
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Tighlane
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Timan
Youguer
Herrou
Yissine
Tafna
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Mernisa
Yidaw
Ghennou
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Hemma
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Termour
Yournan
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Irnaten
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Mesraya
Yemdou
Zediga
Isough
Tamemt
Issouhet
Timsal
Irhad
Tinoufa
Israguin
Terna
Izdyten
Maliza
Techfin
Tawles
Ignim
Tengad
Ferroudja
Tersoun
Ounghasen
Ourtaghir
Maziz

The BERBERS


Very ancient rock engraving of a female(?) archer from Wadi In Habeter in southwestern

Libya

.

The Tuaregs 

Tin Hinan - African Amazon Queen
The ancestress of the Tuaregs was a woman, who possessed many characteristics of an Amazon queen. Her name was Tin Hinan.

BERBERES AU MAROC A OULMES ET EL HAMMAM EN 1932 ET 1933.


30 août 2010

LE KABYLE

LE KABYLE

Apprentissage d’une langue étrangère

Réflexion sur cet apprentissage

         

Enseignante : Amandine DENIMAL

Etudiant : Djamel DJENIDI - DU de didactique du FLE - mai 2009   

Université  Paul Valéry   Montpellier III

UFR 1  Sciences du langage

Sommaire

1. L’apprenant

1.1 Parcours linguistique

1.2 Profil d’apprenant et représentations de l’apprentissage

1.3 Motivations pour le kabyle

1.4 Représentations des Kabyles et de leur langue

2. La méthode d’apprentissage

2.1 Présentation de la méthode (contenus, activités…)

2.2 Commentaires sur la méthode

2.2 Organisation de l’auto-apprentissage

3. L’apprentissage

Leçon 1   Généralités sur le kabyle, les peuples et langues berbères

Leçon 2   Phonologie, transcription et écriture

Leçon 3  Les salutations, les formules de politesse

Leçon 4   Grammaire du nom

Leçon 5   Les nombres / Quelques énoncés indispensables

Leçon 6   Grammaire de l’adjectif

Leçon 7   Se présenter, faire connaissance

Leçon 8   Grammaire du pronom personnel

4. Conclusions


1. L’apprenant

1.1 Parcours linguistique

Ma langue maternelle est l’arabe dialectal de ma région, située à la lisière de

la Petite Kabylie.

De Hammam Guergour, mon village natal, les premiers villages berbérophones sont à quelques kilomètres seulement. Je suis toujours frappé, en passant d’une aire linguistique à l’autre, par cette frontière aussi nettement marquée, au sein d’une population par ailleurs aussi homogène au plan ethnique.

Ma langue de scolarisation est le français, que j’ai commencé à apprendre à l’école primaire, comme n’importe quel écolier français, à l’époque où  l’Algérie était encore une colonie française. Dès lors, cette langue est devenue ma langue principale, celle que je parle, que je lis et que j’écris le mieux.

J’ai également étudié le latin, que j’ai beaucoup aimé, et si je mentionne ici l’étude de cette langue morte, c’est parce que je lui attribue une part non négligeable dans ma bonne maîtrise du français, et plus généralement dans ma construction intellectuelle et culturelle.

Je possède une connaissance basique de l’arabe littéraire, acquise au collège par une méthode certes directe, mais des plus traditionnelles, pour ne pas dire archaïque.

J’ai ensuite appris en autodidacte des rudiments d’anglais et d’espagnol, grâce à la bonne vieille méthode audio-orale ASSIMIL, avec des résultats communicatifs plutôt honorables.

Enfin, pour l’anecdote, j’ai étudié l’allemand au collège pendant trois ans, par la préhistorique méthode « grammaire-traduction », avec un piètre bilan, à savoir un fiasco total dans la communication orale, alors même que j’étais un fort en thème - c’est bien le cas de le dire - dans cette matière.

1.2 Profil d’apprenant et représentations de l’apprentissage.

Ce parcours linguistique un peu chaotique et aux résultats mitigés (exception faite du français), m’aura du moins permis d’expérimenter un large spectre de méthodologies, de mieux cerner mon profil d’apprenant, avec sa part de subjectivité  et d’autoreprésentations, et enfin d’élaborer progressivement mes propres conceptions de l’apprentissage, que je peux  récapituler ainsi :

- Je crois être un apprenant avant tout auditif, j’ai donc une très grande confiance dans la transmission orale, et une certaine méfiance vis-à-vis de l’écrit, surtout en début d’apprentissage.

- Dans la didactique des langues vivantes, je suis partisan du respect de l’ordre chronologique naturel : écoute, production orale, lecture, production écrite. Je fais ainsi une distinction très nette entre l’initiation, dans laquelle j’ai tendance à privilégier les méthodologies audio-orales, et le perfectionnement, pour lequel j’adhère davantage à l’approche communicative, mais aussi à la lecture qui paradoxalement renvoie aux conceptions les plus traditionnelles.

- Je crois d’abord et avant tout au désir et au plaisir d’apprendre, qu’il s’agisse de langues vivantes ou de toute autre matière. Enseigner pour moi c’est surtout faire aimer à l’autre, et apprendre c’est « se régaler » comme on dit dans notre belle langue d’oc.

1.3 Motivations pour la langue kabyle

Depuis de nombreuses années, j’avais une vraie envie d’apprendre le kabyle, et c’est une occasion rêvée qui m’est offerte ici de réaliser enfin ce projet.

Les raisons de mon choix sont multiples et profondément ancrées.

Comme l’immense majorité des Algériens, je suis ethniquement berbère et linguistiquement arabo-francophone. J’ai donc toujours ressenti comme une véritable frustration de ne pas pouvoir communiquer dans ce qui est d’une part la troisième langue la plus parlée  en Algérie, et d’autre part la langue de nos plus lointains ancêtres, composante incontournable de la culture algérienne avec l’arabe et le français.

Je me suis toujours senti fortement concerné et attristé par les polémiques identitaires autour de la berbérité et de l’arabité, qui sont une singularité de l’Algérie. Je déplore notamment le fantasme que partagent nombre d’Algériens arabophones, qui s’autoproclament Arabes contre toute évidence historique, au point de se montrer méprisants envers « les Kabyles », et l’attitude non moins sectaire de certains intégristes de la berbérité qui refusent de communiquer en arabe avec un interlocuteur « arabe », alors même qu’ils connaissent parfaitement cette langue.

A l’inverse, j’ai le plus grand respect pour les  écrivains comme Mouloud Feraoun, les chanteurs comme Idir, des hommes de théâtre comme Fellag, tous ces artistes kabyles dont le talent et le  travail inspiré contribuent à faire vivre cette langue, et à nourrir cette culture, bien plus que ne le font les slogans et les idéologies  des ultra berbéristes.

A l’intérieur de la sphère culturelle algérienne, je regrette qu’il n’y ait pas un plus vaste chantier de recherches historiques et linguistiques autour de l’amazighité, pour que les Algériens se réconcilient une fois pour toutes avec leur identité berbère, tout en revendiquant les apports des cultures arabe et française comme une richesse et un supplément d’âme.

A ces motivations intellectuelles, et quelque peu militantes, s’ajoutent des raisons plus intimes, qui me renvoient au souvenir de ma grand-mère maternelle, paix à sa belle âme.

Un jour, durant mon adolescence, je l’avais surprise  en grande conversation avec une vieille dame kabyle.

« -- grand-mère, mais tu sais parler le kabyle !

-- bien sûr que je le parle, gros niais, c’est ma langue maternelle. L’arabe, c’est chez vous (sic) que je l’ai appris. (Je précise au passage qu’elle parlait un arabe dialectal parfait, sans la moindre trace d’accent kabyle)

-- mais pourquoi on ne t’entend jamais parler le kabyle ?

-- c’est parce que chez vous personne ne le comprend…et puis surtout, cette langue, je ne l’aime pas.

-- pourquoi tu ne l’aimes pas ?

-- je ne sais pas pourquoi, mon petit garçon, c’est Allah qui l’a voulu ainsi. »

Mon  désir d’apprendre cette langue kabyle, pourtant dénigrée par ma grand-mère,  est celui de renouer je crois avec la langue « grand-maternelle » que nous avons perdue au cours des âges, au profit de l’arabe puis du français, mais qui demeure le lien vivant avec nos racines les plus profondes.

On a tous une grand-mère en Kabylie

1.4 Représentations des Kabyles et de leur langue

Ayant grandi dans un environnement d’abord arabophone, puis francophone, je n’ai été directement confronté à la langue kabyle qu’à l’âge de huit ans.

Nous avons eu pour voisins des Kabyles nouvellement établis à Sétif, ville arabophone. Ce voisinage a vite évolué vers une amitié profonde, qui ne s’est jamais démentie, et qui a largement conditionné mes représentations des Kabyles.

Il m’a aussi permis d’entendre parler cette langue, de me familiariser avec sa prosodie, et d’acquérir en immersion des rudiments de lexique.

Il faut que je précise qu’à Sétif, dans les années soixante, il régnait une forme de « berbérophobie », qui pouvait se manifester de deux manières :

- le mépris, la dérision : on se moquait des kabyles et de leur langue, et particulièrement de leur accent lorsqu’ils s’expriment en arabe.

Je dois reconnaître qu’à cette époque, j’étais moi-même imprégné de cette représentation, et j’en garde le souvenir de cette blague que je continue aujourd’hui encore à trouver très drôle : quel est le comble pour un Kabyle? C’est de s’appeler Larbi (le prénom Larbi signifie … « l’Arabe »). Je note au passage que ce prénom est très courant chez les Kabyles, ce qui n’est pas anodin.

- le rejet, voire l’hostilité ouverte, particulièrement dans le monde des enfants qui est parfois si cruel. J’ai été témoin d’agressions verbales envers mes voisins, du type : « retourne dans ton bled bouffer des figues et de l’huile d’olive », ou encore : « kbaïli kaboula » « affoura »… et autres appellations  méprisantes  dont l’équivalent français pourrait être « bamboula » ou « bougnoule ».

Les victimes de ce rejet et de ces brimades étant mes amis kabyles, et pire encore, ayant été moi-même traité (injustement) de Kabyle, j’ai eu dès l’enfance toute forme de xénophobie en horreur.

Ma représentation des kabyles a donc été dominée par un sentiment de forte empathie, qui n’a fait que se renforcer avec le temps, et a pris le pas sur l’attitude de dérision, sans toutefois la gommer complètement. J’assume d’autant mieux cette dérision qu’elle ne comporte chez moi ni mépris ni malveillance, bien au contraire, et que les Kabyles eux-mêmes pratiquent volontiers l’autodérision, ce qui n’est pas la moindre de leurs qualités.

Quelques années plus tard, à l’adolescence, j’ai quitté Sétif pour Alger, où j’ai retrouvé  mes amis kabyles qui s’y étaient installés, et que j’ai continué à fréquenter assidument. La chaleur et la sincérité de leur accueil a renforcé ma  représentation quant à l’hospitalité et au sens du partage des Kabyles.

Une autre de mes représentations positives des Kabyles, sans doute très liée aux us et coutumes très « francisées » de cette famille, est que les Kabyles sont moins conservateurs, moins coincés, davantage inscrits dans la modernité que la plupart des Algériens. Cette modernité se traduisait en particulier par une plus grande mixité hommes femmes, et moins de rigidité et de tabous au sein de la bulle familiale.

A Alger les Kabyles étaient plus nombreux, mieux intégrés et plus visibles qu’à Sétif. Au lycée, je me suis fait de nombreux amis kabyles. Tous parlaient plus ou moins bien l’arabe dialectal, mais apprenaient l’arabe classique avec une facilité déconcertante, souvent mieux que bon nombre d’arabophones scolarisés en français comme moi. Cette performance m’avait impressionné, et avait conforté la représentation que les Kabyles s’arabisent presque « naturellement», au nom d’une hiérarchie bien établie des langues et des cultures, dans laquelle je plaçais en tête  le français, langue de la modernité, en second l’arabe littéraire, langue du passé,  et en dernier le kabyle que je mettais dans le même panier que l’arabe dialectal : des patois archaïques, des dialectes n’ayant même pas droit au statut et à l’appellation de langue, car je réservais alors ce label aux seules langues écrites.

Mon émigration vers

la France

, à l’âge du dix-huit ans, en même temps qu’elle m’a coupé de l’environnement linguistique algérien, m’a permis de me décentrer et d’appréhender avec davantage de recul et de nuances ces thèmes linguistiques et identitaires.

A partir de lectures et de réflexions personnelles sur l’histoire de l’Algérie, et suite à des séjours au Maroc, où la berbérité est plus marquée et mieux assumée qu’en Algérie, j’ai acquis une vision nouvelle, fondée sur le postulat que tous les Algériens sont des Berbères plus ou moins anciennement arabisés.

Le clivage Arabes/Berbères est donc strictement linguistique, mais ce qui me semble aujourd’hui être une évidence historique est malheureusement ignoré par une majorité d’Algériens. Il y a chez les arabophones de mon pays une revendication de l’arabité et un rejet de la berbérité qui relève du négationnisme et de la schizophrénie. Cette attitude est finement illustrée par l’humoriste Fellag quand il dit : «  en Algérie on se proclame Arabes, et on appelle Saoudiens ou Yéménites ceux qui sont les seuls véritables Arabes de la planète ».

Une autre de mes représentations positives de la culture kabyle est en lien avec la musique. Etant musicien amateur, épris de musique arabo-andalouse, j’ai découvert récemment l’apport du chant kabyle au genre cha’bi, qui est un des plus beaux joyaux de la musique algérienne.

Si les mélodies et les textes du cha’bi sont arabes, la manière roucoulante d’interpréter le chant est bien kabyle, et ce n’est pas un hasard si les plus grands maîtres de cette musique, comme Lhadj Lanka, Dahmane Lharrachi, ou Abdelkader Chaou, sont  kabyles. Ceci ne les a pas empêchés  de  s’approprier, et de quelle manière, cette merveilleuse musique qui représente à mes yeux (je devrais dire à mes oreilles) une des  plus belles réussites du métissage entre les cultures arabe et kabyle.

Je ne peux pas quitter ce chapitre des représentations  sans évoquer une représentation des Kabyles  très répandue chez les Français, et à laquelle je suis particulièrement sensible, car j’y suis régulièrement confronté depuis que je vis en France.

Lorsque je me présente comme Algérien, on me demande invariablement si je suis arabe ou kabyle, ou encore on me catalogue d’emblée Kabyle, au motif que j’ai le teint et les yeux clairs.

Cette attitude est la parfaite illustration d’un stéréotype bien français, celui du Kabyle qui aurait le physique européen, pas tout à fait aryen mais presque, et les qualités morales et intellectuelles qui vont avec : honnête, tolérant, ouvert à la modernité, francophile … par opposition à l’Arabe au teint basané, au cheveu frisé, avec les tares afférentes : fourbe, fanatique, archaïque, polygame, et comble d’infamie … francophobe !

Cette représentation ô combien manichéenne a la peau dure, car depuis quarante ans que je vis en France je ne l’ai pas vue évoluer d’un iota.

Si je la combats énergiquement chaque fois que j’en ai l’occasion, comme je le fais ici, c’est parce qu’elle participe de la même ignorance et de la même irrationalité que celles que j’observe en Algérie, et qu’elle exporte de ce côté-ci de

la Méditerranée

cette funeste fracture arabe/kabyle qui me paraît hélas avoir encore de beaux jours devant elle.  


2. La méthode d’apprentissage

Faute d’avoir trouvé mieux, par exemple des cours vivants de langue kabyle, j’ai choisi l’auto-apprentissage, au moyen de la seule méthode que j’aie pu trouver en libraire, « le kabyle de poche », dans la collection « ASSIMIL évasion ».

2.1 Présentation de la méthode

Supports et contenus

Un manuel de poche, de 200 pages,

- présentation des peuples et des langues berbères (5 pages)

- prononciation et transcription (8 pages)

- grammaire de base (65 pages)

- guide de conversation par thèmes (80 pages)

- lexique à double entrée de  2000 mots

Un CD audio de 60 minutes, comprenant les enregistrements bilingues du guide de conversation.

Cette méthode est proposée au prix raisonnable de 16 euros.

Activités proposées

Le mode d’emploi préconisé est le suivant :

- lire les explications sur la phonétique et la transcription

- parcourir (sic) la grammaire

- retenir les structures de phrases du guide de conversation et « …les adapter à vos besoins au moyen du lexique »

2.2 Commentaires sur la méthode

Pour avoir déjà utilisé avec succès la méthode ASSIMIL, avec « l’anglais sans peine » et « l’espagnol sans peine », j’avais un à-priori très favorable pour cette méthode, basée comme son nom l’indique sur l’ « assimilation intuitive ».

J’ai vite déchanté quand j’ai réalisé que « le kabyle de poche »   n’était pas la méthode d’apprentissage que je connaissais, mais un simple « kit de conversation » destiné à un public de touristes.

Le type d’apprentissage que proposent ces guides de conversation, qu’on peut qualifier, selon les critères du  Niveau Seuil , d’apprentissage  de découverte, d’initiation, ou de survie, souffre de nombreuses insuffisances, les plus flagrantes et les plus dommageables étant :

- l’approche archi-traditionnelle de la grammaire et du lexique

- l’absence totale de progression, qui se traduit ici par une présentation linéaire, et l’absence de découpage en leçons.

Un seul bémol à l’archaïsme de cette méthode, la rubrique « conversation », qui intègre timidement la notion d’acte de parole chère à la didactique communicative contemporaine.

2.3 Organisation de l’auto-apprentissage

Pour pallier le manque de gradation, j’ai fait de manière empirique mon propre découpage et j’ai décidé de procéder comme suit :

- Leçon 1 : connaissances générales sur les berbères et les langues berbères

- Leçon 2 : la phonétique, la transcription

- Leçons suivantes : en alternance, étude d’un point de grammaire (le nom, l’adjectif, etc.), et écoute d’un thème de communication (les salutations, se présenter, faire connaissance, etc.), en suivant l’ordre chronologique de la méthode.

Tout en étant conscient du caractère arbitraire de ce découpage, j’ai résolu de faire avec, et de positiver au mieux les moyens que cette méthode met à ma disposition.

Au début du parcours, je suis passé par une période de sérieux doutes quant à l’efficacité de la méthode et ma motivation s’en est trouvée atteinte. Trois choses m’ont aidé à dépasser cette phase de découragement :

- l’aide de Saliha, une amie kabyle qui m’a assisté dans mes premiers pas, et que je peux consulter par téléphone chaque fois que j’ai un doute. Je la remercie au passage pour son exquise gentillesse.

- la découverte du site « apprendre le kabyle.com », qui propose une méthode très traditionnelle quant à son contenu, mais rendue  vivante et attrayante au niveau de la forme, grâce aux nombreux commentaires de l’enseignant, où se mêlent dynamisme, humour et pédagogie. J’applaudis des deux mains l’enseignant de ce site pour son enthousiasme et sa sincérité, et je l’inscrit dans la liste de ceux qui font vraiment œuvre utile pour la langue et la culture kabyle.

- l’écoute en boucle des chansons d’Idir, avec l’ambition d’en apprendre au moins une, car pour l’avoir déjà expérimenté avec l’espagnol, je crois dur comme fer qu’une des  meilleures façons de s’approprier une langue à l’oral, c’est de s’essayer à la chanter.

Par ailleurs les chansons populaires sont une vraie mine d’or lexicale et socioculturelle.


Leçon 1 : Peuples et langues berbères

La langue kabyle

Le kabyle est une langue berbère, de la famille des langues afro-asiatiques (ou chamito-sémitiques)

C’est la 2ème langue berbère la plus parlée, après le chleuh (Maroc)

Elle est surtout parlée en Algérie : Kabylie et région d’Alger, avec une importante diaspora dans le reste du pays et dans le monde (France, USA, Canada…)

Nombre de locuteurs :

- 5 millions en Kabylie

- 7 millions dans le monde

Reconnue langue nationale (mais non officielle) en Algérie depuis 2002


Leçon 2 : Phonétique, transcription, écriture

J’aborde cette leçon avec beaucoup d’enthousiasme, car c’est pour moi l’occasion de tester mes connaissances nouvellement acquises en phonétique, au cours du semestre précédent.

« Le kabyle de poche » propose une double transcription :

- la transcription classique au moyen de l’alphabet phonétique international (API).

- une transcription approximative en alphabet latin, ce qui est à mes yeux un bon point pour la méthode, car on peut purement et simplement se passer de l’API si on ne le connaît pas.

D’emblée, je suis frappé par la similitude entre les phonèmes du kabyle et ceux de l’arabe :

- le système vocalique est strictement le même, seulement les trois voyelles fondamentales [a], [u] et [i]

- le système consonantique ne diffère que par des nuances de prononciation de quelques phonèmes, par exemple le [b], prononcé [v], comme dans « avava inouva » la célèbre chanson d’Idir

Je les entends clairement comme des variantes d’un même phonème plutôt que comme des phonèmes différents.

Une autre spécificité phonétique du kabyle, le son [g], absent de l’arabe classique, mais bel et bien présent dans l’arabe dialectal algérien, comme variante du [q] de l’arabe classique. Je l’interprète comme un emprunt de l’arabe dialectal algérien au vieux fonds  linguistique berbère.

Ayant entendu parler le kabyle dès mon enfance, je suis familiarisé aves les sons de cette langue, mais je conscientise aujourd’hui seulement que ce sont tout simplement les mêmes que ceux de l’arabe.

Pour tenter d’objectiver cette idée, je m’appuie sur l’hypothèse suivante : la profonde similitude phonétique de ces deux langues est la conséquence naturelle de leur lien de parenté ethnolinguistique, l’appartenance à la famille afro-asiatique (ou chamito-sémitique).

Etant donné l’état encore embryonnaire de mes connaissances en matière d’histoire et de filiation des langues, cette analyse diachronique est probablement simpliste, mais je trouve l’exercice très excitant pour l’intellect, et j’entends bien prolonger cette réflexion par des lectures et des recherches personnelles, car le sujet me passionne.

Sur le plan pratique, j’en tire deux conclusions :

- je comprends mieux à présent pourquoi les kabyles apprennent si aisément l’arabe, les deux langues sont cousines phonétiquement parlant, c’est flagrant. Je vais tenter  de vérifier dans  la suite de l’apprentissage si cette parenté très ancienne est aussi évidente pour la grammaire et le lexique.

- pour la transcription du kabyle, il n’y a pas de meilleur outil que l’alphabet arabe.

Toutefois, l’API me paraît préférable pour les non-arabophones, en particulier

les usagers de l’alphabet latin, car pour eux l’API est évidemment plus facile à apprendre que l’alphabet arabe.

Pour ce qui me concerne, je choisis d’utiliser indifféremment les deux, comme ça pas de jaloux.

Tant pis si je déborde du cadre de ce travail de réflexion sur l’apprentissage, mais je veux donner un avis personnel sur l’écriture du kabyle, car c’est un thème qui me tient à cœur.

Au risque de peiner certains berbéristes de mes amis, et de me faire lyncher par d’autres, je vais jusqu’au bout de ma logique en postulant que l’alphabet arabe est non seulement la meilleure façon de transcrire, mais aussi d’écrire le kabyle.

Il existe bien un très vieil alphabet berbère, l’alphabet tifinagh, et la langue berbère est sans aucun doute une des toutes premières langues écrites, mais cet alphabet est tombé dans l’oubli, et l’essentiel de la culture berbère est de tradition orale (contes, poèmes, chants…). Toutes les transcriptions effectuées à ce  jour l’ont été au moyen des alphabets latin et arabe.

Pour écrire le kabyle, les défenseurs de cette langue ont préféré ressusciter cet alphabet millénaire, inconnu de tous, ce qui revient en somme à fabriquer un nouvel alphabet, un pur artéfact dénué de toute base contextuelle.

Ils se privent ainsi des immenses avantages de l’alphabet arabe qui convient idéalement du point de vue phonologique, est connu de tous les Algériens, et bénéficie d’une large diffusion extra nationale.

Le choix de l’alphabet tifinagh, fortement teinté d’affirmation identitaire, me semble être une utopie,  pire  encore une erreur funeste du point de vue de la survie même de la langue kabyle. A tout prendre, je lui préfère le choix de l’alphabet latin, adopté et adapté par Mouloud Mammeri, et qui fort heureusement prévaut largement dans les écrits existants.

Echantillons d’alphabet tifinagh

(Signalisation trilingue à l’université de Tizi-Ouzou)

Leçon 3 : Salutations et formules de politesse

Pour utiliser le guide de conversation, j’opte pour ma stratégie favorite, celle du tout-oral.

J’écoute le CD en m’interdisant tout recours à la lecture du manuel, que je juge inutile, puisque les formules enregistrées sont énoncées successivement en français et en kabyle, et que je ne rencontre  pas de problèmes de prononciation pour les raisons que j’ai indiquées précédemment.

Je procède à plusieurs écoutes successives, mais dès la deuxième, j’interromps la lecture du CD après chaque énoncé en  français pour tenter de trouver par moi-même la traduction kabyle. J’écoute aussitôt après pour vérifier et tenter d’améliorer ma prononciation, ou plus exactement mon accent.

S’agissant des salutations et des formules de politesse, je me sens  en terrain connu, pour la simple raison que la plupart  sont empruntées à l’arabe, et sont parfois la reprise mot-à-mot de l’arabe dialectal.

Un premier constat, d’ordre sociolinguistique, c’est l’omniprésence du religieux et de la référence à Dieu dans les formulations rituelles, qui confirme si besoin était le lien intime, chez les berbères, entre arabisation et islamisation.

Je rencontre très peu de difficultés de compréhension, et pour me faciliter encore plus la tâche au niveau de l’acquisition, lorsque plusieurs formulations sont proposées, je choisis systématiquement d’en adopter et d’en mémoriser une seule, soit celle que je connaissais déjà, soit celle qui m’apparaît la plus « évidente ».

En procédant ainsi, je ne fais que réinventer l’eau tiède, car je reprends deux principes fondateurs de la méthode audio-orale, à savoir : l’acquisition par la répétition, et la progression du connu vers l’inconnu. En l’occurrence, je tente ici d’introduire un peu  de progression dans une méthode qui en manque cruellement.

C’est à ce thème de la progression que je voudrais consacrer l’essentiel de mes  commentaires sur cette leçon, et plus précisément pour évoquer le point de départ, l’instant zéro de l’apprentissage.

Pour avoir déjà utilisé la méthode ASSIMIL, avec un certain succès, j’ai une grande confiance dans le parti-pris de cette méthode de commencer l’apprentissage par les énoncé les plus proches de la langue maternelle, tels que le désormais mythique « my tailor is rich » et autres « Alberto va a Paris » ou « no e difficile parlare italiano ».

Ces phrases ont pour rôle, en début d’apprentissage, d’atténuer le sentiment d’étrangeté et d’insécurité vis-à-vis de la langue cible. Quoi de plus rassurant et de plus encourageant en effet, pour le débutant, que de pouvoir d’emblée comprendre et reproduire « sans peine » les tout premiers  énoncés  en langue étrangère, même si l’intérêt communicatif de ces phrases est loin d’être évident, car j’admets bien volontiers qu’il n’est guère facile de placer « my tailor is rich » dans une conversation.

C’est pourquoi, pour l’apprenant arabophone que je suis, les salutations et les formules de politesse, de par leur parenté avec l’arabe, me semblent être le meilleur sésame pour commencer l’apprentissage du kabyle sans se sentir dépaysé.

Cerise sur le gâteau de la communication, ces formules sont le préalable obligé à toute velléité d’échange oral, le B.a.-ba de l’indispensable compétence sociolinguistique.

Après autoévaluation, voici un petit inventaire de ce  que je crois pouvoir considérer comme acquis au terme de cette leçon, sans grand mérite je dois bien le reconnaître, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Bonjour  (réponse : bonjour et paix)

Bonsoir  (réponse : bonsoir et paix)

Bienvenue (réponse Dieu te bénisse)

Au revoir (va dans la paix de Dieu)

S’il vous plait

Merci (réponse : Dieu te bénisse)

Excusez-moi

« Ah qu’elles sont jolies les filles de Kabylie ! »

Leçon 4 : Grammaire du nom

Le genre

Tout comme le français et l’arabe, le kabyle possède deux genres.

Le genre ne me pose pas de problèmes particuliers, il obéit à des règles relativement simples, que je pense avoir bien assimilées et mémorisées, aidé en cela par des rudiments de grammaire intériorisée qui remontent à la surface.

Je veux résumer ici, de mémoire, ce qui me semble acquis :

Le nom masculin commence presque toujours par une des trois seules voyelles du kabyle : [a] [u] [i], que j’ai déjà citées, et  qui sont aussi je le rappelle celles de l’arabe. Mais la ressemblance avec l’arabe s’arrête là, car l’initiale des noms en arabe est  plus souvent une consonne qu’une voyelle.

Le nom féminin se forme à partir du masculin, auquel on ajoute la consonne [t] au début et à la fin. Ici, par contre, la terminaison du féminin en [t] est une ressemblance frappante avec l’arabe, que j’attribue intuitivement à une parenté ancienne plutôt qu’à un emprunt récent.

Bien entendu, cette règle souffre de nombreuses exceptions, et comme pour le français, l’arabe et beaucoup d’autres langues, certains féminins sont formés sur une autre racine que le masculin. Comble de malchance, ceci concerne les noms les plus courants tels que « homme/femme », « bœuf/vache » etc.

Le nombre

Comme en français, il y a un singulier et un pluriel.

On rencontre parfois le duel, mais uniquement dans des expressions clairement empruntées à l’arabe, et qui servent à quantifier la durée ou la fréquence (deux jours, deux mois, deux ans, deux fois, etc.)

Ceci mis à part, la formation du pluriel kabyle est complexe, très éloignée du celle du français, mais présente des parentés avec l’arabe.

Il existe trois modes principaux de formation du pluriel, et au plan métalinguistique on distingue :

- un pluriel externe, qui s’obtient par ajout d’un préfixe et d’une terminaison

- un pluriel interne, qui consiste en un changement de voyelle à l’intérieur de la racine du nom

- un pluriel mixte, qui utilise simultanément les deux procédés

Et bien sûr, pour corser un peu plus la difficulté, il existe de nombreux pluriels irréguliers, dans lesquels la racine diffère complètement de celle du singulier.

Curieusement, ce type d’obstacle ne me déstabilise pas trop, car on le rencontre aussi dans la langue arabe, même si le pluriel arabe présente beaucoup plus de régularités.

L’état

Voici une singularité du kabyle : il existe pour le nom une notion d’état : un état libre et un état d’annexion. C’est la première vraie difficulté que je rencontre au plan cognitif, car cet état d’annexion modifie la morphologie du nom selon sa fonction dans la phrase.

Pour tenter de surmonter ce premier véritable obstacle, mon premier réflexe est de faire appel à mes lointains souvenirs de latin et d’allemand, et à la notion de déclinaison. Mais il y a une différence de taille : la modification morphologique porte ici sur la syllabe initiale et non pas la finale. Affaire à suivre.

Au terme de cette première leçon de grammaire pure et dure, voici pêle-mêle mes premières impressions, et les premiers réflexes que je développe au niveau de la stratégie d’apprentissage :

-  mon intuition première de parenté avec l’arabe me semble désormais fiable, je suis amené presque « naturellement » à adopter l’arabe, et non pas le français, comme système de référence.

- si l’interlangue dans laquelle j’évolue spontanément est arabo-kabyle, j’ai systématiquement recours au français, ma langue d’études, pour la conceptualisation et le métalangage grammatical. 

- s’agissant des premières difficultés que je rencontre, et des réactions subjectives qu’elles suscitent en moi, elles me confortent dans l’opinion négative que j’avais de la méthode d’apprentissage que j’ai adoptée, je le rappelle, par défaut et presque à mon corps défendant.

N’eût été la sincérité de ma motivation à apprendre le kabyle, je n’aurais jamais fait confiance à une telle méthode, je devrais dire cette « non-méthode ». J’avoue être passé par une longue phase de doute voire de découragement, et même avoir été tenté de changer de cap en cours de route, en optant pour une langue moins désirée, mais avec une méthode digne de ce nom.

J’ai cependant persisté dans le choix, comme je l’ai expliqué au début de ce journal d’apprentissage, de donner la priorité à la motivation, et d’assumer envers et contre tout les insuffisances liées à la méthode. J’espère ne pas m’être fourvoyé dans une galère que j’ai vécue jadis avec l’allemand, ce qui relèverait du masochisme.

Pour rester positif, et articuler la grammaire avec le lexique comme nous y incite l’approche communicative, je conclus cette première leçon de grammaire par un inventaire des noms que je peux considérer comme acquis. J’en dénombre une vingtaine, que je connaissais vaguement pour certains d’entre eux, mais dont je crois avoir définitivement élucidé le sens et  consolidé l’acquisition.
Leçon 5 :

Les nombres

Très facile, à part les nombres « un » et « deux », tous les autres sont empruntés à l’arabe.

Dois-je en conclure, avec un soupçon de malice, que mes lointains ancêtres, avant la conquête arabe, ne savaient compter que jusqu’à deux ? Voici en tout cas un excellent moyen de chambrer mes amis kabyles.

Le zéro quant à lui est clairement emprunté au français et se dit [ziru], comme en arabe dialectal.

Quelques tournures indispensables à l’apprenant débutant

« Je ne sais pas »

« Je ne comprends pas bien »

« Comment ? Répète s’il te plait ! »

« Tu connais l’arabe, (le français) ? »

« Comment dit-on ceci en kabyle ? »

Ces phrases, outre leur intérêt évident en matière de communication basique, me permettent de faire mes tous premiers pas dans l’univers  syntaxique, avec la découverte simultanée du verbe, de la phrase interrogative, et de la phrase négative.

L’interrogation, comme en arabe dialectal et en français parlé, n’est exprimée que par l’intonation.

S’agissant de la négation, je réalise que l’idée que je m’en faisais jusque là était erronée, suite à  un mauvais découpage syllabique de la chaîne parlée. Pour la première fois je trouve une utilité au passage par la forme écrite, moi qui suis un apprenant auditif et presque maniaque de l’oral comme je l’ai déjà indiqué.

A cet instant précis, le fait de prononcer sans trop de difficultés mes premières « vraies phrases » me procure une sensation euphorique. J’ai presque l’impression de devenir intelligent.

Mais dans le même temps, j’éprouve un sentiment de frustration et de solitude, qui gâche un peu mon plaisir, car je n’ai personne, dans mon entourage immédiat, avec qui communiquer en kabyle afin d’étrenner et de m’approprier ces tournures fraîchement acquises.

Je réalise à quel point le besoin de mettre en pratique, d’extérioriser et de partager est vital chez le bavard invétéré que je suis, tant sur le plan intellectuel qu’esthétique et affectif.


Leçon 6 : grammaire de l’adjectif

Quelques remarques métalinguistiques :

L’adjectif s’accorde en genre et en nombre avec le nom qu’il qualifie, comme pour le français et l’arabe.

Pour la formation du pluriel à partir du singulier, et du féminin à partir du masculin, il suit les mêmes règles  que le nom. Même si celles-ci sont un peu alambiquées, comme on l’a vu précédemment, on reste dans un système cohérent.

Comme pour le nom, le système grammatical de référence le plus approprié pour la démarche comparative est l’arabe.

Autre similitude avec l’arabe et le français, l’adjectif peut prendre valeur de nom (le grand, le petit, le beau …). Dans ce cas, tout comme le nom, il peut marquer sa fonction par le fameux état d’annexion, qui reste encore un peu mystérieux pour moi.

Par contre, lorsqu’il qualifie un nom qui se trouve à l’état d’annexion, l’adjectif reste toujours à l’état libre. Enfin une règle, la première que je rencontre, qui ne souffre pas d’exception !

Il existe enfin, sur un modèle proche de l’arabe, un adjectif formé par composition à l’aide d’un préfixe, (« bou » au masculin et « mou » au féminin), suivi du nom à l’état d’annexion.

Je trouve ce procédé morphologique très intéressant, car c’est un système ouvert, à priori illimité et donc très productif, qui permet de créer quantité d’adjectifs nouveaux à partir des noms.

Je note qu’en français, ce type d’adjectif se forme avec des suffixes, plutôt qu’avec des préfixes, comme dans « querelleur », « ennuyeux » « alarmiste »…

Je conclus cette leçon, comme pour le nom, par un inventaire lexical des adjectifs sur lesquels je peux compter, j’en dénombre une petite dizaine, que je classe par paires antinomiques, et que je sélectionne selon les sacro-saints critères de fréquence et de rentabilité.

« Grand/petit », « beau/laid », « jeune/vieux », « cher/bon-marché», sans oublier bien-sûr les incontournables « arabe/kabyle », et « français » qui se dit en kabyle [arumi] (féminin : [tarumit]) et en arabe dialectal [rumi] (féminin : [rumia]). Ce terme vient de l’arabe [rum], par lequel les arabes désignaient les chrétiens, et dans lequel on reconnaît l’étymon « romain ».


Leçon 7 : Se présenter, faire connaissance.

Toujours fidèle à ma stratégie de l’oral à tout crin, et du choix de la tournure la plus rentable et la plus simple, éventuellement celle qui est empruntée à l’arabe, je sélectionne les phrases  suivantes :

« Comment t’appelles-tu ?            /  Je m’appelle Djamel »

« D’où es-tu ?        /  De  Hammam  Guergour /  Ce sont les gens les meilleurs » (j’ai une grande tendresse pour cette  expression, qui existe aussi en arabe dialectal)

« Quel âge as-tu ? / Cinquante huit ans / Dieu te donne encore longue vie »  

« Où habites-tu ? / J’habite à Montpellier… en France »

« Tu es marié ? Tu as des enfants ? »

« J’ai deux filles / Que Dieu les bénisse et te les garde / Que Dieu te garde aussi »

Comme les salutations, les actes de paroles  «  se présenter » et « faire connaissance » font la part  belle au socioculturel.

Là aussi, l’emprunt à l’arabe est récurrent, ainsi que la référence à Dieu, mais je trouve un charme exquis à l’énonciation kabyle de ces formules pourtant rituelles et figées, et je ne ma lasse pas de les rabâcher. Il me tarde vraiment de les mettre en pratique.

Toujours dans cette rubrique socioculturelle, on peut noter que les présentations portent en priorité sur les racines, le lieu d’où l’on est originaire, et la famille à laquelle on appartient, avant le lieu où on habite et le métier ou la raison sociale, mais ceci n’est pas vraiment une surprise pour moi.


Leçon 8 : Grammaire du pronom personnel

Je connaissais déjà « je » et « tu »

Pour découvrir les autres, et tenter de les mémoriser, je mise sur le support écrit, en faisant un inventaire exhaustif des pronoms personnels, sous forme du tableau suivant :

Singulier

masculin

féminin

pluriel

masculin

féminin

1ère

pers.

nek/nekini

idem

1ère

pers.

nekni

nekenti

2ème pers.

ketch/ ketchini

kem/kemini

2ème

pers.

kunwi

kunemti

3ème pers.

neta

netat

3ème

pers.

nitni/nutni

nitenti/nutenti

Ce tableau, qui me renvoie à la méthodologie la plus traditionnelle, offre je dois bien l’admettre des avantages évidents :

- il me permet de « visualiser » certaines régularités

- il me permet de constater l’existence d’un pronom personnel féminin à toutes les personnes du singulier et du pluriel, excepté la 1ère personne du singulier.

Je trouve cette singularité du kabyle intéressante, mais je ne sais pas vraiment l’interpréter. En comparant avec les autres systèmes que je connais (français, anglais, espagnol, allemand, arabe), je peux simplement noter, de manière un peu savante pour ne pas dire pédante, que dans le paradigme des pronoms personnels, c’est le kabyle qui est la langue la plus « sexuée », la plus précise dans l’indication du genre, suivi de l’arabe, qui possède un féminin pour la deuxième et la troisième personne.

Si ce tableau s’avère utile au plan métalinguistique, il représente tout ce que je déteste au plan cognitif, car je ne connais pas de pire manière de mémoriser les paradigmes que les listes et les tableaux, la meilleure étant à mon avis  la pratique en immersion ou à défaut le recours aux bons vieux exercices structuraux.


4. Conclusions

En commençant ce journal d’apprentissage, j’étais plutôt sceptique sur mon aptitude à apprendre une nouvelle langue, à me regarder apprendre, et surtout à rédiger quinze pages sur la question.

Je termine dans la situation inverse, contraint en me relisant à procéder par élimination afin de ne pas trop dépasser les limites imparties pour ce travail.

C’est la meilleure preuve que l’exercice m’a passionné et inspiré.

Je vais tenter à présent de récapituler ce que cette expérience m’a apporté, notamment au plan cognitif, avec toutes les implications méthodologiques, sans pour autant négliger les aspects subjectifs d’une pareille aventure.

Je dirai un mot également de la cohabitation entre le kabyle, l’arabe, et le français, les trois langues/cultures constitutives de l’identité algérienne. 

Je conclurai par les prolongements que j’entends donner, si Dieu ma prête vie, à cet apprentissage du kabyle.

En observant du mieux que j’ai pu le processus cognitif, en sériant les difficultés et les facilités que j’ai pu rencontrer, en tentant d’élaborer des stratégies, à la lumière des notions du cours et de mes expériences passées, je me trouve plutôt conforté dans la plupart  de mes conceptions sur la didactique des langues, pour ce qui concerne le stade débutant, à savoir :

- la validité du vieux principe de la progression du connu vers l’inconnu

- la nécessité de la répétition, et de l’automatisation des structures de base, fer de lance des méthodes audio visuelles et audio orales

- l’efficacité  de la transmission orale par l’enseignant

- l’importance de l’audition et de la production orale chez l’apprenant

- l’inadaptation de la grammaire explicite et du métalangage à forte dose

- la primauté de la motivation et du plaisir d’apprendre

S’agissant plus précisément de l’auto-apprentissage, je persiste à penser le plus grand bien de la méthode audio-orale, et à contrario le plus grand mal des guides de conversation comme celui que j’ai utilisé.

Malheureusement, pour les langues de faible diffusion, on n’a souvent guère le choix. Il serait injuste et ingrat de ma part de dénigrer mon premier compagnon  d’apprentissage, ce « kabyle de poche » qui a au moins le mérite d’exister.

Je porterai un jugement un peu plus sévère sur les méthodes qui se veulent plus approfondies, comme j’ai pu en rencontrer sur internet. La plupart ont en commun une approche antédiluvienne de la didactique des langues vivantes, fondée sur le tout-grammatical et le zéro-communicatif.

De plus, elles visent clairement un public francophone. La bonne méthode audio-orale pour l’auto-apprentissage du kabyle à l’usage des arabophones reste à inventer.

A défaut d’avoir appris à communiquer en kabyle, le chemin est encore long, j’ai le sentiment d’avoir beaucoup appris sur les spécificités de cette langue, mais aussi sur les relations intimes qu’elle entretient avec l’arabe et le français.

Malgré les innombrables emprunts lexicaux à l’arabe, et une phonologie quasi identique, le kabyle garde toute son originalité en matière de morphologie de syntaxe.  C’est dans ce domaine du reste que j’ai rencontré les plus grandes difficultés cognitives.

Par ailleurs, si le kabyle a beaucoup emprunté à l’arabe, la réciproque est vraie. Henriette Walter définit le français comme « un latin prononcé par des gosiers gaulois », je suis tenté de la paraphraser en définissant l’arabe dialectal algérien comme un arabe prononcé par des gosiers berbères.

Enfin, dans cette rubrique des emprunts et des influences mutuelles, je me suis penché sur les emprunts faits au français, en notant par exemple que le kabyle et l’arabe dialectal empruntent exactement les mêmes mots au français, mais chaque langue le fait à sa manière, avec ses propres codes grammaticaux.

Je me suis livré à une petite recherche lexicale et morphologique sur ces emprunts au français, qui m’a beaucoup intéressé et m’a franchement amusé par moments. Je joins en annexe un bref résumé de ce travail.

Au plan personnel, je suis très heureux et même fier d’avoir fait ce premier pas en direction de la langue kabyle. Cette expérience renforce les liens affectifs avec mes amis kabyles, et ravive le souvenir ému de ma grand-mère. C’est à sa mémoire que je veux dédier ce modeste travail.

En abordant ce cursus de didactique du FLE, mon ambition était de me spécialiser dans l’enseignement du français auprès de publics arabophones. Grâce à ce micro-apprentissage du kabyle, je me sens mieux armé pour élargir mon public aux apprenants berbérophones, et tenter par ce biais de poursuivre et d’approfondir sur le long terme l’étude de cette langue et de cette culture.

Dans le court terme, je compte prolonger cet apprentissage en cherchant d’abord à améliorer ma performance orale. Je sais que la prochaine fois que j’irai acheter de l’huile d’olive à Guenzet ou à Béni-Ourtilane,  plus rien ne sera comme avant, car désormais je sais dire en kabyle : « bonjour et paix, donne-moi cinq litres d’huile d’olive s’il te plait…. merci et va dans la paix de Dieu ».


Annexe

Quelques emprunts du kabyle et de l’arabe dialectal au français

Français

Kabyle

Arabe dialectal

Noms masculins, portant les marques du masculin

camion

akamjun  (pl. ikamjunen)

kamju (pl. kamjuwat/kmajen)

fromage

aferma3

furma3

fourgon

afurgu

furgun

Noms féminins, portant les marques du féminin

infirmière

tafermlit

farmlia

foulard

tafulart (ou tafunart)

fulara (ou funara)

blouse

tabluzt

bluza

train (machine)

tamachint

machina

cassette

takasit

kasita

Noms pour lesquels le kabyle reprend le français tel quel (article compris)

(la) police

lapulis

bulis

(les) freins

lifra

franat

(la) cravate

lakravat

krafata

Emprunts communs au kabyle et à l’arabe dialectal

cinéma

sinima (ou silima)

automobile

tunubil

frites

lifrit

clinique

laklinik

accident

laksida

Quelques emprunts que je trouve particulièrement savoureux

(les) économies

lizikunumi

limonade

gazuz  (de gazeuse)

Un morceau de chocolat

mursu chicula

démarre chauffeur !

dimari ja chifur !

Remarques phonologiques :

Les mots kabyles et arabes sont transcrits en  API, à l’exception du son « ch » pour lequel j’ai gardé la graphie française.

Le [r] est toujours roulé.

29 août 2010

Kabylie

Kabylie

Il se rencontre encore un peu partout dans le monde de ces minorités ethniques ou linguistiques qui, tantôt instinctivement, tantôt consciemment, se sont opposées à toutes les tentatives d’absorption et en ont triomphé finalement. Il semble même que l’univers hostile dont elles sont entourées contribue largement à durcir leur résistance et à leur forger une personnalité nettement dégagée, originale jusque dans les manifestations les plus simples. C’est le cas des Kabyles en Algérie. Reste du grand peuple berbère dont le domaine s’étendait de l’Égypte à l’Atlantique et de la Méditerranée à l’Afrique noire, ils forment un groupement humain bien distinct par le territoire (la Kabylie), un mode de vie propre, une langue, une littérature et des traditions communes. Autant d’éléments constitutifs d’une nationalité toujours en puissance, mais jamais pleinement réalisée, dont la connaissance est indispensable pour qui veut comprendre certains problèmes posés à l’Algérie indépendante

Le nom de Kabylie est la forme européanisée de l’arabe kbayl  (tribus). Il ne semble pas que les historiens et les géographes d’expression arabe s’en soient servi dans leur nomenclature pour désigner une région quelconque de la Berbérie au Moyen Âge. Cette dénomination a été introduite par des voyageurs européens. De nos jours encore, seuls en usent en Algérie les sujets s’exprimant en français. L’arabophone dira blad lekbayl  (pays des tribus), kbayl  étant traité ici en véritable nom propre. Quant aux Kabyles eux-mêmes, ils emploient un terme appartenant au très ancien fonds berbère : tamourt , la terre, la terre natale, la patrie, le pays.

Ce tamourt  n’a jamais connu de frontières bien définies. Il eût fallu pour cela qu’il se constituât en État, et les Kabyles ont été de tout temps farouchement opposés à une hégémonie politique qui eût rendu impossible à leurs yeux l’application d’un principe de gouvernement solidement ancré dans leurs mœurs : le contrôle direct et rigoureux d’un pouvoir central électif. Le rejet d’une autorité commune de quelque importance ne signifiait cependant pas absence de cohésion. Morcelée à l’intérieur, la Kabylie n’offrait pas moins l’image d’un bloc, agissant en tant que tel, solidaire certes de l’ensemble algérien qu’elle a incarné plus d’une fois, mais sans jamais cesser de s’en distinguer. Elle servait de refuge le plus sûr aux populations des plaines fuyant devant l’envahisseur, ensuite de base de résistance et de récupération quand la puissance de l’ennemi était émoussée et que sonnait l’heure de la libération. Dans ces conditions, suivant les vicissitudes politiques et militaires, elle s’accroissait et englobait de larges lambeaux de plaines, ou se réduisait aux seuls pitons d’où l’on pouvait narguer soit l’ennemi soit un pouvoir central trop éloigné et anonyme, parfois nominalement reconnu, mais rejeté en la personne de son administration.

L’historien des Berbères, Ibn Khaldun, fournit des indications précieuses sur la formation et l’évolution du bloc montagnard kabyle entre le VIIIe et le XIVe siècle. Jusqu’au XIe siècle, le domaine kabyle s’étendait sur un vaste territoire compris entre Annaba (Bône) et Cherchell au nord, et les monts sahariens au sud. Trois groupements berbères importants s’y côtoyaient, unis par un même dialecte et des alliances politiques plus ou moins durables : les Sanhadja à l’ouest de Dellys, les Zouaoua à l’est jusqu’au port de Béjaia (Bougie) et les Ketama entre ce dernier et celui de Annaba. À partir de la seconde moitié du XIe siècle, il ne cessera de se rétrécir, d’abord sous les coups de boutoir des Arabes (Banu Hilal et Banu Soulaym) venus d’Égypte, ensuite sous la pression des dynasties berbères qui se succédèrent en Afrique du Nord entre le XIIe et le XIVe siècle. Plus ouverts, l’Est, l’Ouest et le Sud en souffrirent tout particulièrement. À la fin du siècle, il ne restait plus des trois grandes confédérations que celle du centre, la Zouaoua, amputée de ses hauts plateaux, mais héritant sur ses flancs de quelques débris des territoires peuplés par ses anciens alliés dont elle reçut le flot de réfugiés. Elle occupait alors un quadrilatère compris entre l’oued Agrioum à l’est, l’oued Boudouaou à l’ouest, la Méditerranée au nord, et une ligne allant de Sétif à Sidi-Aïssa au sud.

Ces limites ne subiront plus de changement notable. L’installation de quelques bordjs par les Turcs à l’intérieur, dès la première moitié du XVIe siècle, ne semble pas avoir mis en cause le principe de l’existence en Algérie d’une Kabylie autonome sur les terres de laquelle s’étaient constituées trois principautés dans le dernier quart du siècle précédent : Kokou, Abbès et Juber. Leur reconnaissance tacite par les représentants de la Porte à Alger fut une étape importante dans la formation de la Kabylie. Ils en fixèrent approximativement les frontières que trouveront les Français au début du XIXe siècle. Quand le pouvoir des deys s’effondra en 1830, les Kabyles tentèrent encore une fois, mais sans succès, de rompre l’encerclement et de recouvrer les riches plaines dont ils avaient été dépossédés. D’ailleurs les Français, soucieux de neutraliser au début de la conquête de l’Algérie une population nombreuse, organisée et belliqueuse, ne les en dissuadèrent pas immédiatement. Ernest Carette a laissé un témoignage fort intéressant : " L’absence complète de définition donnait lieu aux interprétations les plus élastiques, aux assimilations les plus erronées. Chaque coin de terre peuplé de Kabyles devenait partie intégrante de la Kabylie. Quelques personnes comprenaient sous ce nom tout le littoral depuis Dellys jusqu’à Philippeville, d’autres l’étendaient encore dans l’Ouest et y faisaient entrer le Dahra et l’Ouarsenis. La Kabylie s’allongeait démesurément. Ayant échappé à l’invasion, elle devenait envahissante à son tour " (Études sur la Kabylie , 1849). En fait, elle n’échappa pas à l’invasion ; on crut même qu’elle disparaissait à jamais. Le colonel Robin pouvait tranquillement écrire en 1901 : " Ainsi s’est effondré en quelques années l’édifice séculaire des libertés traditionnelles qui avaient résisté pendant des milliers d’années aux armées des conquérants [...] Finis Kabyliae !  " En effet, pour mieux l’asservir, la puissance colonisatrice désorganisa ses structures politiques et économiques. Elle pensait l’avoir détruite ; elle ne réussit qu’à lui donner plus de cohésion. Les tribus et les confédérations ayant disparu, les Kabyles cherchèrent et parvinrent à communier dans une Kabylie indivisible.

La Kabylie est une région accidentée, parcourue d’ouest en est par deux chaînes de montagnes se rejoignant à leurs extrémités.

Dans la partie sud se dresse le massif le plus imposant, culminant à Lalla-Khedidja (2 308 m), le plus célèbre depuis l’Antiquité : le mons Ferratus  ( ?) des Anciens, le Djurdjura des relations des Européens ; il finit même par désigner toute la Kabylie. Il décrit un véritable arc de cercle autour des Zouaoua. À l’ouest, il se prolonge en obliquant vers le nord par les monts Maatka auxquels s’adossent les chaînons du Boubrak, qui séparent la vallée de Sebaou de celle de l’Isser. À l’est, il est relayé par deux contreforts, l’un prenant la direction du nord-est jusqu’au voisinage de Béjaia, l’autre celle du sud-est jusqu’aux abords de Sétif.

La seconde chaîne de montagnes de la Kabylie, qui porte souvent le nom de tribus peuplant ses versants est appelée communément chaîne du littoral, suit la côte entre Dellys et le nord de Béjaia. Elle est moins imposante que la première dont elle ne constitue que les prolongements en direction du nord. En effet, il n’y a guère de véritables plaines entre ces deux massifs. Chaînons et mamelons se rejoignent de part et d’autre, s’enchevêtrent et se confondent. De sorte que l’ensemble se présente sous la forme d’une masse compacte, d’une vaste plate-forme à laquelle on accède par un petit nombre de déchirures qui en constituent les vallées les plus larges. Le sol en est pauvre, mais suffisamment arrosé pour permettre une mise en valeur de chaque pouce de terrain par une population en surnombre d’agriculteurs sédentaires.

Les Kabyles sont des paysans essentiellement arboriculteurs en raison de la nature de leur sol qui n’est qu’un vaste réseau de montagnes. Sur les pentes aménagées, ils font croître l’olivier et le figuier qui, immédiatement après le chêne zen, occupent les plus grandes surfaces. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la culture de ces deux arbres tenait la place la plus importante dans les occupations et le revenu des Kabyles. Ils consommaient une partie de leur production d’huile et de figues et commercialisaient l’autre. On fait venir aussi en Kabylie presque tous les types d’arbres fruitiers représentés dans le bassin méditerranéen. Mais à l’exception du raisin de table, du cerisier et de l’amandier, leur produit n’entre guère en ligne de compte dans le budget familial. Quant à la culture des céréales, seuls s’y adonnaient sérieusement quelques privilégiés, propriétaires dans les vallées. Et celles-ci ayant été concédées dans certaines régions à des colons européens à la suite du soulèvement de 1871, les Kabyles furent réduits à importer les neuf dixièmes environ de leur consommation d’orge, de blé et de légumes secs. Il n’existe pas de prairies ni de terrains de parcours en Kabylie. Aussi l’élevage y est-il limité à quelques maigres troupeaux de chèvres, rarement de moutons et de bovins. Ainsi, nature du sol et exiguïté du territoire devaient assez tôt contraindre les Kabyles à s’adonner à des occupations autres que l’agriculture.

Jusqu’au XIXe siècle, ils complétaient leurs maigres revenus agricoles par l’émigration temporaire et l’exercice de plusieurs industries artisanales, notamment celles des armes, du bois et du tissage. Les deux premières disparurent en même temps que la perte de l’indépendance, les forêts ayant été expropriées et les fabriques d’armes fermées par la puissance colonisatrice. Bien qu’il ne cesse pas de régresser, concurrencé par les étoffes venues d’Europe, le tissage s’est maintenu grâce au port du burnous et à la confection de couvertures en laine encore fort appréciées des Kabyles. Mais il ne constitue pas, comme par le passé, une source importante de revenus. À part la bijouterie, d’ailleurs en voie de disparition, l’artisanat kabyle a vécu.

L’émigration, elle, et pour cause, a évolué dans un sens tout à fait opposé. Bien avant l’arrivée des Français, les Kabyles sillonnaient toute l’Algérie et une partie de la Tunisie, exerçant les métiers les plus divers, mais ne se fixant que très rarement en dehors de la Kabylie. La colonisation et le progrès technique rendirent l’émigration impérieuse et massive. De nos jours, les trois quarts environ des hommes kabyles valides et en âge de travailler vivent hors de la Kabylie vers laquelle cependant sont tendus tous leurs efforts. Le manœuvre de chez Renault à Paris, comme le plus haut fonctionnaire de l’État algérien sont, en effet, animés par un seul et même but : faire vivre la Kabylie, le premier en envoyant des sommes d’argent durement amassées, le second en s’y construisant une résidence, en faisant assurer à gros frais l’entretien de terrains dont il sait d’avance qu’il ne retirera aucun profit, enfin en casant les enfants du pays qui, d’ailleurs, demeurent toujours ses égaux et devant lesquels il doit se dépouiller de tout le prestige que lui confère sa position dans la hiérarchie du pouvoir politique.

À quel moment le nom kbayl  francisé en Kabyles s’appliqua-t-il aux habitants de cette masse de montagnes dominées par le Djurdjura ? Ibn Khaldun n’en use pas au XIVe siècle dans son Histoire des Berbères . Ni Luis del Mármol ni Léon l’Africain au XVIe siècle ne mentionnent les Kabyles pour désigner les Berbères d’une région déterminée de l’Afrique du Nord. Reprenant la tradition khaldunienne, Mármol appelle " Azouagues " (Zouaoua) les habitants du littoral algérien. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que " Kabyle " fait son apparition comme nom propre dans la littérature historique et géographique de l’Afrique du Nord. Le voyageur anglais Thomas Shaw, dans ses Travels , appelle de ce nom tous les Berbères de l’Algérie septentrionale : " À en juger par la situation et l’idiome propre et particulier des Kabyles, qui diffère matériellement de l’arabe, on est porté à croire que c’est le seul peuple de la Barbarie qui ait quelque analogie avec les anciens habitants de l’Afrique. " Et à propos des Zouaoua, on peut lire sous la plume du même auteur : " Les zouôouh [sic ], qui sont les plus nombreux et les plus riches Kabyles de cette province [Constantine], habitent les montagnes inaccessibles à l’est, du Sebôe [Sebaou]. " Au XIXe siècle, l’occupation française consacra définitivement le nom, d’abord pour désigner les Berbères de l’Algérie septentrionale, ensuite uniquement ceux du Djurdjura et de ses prolongements. On les appelle bien encore Zouaoua, mais accessoirement ; ils sont kabyles avant tout. C’est sous ce nom qu’ils firent leur entrée dans l’histoire moderne.

Les Kabyles vivent encore groupés en villages généralement assez importants, pouvant atteindre plusieurs milliers d’âmes et ne descendant que rarement au-dessous de cinq cents, et bâtis sur les pitons de montagnes ou sur les sommets de mamelons séparant les vallées. Qu’ils soient de forme allongée ou circulaire, ils ont été conçus de façon à pouvoir être efficacement défendus, du moins avant que l’artillerie ne fasse son apparition. Ils portent le nom de touddar , pluriel de taddart  (vie, du radical dr , vivre, que l’on retrouve avec ce sens dans tous les dialectes berbères). Les maisons, toutes en dur, généralement sans étage, couvertes de tuiles rouges, s’écrasent les unes sur les autres au point que, vues de loin, elles donnent l’impression de n’en former qu’une seule, immense. Le village, zébré à l’intérieur par de nombreuses impasses, souvent taillées dans le roc, n’ouvre sur l’extérieur que par deux ou trois rues. Il est très rare qu’il soit entouré d’une muraille. Sans doute se modernise-t-il chaque jour, mais, dans l’ensemble, son visage n’a pas changé.

Il y a un peu plus d’un siècle, ce village constituait une unité politique et administrative complète, un corps qui avait sa propre autonomie. Il était administré par une assemblée (djemaa ) composée de tous les citoyens en âge de porter les armes ; elle assurait le respect des règlements en vigueur, abrogeait les anciens et en édictait de nouveaux si le besoin s’en faisait sentir ; elle décidait de l’impôt et de la guerre, administrait les biens de mainmorte et exerçait sans partage le pouvoir judiciaire. Par délégation, elle se déchargeait de l’exercice de ces pouvoirs sur un chef de l’exécutif appelé, suivant les régions, lamin (homme de confiance), amukran (ancien, dignitaire), ameksa (pasteur), élu par tous les citoyens majeurs réunis en assemblée plénière. Il présidait la djemaa , assurait la mise en application de ses décisions et préparait les affaires à lui soumettre. Il était assisté dans ses fonctions par un oukil  et des tamen . L’oukil , généralement recruté au sein du parti hostile à celui du lamin , gérait la caisse publique et contrôlait les agissements du chef de l’exécutif. Les tamen  (mandataires) étaient désignés par les fractions du village pour les représenter dans les réunions restreintes et faire appliquer les décisions de l’assemblée, qui étaient prises en réunion plénière après des débats où tout citoyen, sans distinction de condition sociale, pouvait émettre et défendre ses opinions sur tel ou tel problème, proposer des solutions, voire s’opposer à l’exécutif. La continuité de cette organisation politico-administrative était assurée par les kanoun , sortes de chartes dont certaines dispositions fondamentales doivent remonter aux temps les plus reculés. Bien que non écrits, ils représentaient l’autorité matérielle la plus élevée et prenaient le pas sur la religion même.

Le village kabyle de type traditionnel n’existe plus. Son assemblée perdit progressivement ses prérogatives entre 1857 et 1962. Son lamin  fut fonctionnarisé et ses kanoun  interdits. Après l’indépendance de l’Algérie, l’organisation des communes mit fin aux assemblées de villages. Cela ne va pas sans difficulté. Les Kabyles, qui ont toujours été très attachés à l’indépendance, peuvent-ils s’adapter à un système de gouvernement, fût-il " démocratique et populaire ", où le citoyen ne jouit d’aucune liberté individuelle ? Leur rébellion au lendemain de l’indépendance et leurs réserves à l’égard du pouvoir actuel traduisent un malaise qui ne trouvera sa solution que dans la reconnaissance du fait kabyle. Mais il ne semble pas que l’on s’oriente dans ce sens. L’acharnement que l’on met à vouloir détruire la langue kabyle en est une des preuves. Or, après la disparition des institutions politiques de la Kabylie, son originalité ne réside plus que dans la langue, instrument de résistance efficace dans le passé, non à l’époque moderne où l’instruction publique généralisée favorise les hégémonies linguistiques.

La langue kabyle est le dialecte berbère parlé par le plus grand nombre de berbérophones en Algérie. Dans les montagnes on ne connaît pas d’autre mode d’expression quotidien, et dans les villes comme Alger, Constantine, Sétif, Béjaia et Annaba, peuplées pour moitié de Kabyles, elle est employée au foyer et accessoirement dans la rue. Mais elle n’est ni écrite ni enseignée. Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, aucun Kabyle ne s’y intéressa sérieusement. Ce sont les Européens qui, les premiers, lui accordèrent quelque intérêt : d’abord des militaires intéressés ou désœuvrés ou des diplomates curieux, puis des linguistes, rarement, hélas ! des hommes de lettres. C’est grâce à leurs travaux et à ceux de quelques pionniers kabyles qu’un travail sur la littérature kabyle est devenu possible.

Essentiellement orale encore, la littérature kabyle est représentée par deux genres majeurs : la poésie et le conte. L’une et l’autre se transmettent dans une langue sensiblement différente de la quotidienne, archaïque par certains côtés, à la pointe du modernisme par d’autres, ce qui lui donne un cachet littéraire sans constituer un obstacle à sa compréhension par tous les Kabyles. Plus consciente, cependant, la poésie semble avoir le pas sur le conte qui n’a pas encore débouché sur la prose artistique ; en cela la littérature kabyle confirme cette loi de l’histoire littéraire : toute littérature commence par la poésie.

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28 août 2010

AIT YALA

     UNE  REGION  RURALE  TRADITIONNELLE  DU  TELL  ALGERIEN

                                                           AIT  YALA

Déplume d’études supérieures

Mémoire principal

Soutenu en novembre

1967 a

grondable

Messemene salah 

Document altéré, il sera transmis ulterieurement Il situe Guenzet sur la carte d’Algerie

fig. 1

          TABLE  DES MATIERES


                                                                                                       Pages

INTRODUCTION …………………………………..................................…………………………………            4

                                                 

P r e m i è r e  p a r t i e

                        LES   DONNEES    PHYSIQUES    ET    HUMAINES

A.                      LE     MILIEU   PHYSIQUE

I.    Le   relief   et   la   structure                      ………………………………………….                      9

1.       Relief simple                                           ………………………………..………                      9

2.      Structure et géologie                              …..………………………………….                        10

II.                  le   climat                                          …………………………………………                    12

              1.     Les températures                       ……………..……………………………              12

           2.     les précipitations                        …………………………………………           14

    III. La  végétation et l’érosion du sol         …………………………………………                 18

                     1.    la végétation                              ……………………………………………             18

                         2.    l’érosion                                    ……. ….…………………………………                19

                                  B.       LES   DONNEES   HUMAINES

I.       Un   passé   mal   connu         ………………………………………………………..…                 22 

                 1.   Les temps anciens         ……………………………………………………..…                      22

                 2.   L’époque moderne et contemporaine     …………………………                         23

                 3.  AitYala                         ………………………….                   24   

II.    Les   villages   - La  maison      ………………………………………………………                      26

             1.    Les   villages                       …………………………………………..……....…                    26

             2.   La  maison                          ………………………………………………...…….                     30 


D e u x i è m e     p a r t i e

L’A  G  R  I  C  U  L  T  U R E

I.    Le  Sahel, Les  oliviers   et    l’huile     ……………………………………………                   36

                  1.  L’oliveraie                               ……………………..………………………………                 36

             2.   une culture peu soignée         …………………………….…………….…………              36

             3.  La cueillette                             ………………………………..……………………                 37

             4.     L’ huile                                  ………………….…………………………………                 37   

II.    Les  jardins des  cultures  sèche  ( Avaali ) ………........        38      

              1.   L’avaali                 …………………………………………………          38

              2.   Les figuiers            …………………………………………………          39

              3.   Les autres cultures  ………………………………………………        41

III.   Les   jardins   irrigués       ………………………………………………             42   

          1.   Des propriétés minuscules    …………………………………            42

          2.  Les légumes d’été           …………………………………………         46

3.    Les arbres fruitiers        …………………………………………         47    

IV.    L ’exploitation  de  la  forêt                    ………………………………....…                 49

    1.   La forêt                                                ………………………….……....…                  49

    2.   Destruction de la forêt de chêne         ………………………………....…                 50

    3.   la forêt de pin                                     ……..………………………………                  52

V.    L ’ é l e v a g e                                           …………………………………………               53

      1.   Les chèvres                                      ……………………………………………           53

      2.  Les ânes et les mulets                    …………………………………………….              55

      3.  L’ élevage secondaire                   ……………………………………………..             56


        T r o i s i è m e    p a r t ie

       

La   lutte   pour

   

la   survie

I.   les difficultés   de   la   vie   en   auto- subsistance    ………………………..        60         

    1.   Surpopulation chronique.……………………....…           60

    2.   Les besoins frustes   -   L’autarcie                  ..…………………....…                61   

    3.   Le problème des céréales.……………………....…               64

II.   Les   remèdes     :         L ’émigration        …………………………………………            68

       1.   Les facteurs favorables                 …………………………………………             68    

       2.   L’émigration traditionnelle           ………………………………………….            70

      3.   L’émigration « classique »             ………………………………………….           70

      4.   L’ exode                                            ………………………………………….            73

III.   Conséquence  de  l’émigration  -  Situation actuelle   ……………….             75

1.   Les conséquences économiques positives                    ……………….             75

2.   Le déclin de l’ agriculture                                            ……………….                78

3.   Nouveaux visages de la population                             ……………….            80                                                      


C O N C L U S I O N                                    .…..…………      86                     


B I B L I O G R A P H I E                             ……………….          90

INTRODUCTION

Nous nous proposons  d’étudier une région peu connue. Eloignée des grands axes  de circulation, montagneuse et pauvre, elle n’intéressa pas la colonisation. Il convient d’abord de la situer avec précision.

Dans le cadre algérien, le pays des Beni Yala, ou plutôt des Ait Yala ( 1 ), nom que se donnent ses habitants, se trouve dans le Tell intérieur à

50 km

au Sud–Sud–ouest de Bougie et à la même distance à l’ouest–Nord–Ouest de Sétif  (fig.I).

Il correspond, sur le plan local, au secteur méridional, de

la Kabylie

, adossé à la longue chaîne Est-Ouest des Biban. Celle–ci  d’altitude modeste mais continue, a une importance géographique considérable car elle s’interpose entre deux unités physiques et humaines bien distinctes.

Au Sud s’étale le pays ouvert des Hautes Plaines de

la Medjana. Les

populations arabophones s’y livrent à l’élevage et surtout à la culture extensive des céréales. Elles vivent dans des fermes et des hameaux disséminés au milieu  de vastes champs, ou occupent des centres dont le plus important est Bordj Bou Arreridj.

La chaîne intercepte les vents chargés d’humidité, et  le pays céréalier qu’elle domine de

500 m

seulement ne reçoit que

400 mm

de pluie alors que les précipitations dépassent 600mm au Nord.

Entre les Biban et la mer, tout est à l’opposé des hautes plaines. Le pays est découpé en une série de crêtes et de ravins. La population, très dense, est restée berbérophone; elle vit groupée dans des villages souvent perchés; son genre de vie traditionnel est l’arboriculture fruitière fondée sur l’olivier et le figuier ( fig.2 ).

Le pays des Ait Yala fait partie de cette dernière unité, mais s’en distingue par ses caractères originaux :

Il occupe le versant même de la chaîne, entre les gorges de l’Oued Bou Sellam et celles de l’Oued Mahdjar. Les habitants appellent cette section des Biban :

la Montagne

des Ait Yala, ou la montagne ( Adrar ) simplement. Le pays est réputé «  élevé »et «  froid ». 

-  Naguère partagée  entre  deux douars de l’ancienne commune du Guergour,  Harbil et Ikhligen, la région est réunie depuis l’indépendance en une seule commune, dont le chef- lieu est le grand village de Guenzet.

- La population, très dense jusqu’en 1955 ( près de 16.000 h au recensement de 1954 ), reste nombreux : 8891 h en 1966 pour une superficie totale de 129 km2 - Ce qui frappe le plus, c’est la succession continue des villages et des sources à une altitude constante (

1100 m

) et sur

15 km

.

-compris entre 500 et

1500 m

d’altitude, le terroir montre trois zones étagées :

1°. De 500 à

900 m

s’étale la zone basse appelée « Sahel ». C’est le domaine de l’olivier qui trouve sa plus grande extension à l’ouest.

2°. Sur la bande étroite est très déclive comprise entre 900 et

1200 m

, se pressent les villages, les jardins irrigués et les vergers de culture sèche ; le figuier y est omniprésent.

3°. Au –dessus de

1200 m

, est parfois bien avant cette altitude, commence la montagne proprement dite ou «  adrar ». Les pentes sont couvertes par des peuplements de chêne vert malheureusement très dégradés ( fig. . 4.)

La situation et l’esquisse de cette région permettent une étude plus approfondie. Avant d’examiner dans une deuxième partie l’agriculture qui constitue, au moins jusqu’à une époque récente, l’activité essentielle des habitants, il importe de connaître les conditions géographiques de Ait Yala. Une première partie sera donc consacrée à l’étude du milieu physique et humain.

L’étude brève de la population sera intégrée à la troisième partie que nous consacrerons à l’évolution de la lutte des habitants pour leur survie, depuis les temps de la frugalité forcée jusqu’à l’émigration massive de ces dernières années. Il s’agit bien d’une lutte, car ce pays très peuplé et très mal doté par la nature.

      

     (1). « Ait Yala » signifie « Ceux de Yala » ; dans cette étude, le

terme désigne tantôt des habitants, tantôt leur pays.

fig. 2

               

   . P r e m i è r e    p a r t i e.


. A.       LE MILIEU PHYSIQUE

La nature montagnarde des Ait Yala est répulsive. On ne rencontre nulle part de terrains plats, et les pentes sont très fortes partout. Ceci est lourd de conséquences: les précipitations dont la quantité est satisfaisante n’ont pas l’utilité qu’on pouvait attendre d’elles; une grande partie de l’eau tombée ruisselle; les  sols, quand ils existent, sont instables.

Ces inconvénients ne font que s’aggraver par suite de la dégradation de la couverture végétale originelle.

I.            LE RELIEF ET

LA STRUCTURE

                 1.   L E   Relief 

Le relief  très simple, se compose de trois éléments longitudinaux :

. Au sud, la montagne ( Adrar ). C’est l’armature même de la région.

. Les Ait Yala sont limités au nord par la montagne de Tilla.

. Entre ces deux reliefs s’étend une zone intermédiaire très rétrécie au milieu ( fig. . 3 et 4).

a/ -

La   Montagne

:

La chaîne de Guergour, comme l’appelleront certains auteurs, fait  partie d’un ensemble. Son étude débordera donc le cadre local.

Nous savons l’Atlas tellien se compose de deux systèmes montagneux: la chaîne littorale et l’Atlas méditerranéen intérieur. Dans le domaine qui nous concerne, la première est formée de massifs élevés, le Djurdjura ( 2308m ) et les Babors (

2004 m

), séparés par la vallée de

la Soummam.

Au contraire, la chaîne des Biban qui flanque au sud cet ensemble se poursuit  d’Ouest en Est sur une longueur de plus de

100 km

Les rivières qui descendent des Hautes Plaines la traversent par des gorges étroites et profondes. C’est la section de

25 km

, comprise entre les plus orientales d’entre elles, les gorges de l’Oued Bou Sellam à l’Est, et celles de l’Oued Mahdjar à l’Ouest, que nous examinerons ( fig. 2).

La montagne des Ait Yala n’est pas très élevée; deux sommets seulement dépassent

1500 m

, mais son altitude est soutenue d’une extrémité à l’autre: elle dépasse

1.300 m

sur presque toute sa longueur.

Dans le détail, la partie occidentale est très disséquée par les torrents longitudinaux qui rejoignent le Mahadjar haut de

450 m

.

Elle forme un anticlinorium au centre; on distingue en effet deux lignes de crêtes  enserrant une vallée synclinale; celle du nord est la plus haute, mais c’est la ligne de faîte méridionale qui sert de limite entre la commune de Guenzet et celle de Zemoura.

La partie orientale est très massive, c’est une véritable carapace karstique, s’interrompant brutalement au nord et à l’est par des escarpements vertigineux au pied desquels coule le Bou Sellam, à une altitude de

630 m

(Fig. 3)

b/.

La Montagne

de Tilla:

La Montagne

de tilla est beaucoup plus modeste. Elle n’a ni l’altitude, ni la continuité de l’ Adrar. Atteignant jusqu’à

1374 m

au centre, elle s’abaisse rapidement à l’est comme à l’ouest. Elle est fortement  démantelée par les cours d’eau qui descendent vers le Bou Sellam  et le Mahadjar.

Très rapprochée de l’Adrar,

2 Km

au niveau du village de Tiget  elle en est comme le contrefort.

c/.

La  Zone

  intermédiaire :

Entre ces deux montagnes parallèles s’interpose une zone basse mais très accidentée. Son unité est rompue par des crêtes transversales c’est au contact de celles-ci avec l’Adrar, que se sont construits les villages les plus importants: Guenzet et Titest.

Il en résulte des  compartiments qui correspondent à autant de bassins–versants, sans plus. Les cours d’eau qui les drainent sont des torrents rapides et encaissés. Il ne faut donc pas en voir une zone privilégiée pour la culture. Large à l’Ouest, elle est réduite à la hauteur de Tiget à un simple col dépassant

1100 m

.

2.   

La Structure

et

la Géologie

a/. Structure:

La simplicité du relief procède de la structure. Tous les terrains datent du Crétacé.

L’Adrar est constitué par un affleurement continu de marnes et surtout de calcaires du Turonien. Ces roches se présentent en gros bancs d’un blanc grisâtre. Elle sont fortement dolomitisées dont la partie orientale.

Le Turonien repose sur les marno-calcaires du Cénomanien. Cette assise peu épaisse affleure entre 1000 et

1100 m

depuis l’est de Titest jusqu’à l’Ouest de Guenzet. Le contact entre cet horizon imperméable et les masses calcaires, est matérialisé par une ligne de sources abondantes et régulières.

La zone basse correspond à l’affleurement de schistes albien. Mais à l’Est d’Ouled Rezoug, on trouve, comme au sud de la montagne, les sédiments plus récents du Maestrichtien Campanien. Ce secteur, voisin du Bou Sellam, apparenté aux Hautes Plaines tant au point de vue physique qu’au point de vue humain, ne sera pas inclus dans notre étude.

La Montagne

de Tilla est un anticlinal aptien dont les bancs calcaires émergent de l’Albien schisteux du Sahel.

Cette structure peu compliquée, suppose un passé géologique relativement calme.

b/.   Géologie :

La surrection de la chaîne des Biban est contemporaine du plissement pyrénéen. Elle est donc assez ancienne et l’érosion a eu suffisamment de temps pour réduire la ligne de faîte à une suite de croupes molles.

Les reprises de l’époque alpine ne semblent pas assez fortes pour redonner une certaine vigueur au relief.

L’évènement le plus important reste l’abaissement  quaternaire du niveau marin. Le modelé se trouve rajeuni par les cours d’eau qui se hâtent de gagner la mer. Il en résulte l’encaissement des vallées qui présentent des profils en  « entonnoir »: la pente s’accélère brusquement quand on s’approche  des talwegs; en outre, des dépôts d’alluvions anciennes sont visibles à plusieurs mètres au–dessus du lit actuel de certains cours d’eau. L’érosion s’est donnée libre cours sur les terrains tendres; elle a transformé le paysage en un  véritable dédale de ravins et d’éperons. Elle n’aurait certainement pas connu autant d’ampleur sans l’intervention d’un climat relativement humide.

fig. 3

II.    LE   CLIMAT

Mécanismes  généraux et facteurs locaux.

Le climat de l’Algérie découle de l’interaction des masses d’air  polaire et tropicale auxquelles s’ajoute l’influence spécifique de la méditerranée. Le pays est tour à tour soumis  aux souffles brûlants du désert et aux vents marins chargés d’humidité.

En été, le front polaire est chassé vers le Nord par la montée des anticyclones tropicaux des Açores et du Sahara. De la fin Mai à la mi-Septembre, règne un temps beau et sec. La sécheresse se trouve aggravée quand souffle le sirocco, accentué par son caractère de foehn. 

Plusieurs situations se présentent en hiver :

        -Quand le front polaire descend avec le recul des cellules anticycloniques  subtropicales, les précipitations gagnent toute L’Afrique du Nord.

        -Lorsque le front polaire est rejeté au Nord de L’Europe, le temps devient clair et les températures diurnes accusent de grandes variations à mesure qu’on s’éloigne de la mer.

      -Il arrive que deux cellules anticyclonique, l’une centrée sur l’Espagne l’autre sur l’Allemagne, ménagent entre elles un flux du Nord–Ouest d’autant plus humide qu’il traverse la méditerranée sur une plus grande largeur. Dans ce cas, les précipitations intéressent l’Est algérien en premier lieu.

A ces mécanismes climatiques généraux s’ajoutent plusieurs facteurs pour déterminer le climat des Ait Yala :

-  La position par rapport à la mer; nous sommes ici à

50 km

à l’intérieur des terres, dans le Tell de transition, entre le Tell maritime au Nord et le Tell continental ( hautes plaines constantinoises )  au sud.

-  L’influence de l’altitude: presque tous les villages se trouvent à plus de

900 m

. 

-  L’exposition: prise dans son ensemble, notre région apparaît comme un vaste ubac. La montagne reçoit de front les vents marins chargés d’humidité.

Nous allons voir la combinaison de ces facteurs dans l’étude des températures et des précipitations. 

1.  Les températures 

Nous disposons des mesures effectuées de 1924  à 1933 à Guenzet (

1050 m

)

a/-   La   courbe  annuelle :

La température moyenne annuelle est de 14° 80. cela n’a pas grande signification si l’on n’observe les écarts qu’elle peut présenter.

Elle est la plus basse en Janvier avec 5°. Elle croît ensuite assez régulièrement jusqu’en Juillet, mais c’est en Août qu’elle atteint son maximum avec 25° 05 ( fig. .6 ).

La courbe de Guenzet ne vaut que comparée avec celle d’une station littorale, Bougie par exemple. Dans cette dernière, l’amplitude annuelle est beaucoup plus faible, non pas tant à cause des températures estivales – Bougie est même plus chaude avec 26° 30 en Août – mais par ce que les hivers sont beaucoup plus doux au bord de la mer, la moyenne des mois le plus froid ( Janvier ) y est de 11°90 ( fig.  5 ).

b/-   Les    étés:

Les étés qui auraient pu être très chauds à Guenzet par suite de la continentalité, sont tempérés par l’altitude et l’exposition face au nord. Les moyennes sont les suivantes pour les mois d’été :

Juin

Juillet

Août

Septembre

GUENZET

MAILLOT

21°95

23°95

24°50

28°

25° 05

25°15

20°80

24°50

La comparaison avec Maillot, station située sur le même parallèle, mais au pied du versant méridional du Djurdjura et à 450  m d’altitude, souligne la « fraîcheur » de Guenzet.

En été  l’air est très  pauvre en vapeur d’eau, les amplitudes diurnes sont par conséquent très fortes; elles augmentent à mesure qu’on s’éloigne de la mer. Nous pouvons le vérifier en confortant les moyennes des températures maxima de Guenzet et de Bordj–Bou– Arreridj ( fig. . 5 ).

Juin

Juillet

Août

Septembre

GUENZET

BORDJ 

28°

30°8

30°2

35°6

30°4

34°5

25°6

29°9

Le caractère continental du climat est beaucoup plus accusé à Bordj, station à peine moins élevée (

925 m

) que Guenzet, mais plus méridionale. Cela veut dire qu’en été, l’influence de la mer se fait encore sentir dans les Ait Yala, sauf quand souffle le sirocco.

Le sirocco, vent du sud, s’accompagne d’une forte augmentation de la température. Les maxima absolus peuvent alors dépasser 30° de Mai à Septembre. On a enregistré 38° les 4,5 et 6 Juillet 1929.

Ce vent brûlant et sec arrive progressivement ou souffle brutalement; il dure au total de 20 à 30 jours.

Outres les fortes chaleurs, son intervention provoque des nuages de poussière, une très forte évaporation, et parfois même des invasions de sauterelles. Son action est néfaste sur les plantes comme sur les êtres: les fruits tombent en abondance avant leur maturité; les figues mûrissent rapidement et une grande quantité  devient impropre à la consommation fraîche.

Les périodes de sirocco ne durent heureusement pas longtemps. Dans la lutte continuelle que se livrent les influences contraires du Nord et du sud, lutte accompagnée d’orages très localisés, la brise de mer matérialisée par de petits cumulus, finit par s’imposer fin Septembre et le temps se rafraîchit.

c/ -   Les hivers:

L’altitude et l’éloignement de la mer contribuent à donner des hivers froids. De Décembre à Mars, la moyenne des températures reste inférieure à 10° ; la moyenne des minima des mois d’hiver ( Décembre,  janvier et février ) ne dépasse pas 3°7. Il ne s’agit là que de moyenne le thermomètre descend fréquemment au – dessous de 0.

Des températures négatives sont enregistrées en Mars et en avril. Le gel exerce alors de grands ravages sur la vigne et les arbres fruitiers autres que le figuier. Il arrive parfois qu’il brûle littéralement  les rameaux des oliviers d’altitude.

Cependant, même en hiver, l’influence adoucissante de la mer est sensible comme le montre ce tableau des températures minime.

Décembre

Janvier

Février

Bougie (9)

Guenzet (1050 )

Bordj( 925)

9° 2

3 °7

2 °3

8° 1

2° 2

0° 7

8 ° 5

3 °

1 ° 4

Bien qu’elles soient basses, les températures minima de Guenzet n’atteignent donc pas les valeurs observées dans les hautes plaines est dû en partie à une plus grande humidité.

2 L

e s    p r é c i p i t a t I o n s

a /-    Saison  sèche   et  saison  humide :

Ce qui frappe le plus dans l’observation de la courbe de températures et de celle des précipitations, c’est leur opposition : les plus chauds correspondent les pluies les plus faibles, au plus froids les précipitations les plus abondantes ( Fig. 6 ).

En établissant la liaison entre ces deux facteurs climatiques  nous pouvons déterminer la durée de la saison sèche. Bagnoles  et Gaus  définissent ainsi le mois sec :

«   Un mois sec est celui    le total mensuel des précipitations  exprimé en mm est inférieur ou égal au double de la température mensuelle exprimée  en degrés ».

Aux Ait Yala, quatre mois répondent à cette définition : Juin, Juillet, Août et Septembre. Nous avons donc une saison sèche en été  et une saison « humide » le reste de l’année. oüuuuûuuuuuujhgdesjdhqsdjhqsdjhqsdqsdqsdqsdu   

b/ -    Les  quantités:

Avec plus de 600mm d’eau, notre région occupe un rang moyen: plus  arrosée que les hautes plaines (

400 m

), elle en est beaucoup moins que les babors et le Djurdjura, massifs à la fois plus septentrionaux et plus élevés. L’abondance des précipitations est due à  l’exposition avantageuse, mais aussi à l’altitude. Ainsi, sur le même versant :

- Bougâa       (

852 m

)  reçoit   

592 mm

- Guenzet      (

1050 m

  //      

689 mm

- Titest          (

1150 m

)    //      

752 mm

c/  La   répartition:

Les précipitations sont inégalement réparties sur les mois de l’année. A Guenzet, le maximum se situe en Décembre et en Janvier ( 99 et

102 mm

). Le minimum en Juillet et en Août ( 7 et

10 mm

).

A Guenzet comme à Titest, les quantités d’eau recueillies pendant les mois les plus humides ( Novembre, Décembre et Janvier ) dépassent 40% du total.

En dehors des mois régulièrement arrosés et de la saison sèche, les précipitations sont sujettes à de grandes variations, notamment de Février à juin.

Reprenons tout cela en suivant le déroulement d’une année pluviométrique.

d-L’ année   pluviométrique:

Nous distinguons quatre phases dans la courbe des précipitations.

1°- Les chutes de pluies commencent vers le 20 septembre; elles ne cessent d’augmenter jusqu’au 20 Novembre. Ces premières pluies tombent sous forme d’averses violentes et courtes.

intervenant après une longue période sèche, elles exercent une double action :

Action néfaste par leur ruissellement et l’érosion qui en résulte.

Action bienfaisante sur les êtres et sur les plantes: la terre reprend vie; les fruits achèvent de mûrir lentement; l’arrosage des légumes cesse d’être indispensable; l’herbe apparaît mais n’a pas le temps de se développer à cause de la fraîcheur croissante de la température; sans les pluies d’automne enfin en ne peut entreprendre les labours.

2°- La courbe est la plus haute en hiver. Du 20 Novembre au 20Février environ, les chutes  sont fréquentes et durent longtemps. La terre  s’imprègne profondément d’eau qui provient de la pluie, mais aussi de la fonte des neiges.

                   La neige fait partie du paysage des Ait Yala. A

1100 m

, les villages se couvrent en moyenne d’une couche de 50 –

60 cm

pendant une dizaine  de jours, la montagne en reste couverte pendant plusieurs semaines.

La neige tombe également en Mars et même en Avril.

3°- De la fin de Février au 20 Juin environ. La courbe est descendante. En réalité, les pluies de printemps connaissent une grande irrégularité; le mois de Mai peut recevoir plus d’eau  que le mois d’Avril et même de Mars.

                  Les quantités totales tombées en Mars, Avril et Mai sont très inférieures à celles tombées en Décembre, Janvier et Février ( 175 contre 287), mais leur importance est très grande: leur retard ou leur insuffisance peut compromettre le développement normal de la végétation herbacée.

                      En revanche, les orages s’accompagnent souvent de chutes de grêles Celles-ci revêtent parfois une violence particulière; non seulement elles ravagent les récoltes, mais aussi elles mutilent les rameaux et même les branches (Printemps 1955).

4°. La courbe des précipitations s’affaisse considérablement du 20 juin au 20 Septembre. Les pluies tombant en averses grosses et courtes sont les bienvenues dans la mesure ou elles rafraîchissent  l’atmosphère et diminuent un peu l’intensité de l’évaporation, mais on ne compte plus sur les

43 mm

d’eau tombés en juin et Juillet et Août pour cultiver.

                      Au total, il règne aux Ait Yala un climat caractérisé moins par l’insuffisance des précipitations que par leur irrégularité; des hivers rigoureux en égard à l’équipement défectueux des maisons et des hommes des étés dont la chaleur et la sécheresse semblent s’aggraver à mesure que la couverture végétale se dégrade.   

fig. 6

Fig5

III-

LA  VEGETATION  ET

  L’EROSION  DES  SOLS

1.   La    végétation

Le pays est le domaine de l’arbre, comparé aux nudités des hautes plaines. Les habitants désignent volontiers montagne et forêt par le même terme. Cette dénomination ne correspond certes plus à  la réalité; les formations végétales qui répondent au climat et à la nature du sol, sont dégradées directement ou indirectement par l’homme ( défrichements, pacages et incendies ). Le paysage botanique actuel ne présente presque nulle part son aspect primitif. Cependant, à travers ce qui subsiste, il est facile de le reconstituer par l’imagination.

La végétation appartient au domaine méditerranéen, mais l’étalement du territoire des Ait Yala entre 500 et

1500 m

laisse prévoir une différenciation par étage, les conditions locales ( humidité, exposition et nature des roches ) introduisent des nuances.

a /- L ’étage  de  chêne  vert  :

Le chêne vert (Aballout) est l’arbre le plus commun. On le rencontre pratiquement à toutes les altitudes et sur tous les terrains. Il possède en effet beaucoup de qualités, dont la résistance aux mutilations  et  à la sécheresse. Il prospère cependant dans l’étage montagnard où il trouve suffisamment de fraîcheur et d’humidité; tous les versants en sont couverts au-dessus de 1200m. Ici, on ne lui voit d’autre associé que le genévrier. Son couvert épais réduit le sous-bois à quelques touffes de diss (herbe coupante) et à des genêts épineux.

b /- L ’ étage  moyen :

               

Sur l’horizon  imperméable, l’humidité entretenue par les sols  et l’exposition face au  Nord plus accentué du fait de la forte pente favorise une végétation de type européen les frênes et les ormeaux sont les arbres les plus représentatifs; les peupliers (blancs et d’Italie) signalent souvent le voisinage des sources; les prunelliers les  églantiers subsistent dans les haies; les ronces y prospèrent plus qu’ailleurs.

               

La végétation herbacée est représentée par un grand nombre d’espèces. Croissant bien grâce  à la culture et à la fumure, elle fournit aux habitants leur coupe de foin annuelle. Ailleurs, elle reste maigre dans la montagne à cause du déboisement et du pacage, au sahel parce le sol schisteux est sec.

c /-  L’oléo–lentisque   et  le  pin :

Dans le sahel pousse un grand nombre d’essences méditerranéennes dominées par l’olivier et le lentisque. Le premier est greffée tandis le second subsiste encore de part et d’autre des sentiers, et parfois à la limite des champs. Les lambeaux du Sahel ayant échappé aux défrichements présentent en outre des caroubiers et  une profusion d’arbrisseau comme le ciste cotonneux, le romarin, le genêt et le genêt-jonc.   

                      Le pain d’Alep n’est pas absent de cette association, mais le terrain d’élection se trouve dans la partie occidentale de l’Adrar les pentes de la montagne de Tilla. Ses forêts, sujettes à de fréquents incendies, se régénèrent cependant assez facilement. S’il s’accommode aux terrains rocheux particulièrement  secs, ce résineux  craint le froid aussi laisse-t-il la place au chêne dès avant

1200 m

                      Le long des cours d’eau du Sahel prospèrent la canne de Provence, le tamaris et surtout le laurier- rose.

2.    L’érosion   des  sols

a /-  L e s   sols :

                            Quelle que soit la nature de leur roche-mère, les sols sont très médiocres ; ils présentent deux graves défauts: la pauvreté en humus et le manque d’épaisseur ( sols squelettes ). Il ne peut en être autrement à cause des fortes pentes et du ruissellement qui s’en suive il y a trois variétés de sols correspondant chacune à un affleurement.

                      Au-dessous de

1000 m

prédominent les sols schisteux légers malgré leur perméabilité, leur protection est mal assurée la forêt claire d’oliviers.

                      Les calcaires donnent des sols caillouteux aussi pauvres que les précédents.

                     Dans l’étage moyen, les sols marneux présentent plus d’aptitudes pour la culture, à condition qu’on leur apporte du fumier l’inconvénient, c’est qu’ils couvrent une surface restreinte très déclive.

b/- L’ hydrographie:

                      Ces différents sols sont continuellement soumis à la menace d’une érosion particulièrement agressive. Celle-ci s’exerce par un réseau hydrographique très ramifie, mais bien hiérarchisé.

                     Le cours d’eau le plus répandu est le torrent appelé «  ighzer » sa pente est forte sur toute sa longueur.

                      La réunion de plusieurs « ighzer » forme une « tacift ». Tout en restant déclive, le talweg de ce cours d’eau est peu haché par des ruptures de pente, son lit large de plus de

10 m

et jonché de galets, se trouve souvent encaissé, les terrasses ne le bordent qu’en de rares endroits. Ce type est représenté par 4 torrents :

                      -Tacift El Mavia draine les « Ighzer » à l’Ouest de Guenzet

                      -Tacift Taghzouit recueille les eaux du bassin-versant compris entre Guenzet et Tiget.

                     L’une et l’autre rejoignent l’Ouad Mahadjar.

                      -A l’Est de Tiget, Tacift de Mguerba et Oued Sbaa se développent à l’extérieur de notre région avant de se déverser dans le Bousellam  ( fig.  3 ).

                      Seuls, ce dernier et  l’Oued Mahdjar méritent le nom de « acif »  (fleuve ! ). Ils ne font que traverser la région, à sa limite d’ailleurs.

c/.   Modes  d’action    Le  ruissellement :

                      En hiver se produisent des glissements de terrain. Les pentes marneuses  de l’étage moyen en sont les plus sujettes; saturées d’eau elles fluent alors à partir des niches de décollement ce mode d’érosion intéresse une portion réduite du terroir son action est donc bénigne, comparée aux ravages provoqués par le ruissellement.

                      Deux observations permettent se mesurer l’action érosive de ruissellement:

   

1° On rencontre souvent de vieux arbres, les chênes en particulier, dont les racines sont déchaussées sur une hauteur de plusieurs dizaines de centimètres.

2° Les petits ruisseaux traversant la route déposent après chaque forte pluie, d’énormes cônes d’alluvions arrachées aux versants.

Il n’y a là rien d’étonnant quand on regarde tomber la pluie les grosses gouttes attaquent directement la surface du sol; l’eau très chargée ruisselle rapidement et ne tarde pas à se concentrer en petites ravines collectées elles-mêmes par les « ighzer », Deux heures à peine après les premières chutes de pluie, ceux- ci dévalent subitement les pentes dans un fracas assourdissant, ils cessent de couler presque aussi vite.

                      Le maximum de violence de ruissellement est atteint lors des premières pluies ( Septembre-Octobre ) et sur les versants déboisés par suite d’une longue et intense occupation humaine. En effet, c’est sur les pentes dominant les villages les plus peuplés que le sol emporté par les eaux laisse à nu les bancs calcaires.   

   

B -     LES DONNEES HUMAINES

         

La terre des Ait Yala vaut, non pas par sa nature peu favorable, mais par le labeur de ses habitants. La plupart des pentes sont couverte par les vergers; des villages couronnent les crêtes; on rencontre partout des sentiers et des rigoles d’irrigation bien entretenues. Le paysage porte partout l’empreinte bien marquée de nombreuses générations de paysans profondément attachés à leur sol.

      

I-  UN   PASSE   MAL    CONNU

                      Région essentiellement rurale, éloignée des grands centres urbains, les Ait Yala ont une histoire mal connue.

                      Les écrits récents restent rares; les documents, s’ils existent, ne sont pas rassemblés, et les vestiges archéologiques peu nombreux sont difficiles à dater avec un minimum de précision. La toponymie peut apporter quelque contribution, à condition d’en user  avec précaution.

                      Les traditions orales présentent deux sérieux inconvénients il n’est pas facile de vérifier leur authenticité, et puis les récits abondent en anecdotes où la part des miracles et de la légende  est très   grande.

                     Pour connaître le passé des Ait Yala, au moins dans ces traits généraux, force  est de replacer cette région aux dimensions  restreintes  dans un cadre territorial plus vaste.

                      On peut estimer que notre région a connu le même passé que tous les groupements humains voisins qui pratiquent le même genre de vie parlent le même idiome, habitent les même maisons couvertes de tuiles rondes et groupées en une multitude de village.

                      Ceci correspond à tout le territoire accidenté compris entre les hautes plaines et la mer, drainé par

la Soummam

: la petite Kabylie  occidentale ( fig. 2 ).

         1.    Les  temps  anciens

      

                      Que cette unité ait été ou non habitée depuis plus de 20 siècle ce qui est certain c’est la persistance chez les habitants d’un vieux fond de civilisation méditerranéenne.

                      Leur attachement profond à la terre nourricière et leur  organisation villageoise font d’eux  les  véritables descendants des Numides sédentarisés au 11éme siècle  av. J.C. par le roi  Masinissa.

      

                      Bien que faisant partie de

la Mauritanie

césarienne, puis sétifienne, notre région ne semble pas avoir subi l’occupation romaine. De fait, les ruines de l’époque romaine jalonnent le piedmont sud de l’Adrar (Sertei), on les retrouve au nord dans la vallée du Bou Sellam (Hammam Guergour), mais non à l’ouest de celle-ci.

                      Nombre de ces cités en ruine étaient à coup sûr des garnisons surveillant de prés, les  turbulents montagnards Ait Yala et autres.

               

                      Les « Romains » de la plaine avaient de quoi s’inquiéter. En effet, de nombreuses insurrections s’étaient produites ; celles du III éme siècle furent particulièrement graves: les Bavars ( Petite Kabylie) coalisés avec leurs voisins, les Quinquegentanei (Grande Kabylie) remportèrent  de grands succès.

                      Il ne semble  pas que nos montagnards fussent moins indépendants  au moyen age, sauf  peut –être autour du XI éme siècle. A cette époque Bougie, la capitale hammadite était prospère et très puissante. Il est difficile d’imaginer qu’elle s’était développée sans la collaboration des habitants de son hinterland.

                

                      A la faveur de la désintégration post-almohadienne et des luttes  que se livraient au XIV ème  et au XV èmes siècle les  dynasties rivales de Fez, Tlemcen et Tunis, la petite kabyle s’érigea en principauté  indépendante, centrée sur

la Kalâa

des Ait Abbas, bourg situé sur le versant  Nord des Biban  à

30 Km

  environ  à l ‘ouest de Guenzet.

                     

                                                      

2.      L’époque  moderne   et   contemporaine

               

                     Au XVI ème siècle, le pouvoir turc installé en Algérie réussit à contrôler le versant sud des Biban par l’intermédiaire des Mokrani.

Tout en subissant l’influence  morale  de cette noble et prestigieuse famille, les populations Kabyles  refusaient de se plier à leur autorité  directe; ce fut la raison qui poussa le beylerbey  d’Alger à fonder la garnison de Zemoura distante seulement de

12 km

  de Guenzet. Les turcs construisirent des fortins au cœur même de

la Montagne. Aussi

, l’un de ceux-ci, appelé « Haouch ou Turki » dominait directement les villages des Ait Yala.

               

                     De leurs postes de garde, les « taassast », les habitants eux aussi surveillaient  les mouvements de l’ennemi, pour pouvoir prendre leur disposition en cas de danger.

                  

                      Après la conquête française, la région conserva jusqu’à nos jours une certaine autonomie, non seulement parce que le douar Harbil  (chef-lieu Titest ) et le centre municipal d’Ikhligen (chef-lieu Guenzet) étaient  administrés par des hommes d’origine locale, mais encore par ce qu’une « administration » parallèle rudimentaire certes, mais représentative, continuait à fonctionner dans chaque village.

               

                      Pourtant les Ait yala sont très imprégnés d’influence française. Celle-ce ne s’exerça ni par la colonisation qui ne  trouva pas  sa place  dans cette terre pauvre, et de surcroît très peuplée, ni par l’intermédiaire  du centre urbain  le plus proche, Lafayette (Bougâa ), chef-lieu de la commune mixte de Guergour, Elle s’était implantée grâce à l’école, la route et l’émigration.

               

                      Les Ait Yala furent dotés d’une infrastructure scolaire que  peu de secteurs ruraux traditionnels connaissent, avant 1954 il y avait de 2 à 5 classes à Titest, Tiget, Chéréa, Timengache, Aourir et Tiknitchout, les écoles de Guenzet en rassemblaient une quinzaine.

                

                      Le rôle de la route n’est pas négligeable. Les contacts avec la ville se sont intensifiés depuis son achèvement en 1918. La route part de Lafayette, traverse le Bou Sellam, puis remonte la vallée  de L’Oued Sbaa. Entre Titest et Guenzet, elle suit le flanc de

la Montagne

en passant non pas par les villages, mais au–dessus d’eux pour des raisons  stratégiques sans doute ( fig.  7 ).

                      Enfin, les séjours des travailleurs en France et dans les villes d’Algérie complètent la formation dispensée  par l’école.

               

                      Relativement plus évolués, les Ait Yala sont prompts à faire leurs toutes les idées avancées. Ils participèrent nombreux à l’insurrection de 1871, et lors de la guerre d’indépendance, leur contribution à la lutte a été particulièrement importante tant dans leur région qu’à l’extérieur.

3-     Ait     Yala    

  a /-   Peuplement:

               

                      Ce serait une erreur de croire que cette région était restée repliée sur elle-même. S’ils défendaient avec tant d’acharnement leur indépendance, ses habitants savaient apprécier le prix de la liberté aussi ne marchandaient-ils pas leur hospitalisation aux personnes venues chercher refuge chez eux.

    

                      A toutes les époques, la population indigène avait accueilli  des éléments venus de partout, mais principalement du sud. Les uns étaient des missionnaires, les autres furent attirés sans doute par les faveurs d’une nature moins sèche beaucoup auraient été des rebelles venus de tous les horizons et surtout des habitants de régions plus méridionales, fuyant un pays peu sûr. Ainsi, Yala était un citoyen de

la Kalaa

des Beni Hammad. Ce fut à la suite de l’invasion hilalienne du XI ème siècle qu’il quitta sa ville pour s ‘établir dans le pays qui porte désormais son nom. Cet éponyme est l’ancêtre d’un petit nombre seulement de familles.

               

                      Les habitants des villages situés à l’Ouest de la région semblent être  venus plus tardivement; plusieurs indices le montrent:

      -Ceux-ci sont de petites dimensions;

      -Ils n’occupent pas comme les autres des sites et des situations privilégiées; leurs champs sont gagnés péniblement sur la forêt de pin et ils manquent d’eau;

      -Les familles qui vivent sont souvent apparentées et se réclament d’un ancêtre commun. Ainsi, celles de Tiguert et de Tamalout descendent  de Sidi Mohand-ou-Kerri dont le mausolée, une mosquée d’allure monumentale, se trouve sur une montagne voisine, à côté des ruines de l’ancien village.

               

On recontre également aux Ait Yala quelques familles, sinon d’origine, du moins de nom turc.

b/.   Société

               

                      La population actuelle résulte de brassage entre les éléments indigènes et les immigrants venus progressivement et en petit nombre, voire individuellement, de sorte qu’ils s’assimilent rapidement.

               

                      Elle est entièrement  musulmane, et dans l’ensemble d’origine berbère, bien qu’ici comme ailleurs, une fraction, les Marabouts, se réclament d’origine arabe; certaines familles se disent même « chorfas » c’est à dire descendant du Prophète. En vérité, les uns se targuent de cette « qualité » par ce qu’ils ont pour ancêtre le saint local dont le mausolée est l’objet d’un culte populaire fervent; d’autres, sans doute parce que leurs aïeux étaient venus de régions déjà arabisées.

            

                      Quelles que soient leurs origines, les Marabouts constituent un clan (« branche ») à part dans le village, Quelques particularités les distinguent des « Kabyles »:

      -Les lettrés en arabe se recrutent souvent parmi eux;

      -Leurs femmes ne sortent pas ouvertement, et de ce fait participent peu aux travaux champêtres, sauf dans les petits villages.

      -Les Marabouts ne se marient que dans leur « branche » pourtant leurs ancêtres prirent des épouses Kabyles, raison pour laquelle, de nos jours, ils appellent leurs hôtes « Khali »   ( oncle maternel ).

               

                      Hormis ces particularités, tous les hommes forment une société unie dans son genre de vie et ses aspirations. Il règne aux Ait Yala un esprit égalitaire très poussé: on n’admet ni la richesse, ni la pauvreté. Les paysans possèdent tous leur lopin de terre qu’ils cultivent eux-mêmes. L’égalité est aussi politique: les hommes reconnaissent avant tout autre autorité celle de la « Djemaa », assemblée élue à raison d’un membre par « branche ». Ses attributions se sont certes peu à peu amenuisées, mais elles n’en demeurent pas moins réelles:

         -Les litiges lui sont soumis, et ce n’est qu’en cas d’échec que les plaignants s’adressent à «  Dieu et son prophète » ( justice musulmane).

        -C’est la djemaa qui collecte les fonds et organise les travaux d’utilité publique: construction de fontaines, entretien des chemins, …etc.

        -Elle recrute et révoque les deux « fonctionnaires municipaux », le cheikh  de la mosquée et le berger.

        - Elle veille enfin à l’application de règlements tels que  l’interdiction de mener paître les chèvres dans le jardin.

               

                      Son autorité, plus morale que réelle, varie dans le temps et d’un village à l’autre. Bien entendu, cette organisation sociale est rendue possible par le groupement de l’habitat, Il n’y a que des villages les écarts, très rares, du reste sont apparus récemment.

II – LES VILLAGES ET

LA MAISON

1- Les    villages

a/  - Situation   et  Site:

               

                      Les villages, nous l’avons vu, s’échelonnent à mi-versant sur toute la longueur de

la Montagne

, comme les sources qui les avaient sans doute attirés  (fig. . 3).  pourtant, ils s’élèvent sur les saillants, alors qu’elles sourdent dans les rentrants. Aussi, l’approvisionnement en eau représente une lourde corvée.

             

                      Leur site est imposé par les nécessités de défense; ils s’établissent sur la partie supérieure des éperons qui se détachent plus nettement du corps de

la Montagne

; les villageois peuvent ainsi, tout à la fois, dominer  le paysage en contrebas et observer les pentes de l‘amont.

b /   Le    village

               

                      Les maisons se pressent sur le faîte de l’éperon, puis  débordent sur le versant le moins raide.

               

                      Les ruelles, d’un tracé irrégulier, sont entrecoupées  par des alignements de pierres ancrées au sol, destinés à enrayer le creusement des eaux de pluie; leur largeur doit être suffisante pour permettre le passage d’une bête de somme chargée d’un filet de paille.

               

                      Chaque village est le point de jonction de deux voies principales: un chemin longitudinal reliant les villages entre eux; son rôle a décliné depuis  la construction de la route qui lui est parallèle, et un chemin transversal qui mène de l’amont vers l’aval de 

la Montagne

vers le Sahel.

               

                      Sur ces axes principaux qui évitent souvent le centre du village, se greffent les sentiers secondaires conduisant  aux sources et aux jardins.

             

                      Le village comporte des espaces non bâtis, au centre ou à la périphérie; c’est la qu’on rencontrait les pressoirs rustiques; aujourd’hui, seules les meules couchées sur le sol témoignent d’un passé récent.

                     Chaque village possède sa mosquée; c’est naturellement l’édifice le plus imposant tant par sa grandeur que par son architecture. La djamaa sous laquelle se réunissait l’assemblée ( d’où son nom) et où se postaient les gardiens du village, a disparu de partout.

c/- Les  différents   villages:

                

                      Les villages qui répondent le mieux à cette description sommaire, sont les plus nombreux. De l’Est à l’Ouest, nous avons  ( Fig. 7) .

            -Dans le groupe de Harbil:  Bou Hallouf, Atoubou, Tiget et Tiguert Ndrar.

            -Dans celui de Cherea: Cherea, Taourirt Tamelalt, Ighil.

            -Tizi Medjver, Timengache et Taourirt Yakoub dans ce qu’on appelle les «  Ait Yala centraux »

            -Thammast et Aghlad n’ Salah enfin, dans le groupe Ikhelijen.

 

                      En règle générale, leur terroir arboricole se trouve au voisinage et en aval, leur terroir sylvo-pastoral à l’amont. Ce sont ces villages qui disposent des sources abondantes dont il est parlé plus haut.

               

                      Les petits villages sont plus rares. On les rencontre en contre bas des premiers: Ighoudane, Foumlal, et  à l’Ouest, à la lisière de la forêt de pin: Issoummar, Tiknitchout, Tiguert, Tamalout et Tighremt. Ces derniers ont gagné une partie de leur terroir sur la forêt de pin les défrichements se sont poursuivis jusqu’à nos jours. Faute de sources importantes, ces villages possèdent très peu de jardins irrigués; il en est même d’Aourir.

                      Aourir se distingue des autres villages par son isolement au milieu de la zone de l’olivier, sur le sommet d’une colline de

800 m

, prolongement de

la Montagne

de Tilla. Il est plutôt apparenté à ceux qui se succèdent, perchés comme lui, en direction de la vallée de

la Soummam. Ses

habitants ne se considèrent d’ailleurs pas comme de véritables Ait Yala, pas plus que les villageois de Mguerba.

                      Mguerba et les villages voisins (Mouriana, Ksentina, Laazib) dont les habitants sont en partie arabophones, occupent les pentes Nord-Est de Tilla. Ils ne sont mentionnés dans cette étude que parce qu’ils font partie de la nouvelle commune de Guenzet.

D/. Guenzet   et   Titest:

               

                      De tous les villages, les plus importants sont Titest et surtout Guenzet.

               

                      Titest était le chef-lieu de l’ex-douar Harbil. C’est le siège d’un bureau de poste et d’un marché hebdomadaire fréquenté le lundi par  les hommes de Harbil. Ceux-ci sont attirés les jours de semaines par quelques boutiques et cafés maures. Au sud, non loin de Titest, se trouve la maison forestière de Guert.

               

                      Guenzet est une agglomération réunissant les fractions de laraf, Ait Sidi Amar et Ihaddaden. C’est, depuis longtemps, le plus gros village de la région. Un « voyageur »français cité par Carette, estimait la population de Guenzet vers 1845, à 700 – 800 h . L’auteur ajoutait; « les maisons sont construites avec soin, couvertes en tuiles et en général blanchies à la chaux. Quelques-unes unes sont bâties dans le goût des maisons d’alger avec étage et galerie … (Guenzet) possède une grande mosquée surmontée d’un minaret. Il relatait à propos du marché: « le mercredi des Beni Yala se tient prés du village de Guenzet; les Beni Yala y vendent des burnous, de l’huile et des fruits secs ».

               

                      Le village est né au point de contact d’une crête de direction méridienne, avec le versant proprement dit de

la Montagne. Bâti

à la fois sur celui-ci et celle-là, il contrôle la voie Est–Ouest et le chemin qui suit la crête en direction du Nord. Guenzet est un site défensif d’où l’on jouit d’un vaste panorama. Son approvisionnement en eau est assuré par une grosse source captée seulement il y a quelques années.

               

                      Avec de tels avantages, le village est tout désigné pour jouer le rôle de pôle local d’attraction. C’est d’abord le centre d’un marché qui se tient tous les mercredis sur la place de

la Mosquée

où aboutit la rue principale bordée de boutiques et de cafés.

               

                      Pour beaucoup d’hommes; Guenzet c’est d’abord la poste où arrive l’abondant courrier des émigrés. Le village est aussi, rappelons le chef-lieu d’une importante commune.

               

                      A part les constructions de caractère plus ou moins urbain que sont les boutiques, les écoles les huileries, etc.,. Constructions bien localisées du reste, les maisons de Titest et de Guenzet ne diffèrent pas de celles des autres villages; ce sont pour la plupart des maisons rurales.

Fig. 7

  2-   

La  Maison

                 

                      Etudier la maison kabyle des Ait Yala, c’est rechercher en quoi elle est adaptée au milieu, d’où elle tire ses matériaux et comment en tant qu’outil de travail du paysan, elle remplit sa fonction.

               

                      Il serait hasardeux de la classer d’emblée dans telle ou telle catégorie. Bornons-nous simplement à la décrire telle qu’elle se présente. Précisons qu’il s’agit de la maison rurale traditionnelle.

a/ .    L’aspect   extérieur :

               

                      La maison est des plus élémentaires. C’est une construction sans étage ni cave, avec un toit à double pente.

               

                      Ses dimensions sont petites: 6 à

8 m

environ pour la largeur et la hauteur, le double pour la longueur.

               

                      Ses murs sont faits de pierres provenant de

la Montagne

et jointes avec un mortier de terre; la charpente est constituée par des rondins en frêne, en ormeau ou en peuplier, disposés suivant la longueur; la poutre-maîtresse repose sur le sommet des pignons, et de part et d’autre de celle-ci sont disposées une ou deux autres, suivant la largeur de la maison. La toiture est supportée par un lit de chevrons qui ne sont autre que de jeunes genévriers ébranchés. Pour éviter la chute des tuiles par glissement ou sous l’action du vent, on applique  sous celles qui sont en canal quelques mottes de boue et on immobilise avec des pierres les tuiles périphériques    ( fig. . 8. III).

               

                      La maison s’ouvre par une porte large et basse placée au milieu d’un des longs côtés, et par une petite fenêtre à l’amont du même côté. En outre, les pignons sont munis d’une espèce d’œil-de-bœuf destiné à évacuer la fumée.

               

                      La maison est simple vue de l’extérieur, elle l’est moins quand on y pénètre

b /-    L’intérieur :

               

                      Un mur sépare la maison en deux parties inégales et s’interrompt à

2 m

de la porte. En rentrant, nous avons à l’amont la partie principale appelée « aouns », et en contrebas   «  addaïnine », partie réservée aux animaux: l’âne (ou le mulet ) est attaché au fond, les chèvres plus en avant.  A cette écurie-étable, est superposée la «  taaricht », réduit bas et sombre, sorte de combles qu’on utilise suivant les cas, pour entasser les récoltes, la nourriture du bétail et les objets dont on se sert le moins souvent ( fig. . 8.I et III)

               

                      L’habitation, aounes, consiste en une pièce unique qui fait office à la fois de salle à manger, de chambre à coucher et de magasin à provisions. Cette polyvalence ne suppose pas, il est vrai, un mobilier varié, voyons en quoi consiste l’équipement qu’on retrouve presque invariablement partout. Chaque côté de l’habitation remplit son rôle.

                      Le mur de pignon est renforcé sur une partie de sa longueur par une construction appelée « lakdhar ». C’est un parallélépipède de 4 à 5  m de longueur,

2 m

de hauteur et

1 m

d’épaisseur, où se creusent trois niches en arceaux. Devant celle du milieu, la plus large, se trouve le « canoun » (foyer); les autres servent de placards et de garde-manger; la maîtresse de maison y range  les habits et y entrepose les œufs, le beurre, la graisse et les condiments qu’elle garde avec vigilance. De part et d’autre de lakdhar deux grosses jarres en boue séchée, « les akoufi » occupent les coins; elles renferment du grain    ( fig. 8 II).

               

                      Les «  akoufi » sont les éléments qui attirent le plus l’attention du visiteur. Certaines reposent sur « lakdhar », d’autres s’alignent le long du mur de la porte, à côté des jarres d’huile. Ici, ils contiennent des figues, de la farine et du son.

               

                      Face à la porte, le mur de « tarkount » comporte les pièces fixes de métier à tisser: les anneaux et les perches verticales; une foule d’objets ( poteries, verrerie, quincaillerie ) le décore; le coffre autrefois richement sculpté, rapporté par la mariée, y occupe une bonne place ( fig. 8,n° I ).

               

                      Dans le mur de séparation, sont plantés de gros crochets qui soutiennent la literie: la natte en alfa et les couvertures de laine multicolores. Ce mur, nous l’avons vu, s’interrompt du côté de la porte mais assez souvent aussi de côté opposé, de telle sorte que l’âne passe sa tête dans l’habitation des hommes.

               

                      Les ustensiles d’usages courant, en bois ou en terre: plats, marmites, pilon, etc.….Sont rangés à leur place habituelle.

c/-   les  annexes :

               

               A l’origine, la maison ne comportait pas d’annexe; les hommes prirent ensuite l’habitude de délimiter devant leur maison une cour à l’aide d’une haie en branchages.

Fig ..8

                      La maison s’ouvre actuellement sur une courette qu’un haut mur protège des regards indiscrets. On y accède de dehors par un large portail à deux battants qu’on ouvre pour permettre le passage des bêtes de bât; les personnes empruntent la portière pratiquée sur l’un des  battants.

               

                      Le portail est suivi d’un préau au toit à double pente, ouvert largement sur la cour. La surface de celui-ci est surélevée de part  et d’autre d’un passage central. ( Fig. 8 IV ). On y dispose du bois en hiver, la charrue, le bât, les oliviers  etc. ,, ; on y habite même l’été. Un étage se superpose parfois au préau: il sert de magasin à provision ou, le plus souvent de salle de réception; il est pourvu dans ce cas d’une porte s’ouvrant sur la ruelle.

   

         

                      On construit de moins en moins sur le modèle traditionnel depuis une vingtaine d’années. Les maçons bâtissent maintenant des maisons à éléments séparés. Le goût des habitants penche d’une part vers les constructions à étage, et d’autre part vers la réunion des pièces autour d’un atrium ( fig. 8. V ).

                      Cette évolution n’est pas le propre de la construction; elle caractérise comme nous le verrons l’ensemble du genre du vie.

                

                      La maison était faite pour le paysan qui y habitait avec sa famille, abritait ses provisions dans les « akoufi » et les jarres, son bétail peu nombreux dans l’addaïnine  et une petite quantité de foin et de paille dans les combles. Ce type de maison justifié donc par l’activité agricole traditionnelle, disparaît à mesure que les paysans cessent de tirer l’essentiel de leurs ressources du travail de la terre. 

                     

 

                  

   

                 

                   

 

      Deuxième              Partie

                                                                                                                               

 


L’AGRICULTURE


Caractères généraux de L’agriculture

                        Toute la population des ait yala se livre à l’agriculture. Les terrains susceptibles d’être mis en culture –presque toutes les pentes accessibles situées au-dessous de 1200 m- ont été  défrichées sous l’effet de la pression démographique. A une époque très récente encore, on a pu voir des paysans s’attaquer aux bancs calcaires pour « créer » des sols et y planter des figuiers.

                        La tendance se renverse aujourd’hui; les habitants sont las de se dépenser pour de maigres profits.

                        Comme presque partout en économie traditionnelle, on pratique une agriculture de subsistance. Les paysans s’efforcent de produire eux  même tous les biens de consommation courante :

                        La propriété doit donc comprendre des parcelles complémentaires du terroir ; elle est morcelée pour cette raison d’abord, et ensuite à cause de l’accroissement de la population. Aujourd’hui, elle reste indivise dans la plupart des cas, non pas par respect de la coutume qui veut que la propriété reste dan les mains de la famille patriarcale, mais plutôt parce qu’on est parvenu à un stade ou il est pratiquement impossible de poursuivre le partage entre les héritiers.

                        Les limites compatibles avec le plein emploi de la main d’œuvre familiale et l’assurance d’un revenu suffisant à une famille pour subsister, sont atteintes depuis plusieurs générations déjà.

                        Dans de telles conditions, le mode d’exploitation  est naturellement le faire – valoir direct ; mais des formes d’entraide sont largement pratiquées, aux périodes de presse notamment.

                        Il convient de ne pas s’étendre sur les considérations d’ordre général, car chaque portion du terroir possède ses caractéristiques spécifiques suivant la distance du village, la présence ou l’absence de l’eau et la nature du sol. Cependant,  comme dans la végétation, c’est la distinction par zone qui s’impose.

                        Nous étudierons donc ces zones et les cultures qui y sont pratiquées : d’abord le Sahel et la culture de l’olivier, les parcelles de culture sécher ensuite, et enfin les jardins irrigués.

              Nous verrons ensuite l’exploitation de la montagne, et nous terminerons cette deuxième partie par l’étude de l’élevage.

                

I – Le SAHEL, Les OLLIVIERS  et L’HUILE

1 – L’oliveraie

                        Les deux tiers environ des

7000 hectares

cultivés sont occupés par des oliviers (fig. 9 ). Le paysage du Sahel présente donc sur une vaste superficie des crètes et des éperons au sol nu moucheté par les oliviers et quelques caroubiers.

             

                        Les champs s’appellent « iharkane », mot qui contient la racine arabe du verbe brûler. Cela nous améne à formuler l’hypothèse de la destruction par le feu de la végétation originelle. Parmis les plantes qui ont repoussé, l’homme n’a gardé que les oléastres greffés par la suite. Les parcelles, de 1 à

5 ha

environ, n’apparaissent pas ; leur limite, quand elle n’est pas un ravin ou un chemin bordé de lentisque n’est  indiquée que par des repères espacés.

                        La propriété est morcelée : une même famille pouvant posséder une parcelle à un endroit et une autre à plusieurs kilomètres plus loin ce que n’on appelle parcelle peut se réduire en fait à quelques oliviers, voire même à un seul.

                        Les « iharkane » d’un même village étaient sans doute rassemblés à l’origine dans un secteur déterminé ; Les propriétés des habitants de villages différents se sont interpénétrées plus récemment.

                        Le sol schisteux et sec domine largement. Ce qu’on appelle la « grande terre », le sol assez profond de couleur ocre ou jaune, n’existe qu’en de rares endroits. En altitude, l’olivier couvre les « isoummar » (sing. . asameur = l’adret) jusqu’à 1000m ; sa limite est plus basse sur les versants exposés au nord (imoula, sing. amalou).

                        Plus encore que du gel qui intervient rarement, notre arbre souffre assez souvent de la casse occasionnée par la neige. A ces deux fléaux, s’ajoute l’invasion périodique de nuées d’étourneaux qui opèrent sur les récoltes de graves ponctions.

2.  U n e   C u l t u r e     P e u   S o i g n é e

                        La culture de l’olivier est la plus négligée, en partie à cause de l’éloignement des champs ; ceux – ci sont visités deux fois par an pour la cueillette et pour les travaux.

                        Ceux-ci consistent en un labour au début du printemps, suivi d’un deuxième en automne chez les paysans les plus attachés à la terre. Ce travail s’exécute à l’aide de l’araire antique tirée  par une paire de bœufs ou de mulets. Composée de deux pièces en bois et d’un soc en fer elle est suffisante pour les sols légers et déclives de ait yala. L’attelage des mulets  est devenu le plus employé, par ce que le plus rentable, ces animaux continuant à fournir du travail en de hors des labours. D’autre part, comme les cultivateurs n’en possèdent qu’un seul, ils se groupent à deux pour labourer leurs champs respectifs. Les rares propriétaires d’une paire de bœufs louent leur travail et celui de leurs bêtes.

                        Dans le champ, le laboureur est suivi par d’autres travailleurs  souvent ses  fils ; avec la hache- pioche (aglzim), l’outil le plus répandu ils retournent la terre là où le soc ne peut pas passer. Ils coupent les rejetons poussant à la base de troncs ; les plus beaux sont plantés dans un espace  jugé vide et greffés quelques années plus tard, les autre sont utilisés pour la construction de petits barrages à travers les ravines.

              La superficie des propriétés est comptée en jours  de labour ainsi, une propriété ordinaire à une superficie de 1 à 2 jours, une « grande » jusqu’à 15.

              Les oliviers ne sont l’objet d’aucun autre soin. La rareté du fumier et l’éloignement des champs font que ces arbres ne reçoivent presque jamais de fertilisant. La taille se réduit à un émondage sommaire pratiqué au moment de la cueillette avec une hachette – herminette. D’ailleurs, cette opération est plutôt destinée à faciliter le gaulage des fruits

3 -   

La     Cueillette

              A cause de la distance et de l’incertitude du temps hivernal la cueillette prend le caractère d’une expédition ; toute la famille est mobilisée, on sollicite en outre l’aide des villageois, aide rarement refusée, pour constituer ce qu’on appelle « Tiouisi ».

              Afin de ne pas briser les rameaux rendus rigides par le froid les gauleurs attendent l’arrivée du soleil pour commencer leur travail les femmes et les enfants s’occupent du ramassage des fruits après s’être réchauffés les mains. L’effort est soutenu toute la journée par des cris de joie, et on ne mange sa ration de galette et figues que sur le chemin du retour.

              Les olives sont chargées dans des paniers jumelés sur les ânes et les mulets qui remontent péniblement vers les villages.

              Pendant deux semaines, les sentiers et les champs du Sahel se remplissent d’animation ils retrouvent ensuite, pour un an, leur triste solitude.

              La production est très variable d’une année à l’autre. Lors des bonnes années, une propriété de 3 jours de labour donne 40 à 60 mesures (doubles décalitres) d’olives, ce qui fait 160 à

200 litres

d’huile.

4.    L’  h  u  i  l  e

              A part une quantité infime consommée sous forme de fruits séchés ou préparés, les olives sont transformées pour donner de l’huile.

a/. La    fabrication

              Les olives ramenées du Sahel sont entassées sous un appentis ou sous le préau, on attend  les premières  chaleurs du printemps pour les traiter dans les moulins rustiques les fruits sont écrasés sous une meule verticale mue par un mulet ; la pâte obtenue est mise dans des

escourtins en alfa empilés sur un plat en bois reposant une murette. La pression sur les escourtins s’exerce à l’aide d’une vis verticale également en bois, actionnée par deux adultes, hommes ou femmes.

              Il y avait de deux à quatre appareils de ce genre dans chaque village, et beaucoup plus à Aourir et à Guenzet ; il n’en reste plus  que quelques-uns uns. Les olives sont traitées maintenant tout de suite après la cueillette dans des moulins couverts et chauffés, dont certains sont entièrement motorisés. Ces « pressoirs français » sont une dizaine, la moitié se trouvant à Guenzet.

              Leurs propriétaires prélèvent 1/10 de la quantité d’huile obtenue et une partie des tourteaux pour chauffer leur atelier. Les possesseurs de pressoirs rustiques traitent la pâte une deuxième fois, l’huile ainsi recueillie leur appartient. Dans un cas comme dans l’autre le paysan obtient

4 l

  d’huile par double-décalitre d’olives.

             

b/.  Destination   de   la   production : 

              Bon an mal an, la population des Ait Yala parvient à satisfaire ses besoins en huile, besoins énormes quand on pense que chaque personne en consomme en moyenne

10 l

par an.

              L’exportation, très importante autrefois, est devenue modeste et irrégulière depuis une trentaine d’année. Néanmoins, de notables quantités sont envoyées aux parents émigrés, ou commercialisées en dehors de la région ( au moins jusqu’en 1955).

              L’huile était échangée contre les céréales du pays arabophone par des muletiers, ou transportée par camion en direction de Setif, Constantine et Biskra notamment.

              Outre les olives, le Sahel produit quelques caroubes qu’on donne aux bêtes, dans sa frange supérieure, la plus proche des villages par conséquent, les figuiers se mêlent aux oliviers pour se substituer complètement à eux à partir de 900  -

1000 m

.      

II.      Les  JARDINS  de  CULTURE  SECHE            

                         « AVAALI »

              Sur une bande longue de plus de

15 km

et étroite (1 à

2 km

), le paysage change complètement par rapport au Sahel. Les villages et vergers se pressent entre 900 et 1200 m ; mais les masses compactes des jardins irrigués contrastent violemment avec les versants  couverts par une végétation clairsemée qui laisse apparaître un sol couvert au printemps et nu le reste de l’année. Ces portions de terroir réservées à la culture sèche seront étudiées en premier lieu.

             

1.        L’avaali

  a/.  Le  paysage  agraire :

              Les jardins de culture sèche, au contraire des champs d’oliviers, sont d’ordinaire délimités par des haies vives. Les défricheurs ont préservé autour de leurs nouvelles propriétés tout ce qui pousse à l’état sauvage : les chênes, les églantiers, les prunelliers, les azeroliers et surtout les ronces. La clôture est renforcée parfois par des murettes de cailloux provenant de l’épierrement. Il résulte de ces haies vives et des chemins qu’elles bordent, comme un paysage de bocage.

              A l’Ouest de Guenzet, les clôtures deviennent rares ; en revanche, du fait de la pente plus forte et de l’affleurement des calcaires on voit apparaître dans les paysages des murettes de pierres horizontales.

              Dans l’unité initiale  délimitée par une haie, sont taillées par suite du partage entre les héritiers, plusieurs parcelles séparées par de simples points de repère : des pierres ancrées au sol par exemple. La propriété familiale est beaucoup plus petite que dans le Sahel.

b/.   L e s      Sols :

              Les sols sont variables ; compacts quand ils proviennent des marnes, schisteux au voisinage du Sahel, souvent légers et pierreux en altitude. Les paysans les enrichissent périodiquement par des apports de terreau, parfois même avec du fumier. (Le terreau provient des dépotoirs qui bordent les villages ).

              Dans l’ensemble, le sol travaillé est perméable ; toutefois, quand il y a danger de ravinement, les cultivateurs creusent à l’amont de leurs champs, des rigoles pour conduire les eaux de pluie dans les « Ighzer ».

              Sur cette partie du terroir à laquelle on peut difficilement donner un nom, est pratiquée une polyculture complexe ; en effet, chaque parcelle est à la fois un pré, un champ de céréales, un potager et surtout un verger de figuiers

.

2.  L e s       Figuiers

a/.  Une   culture   peu   rationnelle :

              Les figuiers sont plantés sans ordre et à des époques différentes, si bien qu’on en trouve de grandeur et de densité variables. Dans un même verger, une gamme très large de variété est représentée on y cueille des fruits de toutes les formes, de toutes les couleurs et de toutes les grosseurs.

   

              Ce qu’on appelle figuier est souvent un bouquet d’arbres, les paysans ayant l’habitude de planter dans un même trou plusieurs rejetons. Parvenus à un certain âge, les troncs et les branches s’entremêlent  et la taille consiste souvent à supprimer les plus vieux…ou les plus jeunes, selon que le « praticien » s’intéresse à la production des années prochaines ou se préoccupe d’un avenir plus lointain. L’opération est nuisible en tous les cas, le figuier étant particulièrement sensible à ces mutilations.

b/.   L e s     Soins :

              Le figuier n’est pas cultivé très loin des villages parce qu’il nécessite une intervention fréquente de l’homme, tant pour les soins que  pour la cueillette.

Les façons culturales consistent en un piochage du verger  pratiqué au début de l’été, après la récolte du foin. Les bons cultivateurs brisent les mottes, au moins autre des troncs. On ne laboure pas, non seulement parce que la surface des vergers est réduite, mais encore à cause de la difficulté de faire passer la charrue entre les arbres trop rapprochés. Les figuiers bénéficient d’un deuxième piochage en automne quand on pratique une culture annuelle.

Les piocheurs prennent également le soin de couper les rejetons poussant au pied des arbres. Après la chute des feuilles, on enduit de bouse les rameaux les plus proches du sol ( pour les préserver du froid ? )

A côté de ces travaux réguliers, les paysans, au hasard des jours, exécutent  quelques greffes, plantent des rejetons ou suppriment les rameaux parasites.

L’opération la plus importante reste la caprification. La récolte en dépend car celle-là a pour but d’empêcher la chute des figues avant leur complet développement. Pour cela, on cueille les fruits de figuiers mâles ou dokkar poussant en basse altitude ; après les avoir réunis en chapelets, on les suspend aux rameaux des  figuiers ordinaires des insectes hyménoptères sortent des premiers et se répandent sur les figues encore jeunes. Pour s’assurer de son  efficacité, on répète l’opération plusieurs fois.

La caprification est malheureusement négligée depuis quelques années ; la production s’en ressent.

c/. La cueillette des figues :

La cueillette se fait au fur et à mesure de la maturation des fruits, laquelle s’échelonne sur un mois. Une partie des figues est consommée fraîche, souvent sur place. La plupart des fruits achèvent de mûrir est tombent dès qu ‘on secousse les branches avec un crochet. Ils sont ramassés alors et exposés au soleil sur des claies en diss où ils finissent leur dessiccation. Tous les membres de la famille participent à la cueillette, mais ce sont les femmes qui s’occupent du calibrage et de l’emmagasinage dans les « akoufi.

Les figues jouent un rôle considérable dans l’alimentation des Ait Yala. On en mange tous les jours pendant une grande partie de l’année. Une famille de 6 personnes consomme en moyenne 8 à 10 doubles décalitres de fruits secs. Rares sont les familles qui n’en récoltent pas leur provision annuelle ; une partie des surplus leur est alors offerte ou vendue. On expédiait naguère de notables quantités de figues au pays arabophone pour les échanger contre des céréales. L’exportation déjà peu importante et irrégulière avant

1950 a

cessé depuis,  malgré  la diminution de la consommation, c’est dire combien la production a baissé.

            3.      L e s      a u t r e s      c u l t u  r e s

a/. Les cultures en champ

Le verger est également un champ. Le paysan y cultivé de l’orge pour réduire ses achats de céréales. Il  pioche en automne, après avoir répandu la semence à la volée. La moisson se fait avec la faucille ou même à la main ; le dépiquage consiste en un piétinement des  gerbes répandues sur une aire aménagée, par des ânes ou des mulets. Le mélange ainsi obtenu est projeté en l’air à l’aide d’une fourche en bois, le grain tombe sur place et la paille, entraînée par la brise, se dépose un peu  plus loin.

On pratique la jachére biennale pour ne pas épuiser le sol, mais aussi pour pouvoir récolter du foin.

Cette culture a décliné dès avant 1950, les habitants ne consomment pratiquement plus d’orge ; de plus, l’abondance relative de la monnaie permet de se procurer facilement des céréales importées par camion.

La deuxième culture en champ est représentée par les fèves. Le paysan n’ensemence que quelques ares ; il n’a en vue que la consommation  de légumes frais de printemps ; le reste du terrain est laissé au foin coupé au mois de Mai.

    

     b/  Le   potager   et   les   semis :

Dans un coin de jardin bien exposé au soleil et attenant quand c’est possible à la maison, une terrasse est aménagée pour les légumes d’hiver et les semis.

La terre enrichie par des apports de fumier, de cendre et de terreau, devient très meuble ; il devient facile aux femmes de la travailler pour y planter des artichauts, des oignons, des ails et du coriandre.

Au printemps, elles y sèment des piments et des tomates sur une surface réduite mais bien fumée et exposée ; les plantes qui s’y lèvent sont repiquées au début de l’été, dans les jardins irrigués. Les femmes entourent ces petites cultures de soins attentifs ; elles ne se lassent pas de biner et de sarcler ; elles en défendent l’accès aux poules par une haie en branchage ; les oiseaux en sont écartés par des épouvantails ; quand  les pluies se font attendre, elles s’en vont chercher des outres d’eau pour arroser les semis.

c/ Les autres arbres fruitiers :

                Outre les figuiers, le paysan possède dans son verger quatre ou cinq de ces arbres : abricotier, prunier, amandier, pommier, poirier, azerolier, etc.,

                La vigne est plus répandue ; il s’agit souvent d’un seul pied qu’on multiplie par marcottage. Les sarments sont soutenus par de jeunes arbres coupés dans la forêt. Le cep s’élance parfois sur des arbres, aux abords de la maison et dans la cour, il forme une treille.

                A cause de la négligence et probablement de phylloxéra, la vigne, au raisin très renommé, dépérit actuellement, même dans les jardins irrigués.

III. LES    JARDINS   IRRIGUES

                Les jardins irrigués ( “tivhirine” ) sont la fierté des Ait Yala  chaque famille tient à en avoir un, si petit soit-il.

                Le jardin est l’annexe quasi indispensable de la maison  on passe une partie de son temps de Mai à Octobre, appelé en principe par  des travaux divers. En réalité, nul ne l’ignore, dans un pays où la population est chroniquement sous-employée, les hommes vont au jardin plutôt pour occuper leurs loisirs, ils savent que leurs efforts opiniâtres sont à peu prés vains.

   1. Des   propriétés   minuscules   valorisées par l’eau

                               

                Les ( “tivhirine” )  couvrent à peu prés 1/12 de superficie  totale de la commune, soit quelques

1000 ha

. La part de chaque famille déjà réduite à l’origine, s’est considérablement amenuisée par suite du morcellement. Si les héritiers actuels procédaient au partage, leur part ne pourrait être évaluée autrement qu’en mètre carrés.

               La propriété la plus répandue reste donc indivise, elle se réduit à une parcelle de quelques ares, répartis entre trois ou quatre planches, plus les pentes qui les séparent ; elle est entourée d’une haie de ronce renforcée çà et par un frêne, un ormeau ou même un figuier, arbres appartenant au propriétaire amont.

                Ici comme ailleurs, l’exploitation se fait par la famille, même quand les hommes sont absents. Pour ne pas faire entrer un « étranger » dans leur bien, ce sont les femmes qui se chargent de tous les travaux. On ne consent à laisser son jardin à un « autre » - pourvu qu’il  l’entretienne – que quand on émigre en famille.

                La masse verte des jardins occupe les sols marneux assez fertiles mais très exigeants en fumier à cause de l’irrigation. La répétition des cultures fait qu’ils présentent des signes d’épuisement.

                La terre valorisée par l’irrigation justifie l’aménagement en terrasses ; le remblai de la partie aval de chacune est retenu par une ligne d’arbres et consolidée par un mur de soutènement quand la pente est trop forte.

L’irrigation est rendue possible par la présence d’un grand nombre de sources, la plupart alignées sur la courbe 1100 entre Titest et Guenzet, Une douzaine d’entre elles sont suffisamment abondantes pour être conduites directement sur les carrés à arroser. L’eau emprunte une rigole subhorizontale sur laquelle viennent s’embrancher d’autres rigoles.

Les eaux des sources moins importantes et les suintements des nombreux « ighzer » alimentent de petits réservoirs qu’on débouche une fois remplis. Dans un cas comme dans l’autre, un tour d’eau minutieux réglemente la distribution du précieux liquide, la nuit comme le jour. De fin Juin à la fin de Septembre, les Ait Yala utilisent à peu près intégralement l’eau de leurs sources.

Le grand nombre d’utilisateurs d’un même tour et l’archaïsme du système sont à l’origine de fréquentes querelles ; le tour change par exemple à l’appel de muezzin ou quand le soleil arrive  sur un repère or, comme chacun sait, le muezzin n’est pas toujours ponctuel et le soleil toujours  brillant.

2     Les légumes de l’été

L’attachement des paysans  à leurs jardins s’explique en partie par la  quantité et la variété des produits qu’ils en tirent ou qu’ils espèrent en tirer. Ils leurs demandent souvent trop : des légumes et des fruits variés, du foin et du fourrage aérien, une partie du combustible et des matériaux de construction.

Le jardin irrigué est le seul endroit où le paysan peut pratiquer ses cultures d’été. Ce dernier plante un certain nombre de légumes toujours les mêmes : piments, tomates, oignons, navets et cucurbitacées. Il prend soin d’alterner les cultures sur une même planche dès que cela est possible. Voici un exemple d’assolement pratiqué dans une parcelle moyenne de trois planches, chacune mesurant un à deux ares

La première année, la planche est désherbée au printemps ; après le piochage et le bris des mottes, la surface est répartie en 5 ou 6 rectangles séparés par des levées de terre, de façon à pouvoir les arroser un à un. Le jardinier y plante des oignons après avoir répandu du fumier. Sur le rebord aval de la terrasse, il sème dans un sillon parallèle à ligne d’arbres, quelques grains de courge : les plants pourront ainsi ramper sur la pente. Les oignons sont arrachés en septembre ; On sème aussitôt des navets à leur place, lesquels sont récoltés en hiver.

L’année suivante, la planche est préparée de la même façon, mais au mois de Juin, après la coupe du foin. Elle reçoit cette fois des plants de piments et sur son pourtour des plants de tomates, on retrouve la ligne de courges à la même place.

Le jardinier laisse se reposer la terre la troisième année, ce qui ne l’empêche pas d’y planter quelques lignes de haricots et de concombres.

Le plus souvent, faute de place, le jardinier est contraint de surcharger ses planches. La culture principale est concurrencée par des cultures secondaires ; le pourtour de chaque planche est garni non seulement de plants de tomates, mais aussi de haricots et de mais.

On réserve couramment aux piments la planche la plus ensoleillée quitte à y répéter cette culture plusieurs années de  suite et on remet les haricots sur la même petite planche à l’ombre.

A ces cultures traditionnelles sont venus s’ajouter le pomme de terre, le chou, la salade, etc. … la production de légumes est ridiculement faible. Peu de familles se suffisent en piments, tomates haricots et courges. Pourtant, cinq mois durant, les hommes aussi bien que les femmes ne ménagent pas leur peine pour apporter du fumier et multiplier les binages et les sarclages. L’arrosage n’est pas la tâche la plus facile ; une fois tous les 5 jours, il faut capter l’eau depuis  la source et surveiller les moindres fuites sur tout le trajet pour que le débit se maintienne pendant toute la durée du tour.

Les arbres profitent autant que les légumes de l’irrigation.

3.     Les   arbres   fruitiers

Les jardins irrigués ont l’aspect d’un massif compact d’arbre dont la verdure tranche sur les parties du terroir réservées à la culture sèche.

          Les arbres fruitiers se suivent très proches les uns des autres sur le rebord des terrasses et sur les pentes. Inévitablement, les branches s’enchevêtrent et l’élagage (la taille !) s’impose chaque automne.

 

C’est un spectacle courant que de voir émerger un abricotier entre deux grenadiers, ou un pécher cherche  sa place au soleil au-dessus du feuillage d’un figuier. Si celui-ci n’a pas possibilité de  pousser droit ses semblables, on le voit plonger alors au-dessus de la terrasse en contrebas ou des perches fourchues soutiennent ses branches pendantes. La confusion atteint son comble quand la vigne étale ses sarments dans ce fouillis.

a/. Une gamme variée d’arbres :

   Malgré le peu de place dont il dispose, le paysan désire réunir toutes les espèces dans son jardin. Il veut avoir son pommier, son poirier, son pêcher, son abricotier et son prunier ; il y a introduit le cerisier, le néflier et l’oranger (ce dernier en basse altitude. Finalement, la récolte est décevante, par suite parfois des intempéries : grêle et gel, ou du manque de soins, toujours à cause du manque de place.

   La vigne et le grenadier sont mieux représentés. Plus résistants, leurs fruits étaient les plus recherchés pour l’échange après les figues sèches et l’huile. La production est comme pour toutes les denrées agricoles, très médiocre.

    Même dans les jardins irrigués, les arbres les plus nombreux restent les figuiers.

b/. Les bakors :

   La plus grande partie des figuiers est ici de la variété « bakor », blanc et « bakor » noir possèdent deux particularités :

         

   1° – Ils se passent de la caprification, qualité dont ils ne sont pas les seuls à jouir.

   2° – Surtout, ils donnent deux récoltes par an : des figues « d’été » portées par le bois de l’année précédente, et des figuiers  « d’automne » poussant sous l’aisselle des feuilles, comme sur les figuiers ordinaires.

     Les premières sont consommées fraîches au mois de juillet, les secondes subissent la même destination que les fruits dont il a été question plus haut.

       Les jardiniers pratiquent souvent des greffes pour transformer en « bakor » les rejetons des figuiers ordinaires.

               L’inventaire des productions n’est pas achevé.

 

          - Le paysan compte beaucoup sur son jardin pour sa récolte annuelle de foin. Normalement, l’herbe y pousse drue, mais quand le printemps s’avère  particulièrement sec, on y amène de l’eau.

-      Le frêne (« islen ») et les ormeaux (« oulmou ») sont d’une grande utilité ils servent de support à la vigne ; ils fournissent les poutres, mais surtout le fourrage aérien : leurs branches sont coupées en été et données aux chèvres à leur retour de la montagne.

Fig  10

Fig 9

IV.      L’EXPLOITATIN     DE   

LA FORET

1.   la    forêt

     La forêt, si l’on fie aux taches vertes qui la représentent sur la carte, couvre plus

4000 ha

(le tiers de la commune). En réalité, elle consiste en un taillis bas et clairsemé plutôt qu’en une véritable futaie.

     Trois-quarts du territoire forestier sont occupés par le chêne vert (Adrar à l’Est de Guenzet) et le reste par le pin (Adrar à l’Ouest de Guenzet, Montagne de Tilla) – (fig. . 10).

        La forêt appartient en droit au Beylik (Etat) : en fait, elle est collective, et comme telle, elle n’est l’objet d’aucun soin. Des gardes forestiers sont certes chargés de sa protection ; mais leur tâche limitée à la distribution de procès-verbaux, se révéle parfaitement vaine. N’étant pas propriétaire de la forêt et poussés par la nécessité, les hommes y exercent des usages abusifs à tel point que l’on peut parler de destruction au lieu d’exploitation.

         Les observations récentes et les témoignages de personnes âgées permettent de retracer l’évolution des  déprédations opérées sur la forèt originelle.

2.     Destruction    de    la   forêt  de  chêne

          L’homme dispose pour cette besogne de deux armes complémentaires : la hache-pioche et la chèvre. En effet, la forêt est pour lui une réserve de bois et un pâturage.

          Le processus de destruction serait le suivant depuis un siècle environ :

          A l’origine, la forêt se présente comme une futaie épaisse les villages en sont à la lisière. Les habitants ébranchent les arbres pour se procurer du bois de chauffage et des supports pour leurs vignes. Ils y mènent leurs chèvres qui broutent en premier lieu l’herbe du sous-bois, herbe verte, semble-t-il, même  en été

          Les déprédations restent peu importantes, la population étant faible.

          Au cours d’un deuxième  stade, l’évolution précédente  s’accélère au fur  et à mesure que la population augmente :

     -L’ébranchage se poursuit de plus en plus loin des villages.

             - Les troncs épargnés jusqu’alors sont attaqués à leur tour, car les bûches qui en proviennent flambent lentement et chauffent beaucoup.

           Des rejets poussent sur les souches et réussissent à former un taillis quand ils ne sont pas broutés par les chèvres. Si les troupeaux les visitent trop souvent, ils deviennent rabougris.

           Au terme de ce stade, la forêt présente trois étages  d’aval en amont :

. Des buissons rabougris au voisinage des villages ;

. Un taillis de plus en plus épais à mesure qu’on s’en éloigne ;

. De véritables arbres enfin plus ou moins mutilés suivent leur distance

          Parallèlement à cette exploitation menée par les habitants ; une déforestation  plus grave, parce qu’officielle, est entreprise à partir du versant sud de

la Montagne

, après l’implantation de la colonisation : des pans entiers de la forêt sont détruits par des équipes de charbonniers.

          Pendant un troisième stade, il se produit une translation  des étages cités, vers l’amont, mais le dernier ne peut que se rétrécir du fait de l’exploitation  «  scientifique » en vue de la fabrication du charbon. Au cœur de

la Montagne

, on ne trouve plus que quelques troncs dressant vers le ciel leurs moignons nus.

           Pour avoir du combustible qui « maintient » le feu, on se met à rechercher ces vieux  troncs, mais ce qui sera lourd de conséquences, on s’attaque surtout aux buissons rabougris. Ceux-ci sont déchaussés après que les pluies d’automne aient ramolli la terre, on arrache alors les vieilles souches, et les racines ; le terrain ne peut être mieux préparé pour le déchaînement de l’érosion.   

         Le bois ordinaire vient du taillis. Les hommes rasent quelques buissons choisissent les meilleurs des jeunes arbres, en font des fagots qu’ils chargent ensuite sur leurs ânes ; ils reviennent quelques jours après pour chercher les plus fins devenus secs entre-temps. Le bois provenant du taillis est vite brûlé, de grosses quantités sont nécessaires pour chaque foyer.

                 Le quatrième stade caractérise la période contemporaine (en gros l’après-guerre 39-45). Les déprédations de toutes sortes se sont aggravées. Ceci est rendu possible non seulement par l’accroissement démographique, mais aussi par la multiplication des feux après l’éclatement des familles patriarcales en un grand nombre de ménages.

        Longtemps dédaignées, les dernières carasses de chênes, les plus noueuses et les plus éloignées, sont débitées au coin et à la masse par de véritables « spécialistes ».

         Sur toute la montagne prédominent désormais des buissons suffisamment bas pour constituer la pâture normale pour les chèvres. En effet, les troupeaux trouvent peu d’herbe, sa pousse étant presque impossible sur le sol régulièrement» piétiné, quand il n’est pas emporté par les eaux.

          Le paysage actuel de

la Montagne

se présente sous l’aspect d’une forêt de buissons plus rapprochés et plus vigoureux à mesure qu’on va vers l’Est et  le sud : à l’Est, par ce que la population riveraine est peu dense au sud parce que qu’on s’éloigne des villages (fig. . 9)

          Si le chêne conserve partout une prépondérance écrasante, on le trouve associé au genévrier, lui aussi à l’état de buissons, à des touffes de diss et à des genêts épineux.

          Ce qui reste de la forêt  se régénère lentement, à la faveur de la diminution de la population. En outre, les habitants vont de moins en moins chercher du bois par suite de l’utilisation de réchauds à pétrole, et même de fourneaux à gaz.

         Il faut se garder  d’être trop optimiste, les troupeaux continuent à fréquenter

la Montagne

, et les dégâts sont tels, que celle-ci ne retrouvera jamais sa couverture primitive ; aux environs de Guenzet en particulier, la forêt a totalement disparu. Ailleurs, elle n’est pas continue, des clairières s’y ouvrent, ensemencées autrefois en céréales, plus ou moins abandonnées aujourd’hui.

3. L

a    Forêt    d e    Pin

La forêt de pin mérite mieux son nom. On la rencontre sur la partie occidentale de la montagne et sur les pentes de Tilla (fig. .10)

A l’Ouest de guenzet, elle est  conservée parce que la population des villages est peu nombreuse. De plus, sa reconstitution n’est pas entravée par les chèvres; ces animaux n’apprécient guère  les rameaux du résineux. Elle doit aussi sa survie au dédain dont est l’objet le pin. Les habitants préfèrent pour leur chauffage le noble bois de ballout (chêne. Malheureusement, les fabricants d’huile n’ont pas de possibilité de choix : seul ce conifère peut leur fournir les grosses bûches dont ils ont besoin pour chauffer leurs moulins. C’est ainsi que cette forêt a reculé-elle aussi.

Longtemps préservée de l’incendie, grâce à sa fragmentation par les défrichements et les escarpements rocheux, elle en est durement atteinte pendant la guerre. Le secteur le plus dense n’a pas résisté aux bombes incendiaires larguées par les avions : il a flambé comme la forêt  de Tilla.

Avant son incendie en 1957, cette forêt était la plus belle de la région. Son épaisse futaie de chênes et surtout de pins était protégée de l’homme par son éloignement. Elle se régénère lentement maintenant.

Outre le bois et les possibilités de pacage, la forêt offre à l’homme de menus produits. Le pin donne son écorce, un peu de résine et de goudron et des grains comestibles.

On utilise l’écorce de la racine du chêne pour tanner les peaux à eau et ses glands pour la nourriture du bétail.

V.                                  L’ELEVAGE

Les Ait Yala sont un pays d’arboriculteurs, mais pour tirer un meilleur parti de leur terre, les hommes ne négligent aucune ressource, en particulier l’élevage.

Faute de place, et par conséquent de nourriture, celui- ci tient une place modeste. Il est pourtant remarquablement intégré à la culture.

On élève le bétail pour ses productions ( chèvres ) et pour le travail fourni ( ânes et mulets).

1.                              Les chèvres 

« Pour nous, écrivait Mouloud Feraoun, la chèvre n’est pas la vache du pauvre, mais celle de tout le monde.

Aussi, les chèvres sont les animaux les plus nombreux. Chaque famille en possède de deux à quatre, rarement plus. Le troupeau n’est pas excessif, il n’y a qu’une chèvre pour trois habitants. L’élevage caprin est limité par la difficulté de trouver une nourriture suffisante pour les bêtes.

a/.     Nourriture difficile à trouver :

   Les chèvres passent la journée à la montagne. Un berger rassemble les bêtes de village et les emmène paître tous les jours du  matin jusqu’au soir. ( Les bergers des villages chaleurs de midi ). Le problème de la nourriture se pose donc Quand les chèvres sont à la maison.

-      Au printemps, les habitants sarclent soigneusement les céréales et même l’herbe. Toutes les plantes qui ne donnent pas de foin, comme les marguerites, les pissenlits et les laiterons, sont cueillies pour  elles. Les femmes en remplissent des hottes qu’elles transportent sur le dos.

-      On leur ramasse en été les figues tombées avant maturité, les rejetons et les rameaux en surnombre. C’est pendant cette saison que les possesseurs de  «  fourrage aérien » coupent des branches de frêne de d’ormeau pour les leur donner.

    

-      En automne, les feuilles de figuier, fraîches ou sèches, sont le menu  ordinaire des chèvres.

-      Le foin ramassé au jardin leur est distribué en hiver, en particulier pendant le mois de stabulation imposé par la neige. C’est à ce moment qu’elles mettent bas, pour pouvoir reprendre le chemin de

la Montagne

dès la fonte des neiges. Pendant leur convalescence, les femmes les nourrissent d’un peu d’orge ou de son enduits d’huile et chauffés.   

b/.        Productions insuffisantes :

Dans chaque village, la reproduction est assurée par deux ou trois boucs collectifs achetés au début de Septembre et revendus quelques semaines après. On ne cherche pas à améliorer une race pourtant médiocre. Que donnent, en effet, les chèvres des Ait Yala ?

Elles offrent la viande de leurs chevreaux qu’on ne garde pas faute de pouvoir les entretenir. Elles fournissent le poil avec lequel sont fabriquées les cordes et les peaux qui servent à transporter l’eau et l’huile.

Les chèvres sont appréciées surtout pour leur lait, un lait rare pourtant. Une chèvre en donne à peu prés un demi-litre par jour durant le printemps. Le liquide est amassé par la ménagère ; au  bout d’une semaine, elle le bat dans une peau de mouton gonflée ou dans une calebasse ; le beurre est salé et conservé … dans un bocal ; le babeurre sert à accompagner la galette.

A partir du mois de juin, les femmes n’arrivent à traire qu’une tasse par chèvre. Le lait est versé alors dans la sauce, on l’offre aussi aux bébé et aux malades appartenant ou non à la famille.

Les foyers sans chèvres sont très rares. Pour les vieilles femmes vivant seules, ces bêtes sont de fidèles compagnes qu’on entoure alors de soins affectueux.

Qu’importe si elles donnent peu ? Comme dans la culture, on vise moins la quantité que la variété des produits. Outre le poil, la viande et le lait, les chèvres donnent régulièrement leur fumier, ce qui n’est pas négligeable. Même le crottin répandu sur les chemins et le lieu de rassemblement du troupeau est ramassé.

                            Il est curieux de constater ce « partage de responsabilités » tout ce qui est en rapport avec l’élevage des chèvres relève des femmes les hommes détiennent la compétence exclusive sur tout ce qui intéresse les ânes et les mulets.

Les    ânes     et   les    mulets

    a/ un « mal nécessaire » :

            L’élvage des ânes et des mulets est pour reprendre une paraphrase célèbre « un mal nécessaire »

             C’est d’abord un mal parce que le problème de la nourriture se pose d’une manière angoissante. Il est nécessaire parce que ces animaux sont de précieux auxiliaires pour nos montagnards.

            L’âne et le mulet mangent ce que les chèvres délaissent ; mais leur nourriture ordinaire reste la paille ; importée de l’extérieur. On leur donne un peu d’orge ; un litre par jour le premier ; deux : pour le seconde. Le grain est mis dans une sacoche attaché au cou de l’animal,  lequel plonge son museau et mange intégralement sa ration

                Il leur arrive de paître aux champs ; on les surveille alors afin qu’ils n’opèrent pas de déprédation.

              Comme leur propriétaire ? Ils sont généralement sous alimentés l’âne ne dédaigne ni le chardon du bord des chemins appelle non sans raison «  l’épine de l’âne », ni même les excréments ; pour compléter son ordinaire.

           La difficulté de nourrir leur bétail interdit aux kabyles d’élever (au sens  étroit du terme ) ces équidés. L’espèce mulassière est importée du pays arabophone a l’âge du travail ; on y achète également des ânes adultes ; a l’exclusion des ânesses qui risqueraient de mettre bas dans un pays où leur progéniture n’aurait pas sa place.

Toujours pour l’; même raison les mulets sont quatre fois moins nombreux que les ânes  plus exigeant en nourriture ; Ils rendent en revanche de plus grands services ; seuls les  gens aisés et les véritables paysans  en possèdent.   

b/ des animaux adaptés au pays :

               Leur forces leur endurance et la sûreté de leur pied sont les qualités les plus appréciées.

L’âne et le mulet sont les » moyens de transport »  du montagnard.

             Ce sont eux qui ramènent les fagots de bois coupé dans la montagne. C’est sur leur dos qu ‘on charge les fruits et l’huile pour les échanges contre du grain. Le mulet peut transporter pendant plusieurs heures un bissac pouvant dépasser 8 mesures de blés et l’âne ne ploie sous un quintal, de grain.  Les  choouaris (  couffins ; jumelés ) contenant du fumier ou des, récoltes du jardin et les fûts d’eau ne fatiguent pas nos animaux ; au contraire c’est avec peine qu’ils remontent du Sahel avec des charges d’olives.

             Pour circuler sur les nombreux sentiers crés simplement par les passages répétés, les  ânes et surtout le mulet sont des montures idéales.

             Les mulets sont utilisés pour les labours ; mais l’attelage des ânes et à plus forte raison l’attelage bariolé reste  de mauvais goût.

                 Quand on possède un âne ou un  mulet, on arrive à fumer convenablement son jardin irrigué. Le fumier est activement recherché,  les chemins en sont vite débarrassés. Il n’est pas utilisé seulement pour la fertilisation du sol ; il entre dans la composition de l’enduit de terre dont les femmes recouvrent les murs et les parterres des maisons.

                   Avec le déclin de l’agriculture et du genre de vie traditionnel  le nombre de solipèdes a considérablement diminué. Il y a vingt ans, presque chaque famille possédait un âne ou un mulet ; aujourd’hui on ne rencontre guère qu’un âne pour  10 personnes environ ; l’espèce mulassière déjà peu représentée, est décimée en 1966 par la peste.

3. L’élevage     secondaire

a /. Ovins   et  bovins :

                   Dans le troupeau villageois, quelques brebis partagent les conditions d’existence des chèvres ; elles prennent  vite, semble-t-il, l’habitude d’apprécier la végétation arbusive. Les moutons achetés pour  la fête sont élevés quelques jours seulement

                  Les peaux ovines sont transformées en outres à grain, en barattes et en tapis de sol pour les moulins à bras.

                  

                   L’élevage bovin est encore insignifiant. Les rares vaches de la région se rencontrent chez les cultivateurs disposant d’un peu plus d’argent et de place (proximité de la forêt). Les individus sont découragés par le « mauvais  œil » et les incessantes demandes émanant des voisins ; le propriétaire d’une vache se croit obligé de leur donner de la bouse pour fertiliser leur ligne de courges, du lait pour leurs malades, du beurre pour de multiples emplois.

b/.   Le   petit    élevage :

                   Le petit élevage n’est pas négligeable ; c’est une source appréciable de protéines pour des gens qui achètent rarement de la viande.

                   Beaucoup de familles possèdent des lapins, et toutes élèvent des poules. Ces animaux sont tués dans des circonstances particulières telles la visite d’un parent, le retour d’un émigré, un jour de marché quand tous les voisins ont acheté de la viande.

                   Outre leur chair, les poules sont élevées pour leurs œufs qui sont l’objet d’un trafic intense de la part des femmes ; elles les portent dans leur corsage pour les offrir à l’occasion  d’un événement quelconque. Comme ces « dons » se compensent, tous les habitants finissent par consommer quelques œufs …provenant d’un élevage autre que leur. « Elevage » est un terme trop fort ; en fait, les poules sont chassées dehors toute la journée ; ce n’est qu’à leur retour que les femmes leur jettent une poignée de grains.

                   Les volailles autres que les poules restent des curiosités.

L’apiculture était assez répandue autrefois ; il ne subsiste que quelques ruches.

                   Ainsi confinée dans un terroir exigu et peu fertile, la population des Ait Yala n’arrive à tirer d’une agriculture complexe que des profits insuffisants. Alors se pose le problème de la lutte pour la survie.

               

                     Troisième       Partie


                    I. 

La     Lutte

         pour         la         survie


          

      

     Ne retrouvons pas de ressources suffisantes sur place, les ait yala sont obligés de rechercher hors de chez eux tout ce qu’il leur manque, c’est à dire l’essentiel : les céréales.

                         Leur dépendance vis à vis de l’extérieur date de plusieurs générations.  Les hommes sortaient d’abord pour rapporter un complément de ressources, la population se contentant d’un niveau de vie très bas.

                          Sous la pression démographique, on n’était même pas assuré de satisfaire les besoins pourtant frustes, les hommes entreprirent alors d’émigrer, tandis que leur famille restait « au pays » après une absence assez brève, ils rentraient avec un petit pécule amassé au prix  de grandes privations.

                          Progressivement, de masculine et temporaire, l’émigration devenait familiale et définitive.

 

                           Il ne s’agit là que d’une évolution globale. En réalité, cernés de près, ces phénomènes  se chevauchent souvent.

I  LES DIFFICULTES DE

LA VIE EN

AUTO-SUBSISTANCE

                         La vie traditionnelle en auto-subsistance a prévalu depuis des temps immémoriaux jusqu’en 1920 environ. Nous allons étudier ses aspects non pas pour des préoccupations historiques, mais plutôt, d’abord parce que beaucoup de ses caractères demeurent encore ; ensuite nous ne pouvons expliquer l’ampleur de l’émigration sans brosser le noir tableau d’un passé récent : population trop nombreuse, besoins limités faute de ressources, et surtout manque de céréales.

1.     surpopulation chronique

                            La situation de sous-développement, caractérisée par une croissance démographique plus rapide que l’augmentation des ressources, est atteinte dès avant 1900. Au siècle dernier régnait encore l’équilibre de misère, les hommes comptaient presque exclusivement sur les ressources locales, mais vivaient continuellement au bord de la famine.

a/. La courbe démographique :

                              

                              Ce qui frappe le plus quand on dépouille les recensements successifs de la population, c’est de trouver à des dates anciennes des chiffres élevés (fig.11).

                              Au recensement de 1891, l’on enregistre déjà 11.737 habitants, soit une densité de 91h/km2, densité qui devient 168 si on ne considère que la superficie cultivée. Cela est énorme pour un terroir déclive et des sols peu fertiles.

                              Modéré jusqu’en 1921, l’accroissement s’accélérée ensuite. En 1936, la population est évaluée  à 19.130 h, le plus haut chiffre jamais atteint par un recensement local. 

                            Il est probable que la population ait compté plus à la veille de

la Deuxième Guerre.

Quoi qu’il en soit, la courbe subit une chute vertigineuse entre le recensement de 1936 et celui de 1948. Apres une reprise de courte durée, elle s’effondre de nouveau.De 15.960 h en 1954, la population est descendue à 8.591 en 1966.

b/. Analyse de la courbe :

                             De 1891 à 1921, la population des douars- commune de harbil et d’ikhlidjene a gagné 25%, et celle de l’Algérie ( autochtones) 37%. Ce faible accroissement est du à la dureté des conditions d’existence : les ressources locales étaient insuffisantes et les apports de l’extérieur ne comptaient pas beaucoup, les hommes émigrés étant peu nombreux.

                              On peu parler à juste titre d’un emballement de la courbe pendant l’entre- deux – guerres. Cette fois ce sont les Ait Yala qui enregistrent une plus forte augmentation : 30% entre 1921 et 1936, contre seulement 26 pour la population autochtone de l’Algérie.

                               Ceci s’explique sans doute par une relative aisance, de nombreux émigrants temporaires envoyaient ou ramenaient avec eux une grande partie de leurs économies qui servaient à acheter des céréale en premier lieu.

                                La population a fortement diminué de 1936 à 1948, par suite de la disette et des épidémies de variole et de typhus qui s’étaient abattues en 1945-46.

                                Coupée de l’extérieur, la région n’était pas en mesure de se ravitailler normalement. A titre de comparaison, la population de Zemoura et d’Ouled Taier, douars- communes situés au sud de

la Montagne

, n’a pas varié de beaucoup entre 1936 et 1948, par contre, celle des Ait Yala a accusé une baisse de 21%. La crise a donc été beaucoup moins ressentie dans le pays céréalier.

                                 Entre 1948 et 1954, l’accroissement a été stimulé par une baisse de la mortalité infantile. Les conditions d’existence étaient devenues meilleures, les mandats et les allocations affluaient, le ravitaillement était assuré par des camions ; enfin, les mesures d’hygiène s’étaient multipliées.

                                 La reprise enregistrée était pourtant sans ampleur : 5,1% d’augmentation seulement contre 9,4 et 18% pour Zemoura et Ouled Taier. Il ne pouvait en être autrement, les séquelles de la crise n’avaient pas disparu et l’émigration familiale devenait de plus en plus importante.

                                  De 1954 à nos jours, la population a fortement diminué la région a perdu la moitié de ses habitants en moins de dix ans. En principe, ceux-ci ont fui la répression. Les hommes ont quitté en fait leurs villages pour des raisons plus profondes : leur terre a cessé de les nourrir depuis des dizaines d’années.La guerre n’a fait que précipiter un mouvement inéluctable : l’émigration ne s’est-elle pas poursuivie après le retour de la paix ?

                                On pourrait se demander pourquoi les habitants n’ont-ils pas déserté plus tôt leurs villages. Ce serait comprendre mal leur profond attachement à la terre ancestrale ; ce n’est qu’après avoir épuisé tous les artifices dont ils sont capables pour survivre en auto-subsistance que les hommes se sont résignés au départ.

2.       Les     besoins    frustes  et   l’autarcie

                                  Nous nous proposons de décrire le mode de vie  des habitants en faisant le plus possible abstraction des changements intervenus durant les dernières décennies.

a/. Une Frugalité Forcée :

                                  Les familles, régies par la structure économique et sociale traditionnelle, se préoccupent de satisfaire essentiellement le besoin le plus élémentaire : la nourriture. En temps normal, elles disposent de deux repas.

                                   Le déjeuner comporte la galette confectionnée à la maison avec de la farine, d’orge autrefois, de blé depuis 1950 environ. Elle est mangée trempée morceau par morceau dans l’huile d’olive.Pour économiser celle-ci, ou simplement pour varier le «  menu «  , les familles prennent avec leur galette, différents «  plats » suivant les saisons.

                             On est le plus heureux en été, quand on possède des légumes. On confectionne alors une sorte de ratatouille faite avec des piments piquants et des tomates, on prépare aussi des haricots ou des courges dans une sauce abondante. Au printemps, le babeurre, les oignons crus et les herbes comestibles qu’on fait cuire sont les éléments qu’on trouve le plus couramment pour accompagner sa galette.

                               Au dîner, on consomme du couscous ou des préparations à base de farine ; elles sont toujours diluées dans un bouillon abondant, sans doute pour tromper la faim.Ce qui reste du dîner est réchauffé le lendemain pour être servi au petit déjeuner.

                                Les familles mangent plus souvent le coucous quand elles ont à leur disposition des fèves sèches et des navets en hiver, des fèves vertes et des cardons au printemps, enfin des haricots verts et des courges en été. Les plats qui demandent pour leur préparation des dattes écrasées, du lait ou des œufs ne sont consommés qu’occasionnellement.

                                Les chefs de famille prennent des mesures d’austérité des qu’ils rencontrent quelque difficulté, ce qui arrive assez souvent.

                                La galette est rationnée ;  chaque membre reçoit  un quart de l’unité.  Les vieilles. Distribuent parcimonieusement à leurs belles- filles les denrées nécessaires pour faire la cuisine. On supprime des repas ; on remplace certains ; soit par une poignée de figues, soit par une farine d’orge ou de caroubes grillées, diluée dans de l’eau.

                                 

                                  Les gens doivent se contenter de la lie du  fond des jarres et de figues peu présentables, l’huile et les meilleures figues sont réservés pour l’échange. Les glands grillés ou cuite dans certaines préparations sont appréciées en hiver.

                                  Aux époques de grave disette, on mélange à la farine d’orge, d’indigestes tubercules d’arum «  avqouq «  ou des carottes sauvages «  tarlghoudha «  préalablement séchées et écrasées.

                                   Beaucoup de produit apparaisse superflus à cette population continuellement tiraillée par la faim. S’il est vrai qu’on peut se passer de certains, la carence de quelques-uns uns peut entraîner de graves conséquences.

                                  Plus que de légumes frais et de fruits (source de vitamines ) qu’ils consomment irrégulièrement, les hommes souffrent de l’insuffisance de protéines.Ils ne consomment les œufs que dans des circonstances exceptionnelles. Faute d’argent, ils achètent rarement de la viande. Heureusement, tous les gens en mangent au moins une dizaine de fois par an, à l’occasion des fêtes.Quand celles-ci s’espacent, les membres de la djemaa décident d’un commun accord, l’achat de quelques bêtes, la viande est répartie proportionnellement entre tous les feux du village.

Les hommes, en particulier les émigrant rentrés de fraîche date, ramènent souvent, les jours de marché, des chapelets de viande ; les moins fortunés tuent alors une poule ou un lapin pour sauver les apparences.

Ainsi, les besoins alimentaires sont incomplètement satisfaits tant au point de vue quantitatif que qualitatif.

b/. Les besoins vestimentaires :

Les besoins vestimentaires sont encore plus réduits, mais un minimum est nécessaire.

Le vêtement masculin le plus simple, et le plus ancien probablement, c’est la gandoura.au travail, les hommes la serrent à la taille  comme leurs ancêtres, les cavaliers maures représentés sur la colonne de  Trajan. Une chemise sans col  leur sert de sous-vêtement. Ils portent un pantalon intermédiaire entre le pantalon européen et le « sarouel » bouffant des citadins. Si ce dernier vêtement manque parfois à quelques hommes, tous possèdent un burnous en laine, tissé à la maison. Plus qu’un vêtement chaud, il est tout aussi un sac de couchage pendant le voyage, ses pans servent de couffins : on y enveloppe de l’herbe, des légumes et même du fumier ; le capuchon devient un filet quand le paysan va au marché.

Les hommes se coiffent d’une calotte rouge (à l’origine tout au moins), et d’un turban blanc enroulé autour de celle-ci.

Les chaussures sont souvent rudimentaires, au travail en particulier et en hiver, les paysans  enroulent des chiffons autour de leurs pieds et chaussent ensuite des rectangles de peau de bœuf ; des lacets en alfa en rapprochent les bords et retiennent les chiffons sur les jambes. De hauts sabots de bois sont également usités en hiver. Les semelles  en pneu retenues aux pieds par des lanières sont chaussées plutôt en été.

La robe féminine ne se distingue de la gandoura que par la richesse de son coloris. En hiver, les femmes portent en plus deux  pièces rectangulaires accrochées par des fibules au niveau des épaules ; la pièce de derrière, en laine, est tissée à la maison, celle de devant  est décorée de rubans. A la différence de leur partenaire, les femmes serrent toujours leurs habits avec une  ceinture faite de fils de laine ( tisfifine ). Leur coiffure consiste en un simple foulard pour les jeunes tandis que les plus âgées portent un turban recouvert par un voile débordant sur les épaules.

Comme les enfants, les femmes marchent presque toujours pieds nus, que les chemins soient boueux ou couvert par une poudre brûlante.

   D ‘une façon générale, les familles ne disposent pas d’habits de rechange, et les vêtements rapiécés sont assez courant. Lors des années difficiles, on n’achète aucun tissu, hommes et femmes se contentent alors de grossières gandouras tissées à la maison, et encore quand on trouve de la laine en quantité suffisante.

c / Les limites de l’autarcie :

On s’efforce de produire sur place tous les biens de consommation. Chaque famille doit fabriquer elle–même la plupart des objets d’usage courant. Les couvertures et les burnous sont tissés à la maison on y prépare les peaux de différentes façons suivent qu’elles se destinent à l’huile, à l’eau et au grain.Ces travaux  sont souvent exécutés par les femmes qui fabriquent aussi les poteries et les cordes, et crépissent la maison.

Le travail de l’alfa et du bois, la vannerie, la réparation des outils et l’entretien de la maison sont du ressort des hommes.

Quoi que l’on fasse, on est obligé d’acheter certains produits et faire face à des dépenses diverses. Il faut payer le berger et le cheikh de la mosquée. Les impôts et les amendes infligées par le garde forestier, les frais de voyage aux lointain chef–lieux administratifs, grèvent aussi le modeste budget des paysans.

Ces charges sont d’autant plus lourdes que la monnaie est rare, si rare que les femmes par exemple pour allumer leur feu, s’en vont chercher des braises chez leurs voisines, elles évitent ainsi le « gaspillage » d’une allumette.

On peut certes se passer d’allumettes, mais pas d’orge et de blé. La charge la plus lourde et la plus impérieuse reste donc le ravitaillement en céréales que le terroir ne produit pas.

3.       Le  problème   d e s   céréales

Les voyageurs qui visitent les Ait yala sont étonnés en remarquant la grande densité des villages et l’absence de moissons. La question qu’ils posent est invariablement la même : « de quoi vivent les habitants ? ». En effet, nous venons de le voir, les villageois se nourrissent de leurs fruits, mai surtout de céréales.

Les vergers de figuiers ensemencés en orge une année sur deux ne produisent même pas la consommation d’un trimestre. Le problème des céréales se pose donc avec une acuité continuelle. L’approvisionnement en grain est si aléatoire que les paysans gardent soigneusement des réserves dans leurs «  akoufi ».

L’essentiel des céréales consommées aux Ait Yala, provient du pays arabophone voisin. Les hommes se les procurent en y offrant en échange les produits de leur pays. Pratiquée largement avant les débuts de l’émigration, cette activité appelée « achied » n’a pas totalement disparu de nos jours.

a/. Le    Troc:

L ‘entreprise est souvent difficile, voire périlleuse.Il faut parcourir plusieurs dizaines de kilomètre derrière son âne ou son mulet  affronter le froid et la pluie, la chaleur est crainte encore plus : les fruits se gâtent assez vite. Aux adversités de la nature, s’ajoute le danger que présente la traversée de la forêt  les embuscades de brigands sont toujours possibles. Les chemins du sud passent par des lieux dont le nom ne laisse pas de provoquer des frissons : El Ainser Ouzlou ou source de l’Egorgement, Tizi Nskine ou col du sabre. Les troqueurs partent en groupe, armés discrètement

Ces expéditions ont lieu en toutes saisons. Les arabophones disposent toujours de surplus de céréales, mais ne cultivent  à peu prés rien d’autre les « oncles kabyles » peuvent leur fournir une gamme variée de leurs produits. Tous les fruits de leur terre sont soigneusement gardés pour les besoins de l’échange, il arrive même qu’on n’en goûte même pas.

Pour se procurer blé et orge, les Ait Yala offrent n’importe quoi : de la résine, du goudron, du tanin, de l’écorce de pin, etc. Mais surtout des fruits et de l’huile.

De juillet à  Novembre, ils chargent dans des fûts en roseau, au fur et à mesure qu’ils mûrissent, des abricots, des bakors et des prunes, ensuite des pommes, des poires et des figues fraîches, enfin du raisin, des grenades et des azeroles.

Le reste de l’année, ils choisissent les temps morts pour reprendre le chemin de la « qibla » (sud–est). Ceci est possible : les figues sèches attendent dans les « akoufi », et l’huile dans les jarres. C’est le troc de ces deux denrées qui rapportent le plus ; d’abord perce qu’on en dispose de notables quantités,  ensuite ces produits peu périssables peuvent être transportés sur de grandes distances. Les troqueurs se permettent donc d’être exigeants ; quand les prix ne leur conviennent pas, ils conduisent leurs ânes plus loin, car le temps et la distance n’entrent jamais en ligne de compte pour déterminer la rentabilité de leur activité.

Qu’en leur coûte-il du reste ? Ils se nourrissent d’un morceau de galette et d’une poignée de figues, ils se couchent un peu partout, à la belle étoile, dans une mosquée ou chez quelque « ami ». En effet les Ait Yala savent nouer de bonnes relations sur leurs itinéraires, ce qui leur  permet de trouver un  gîte et de la nourriture pour eux et pour leurs bêtes, un relais surtout pour entreposer leurs grains s’ils ont amassé plus que ne peut transporter leur bête.

Pour rapporter plus de céréales, rien n’est négligé. Toujours en faisant fi de la distance et du temps, les troqueurs étendent leur champ d’action et se muent  parfois en véritables commerçants. On les voit partir chercher des figues et surtout de l’huile à bon marché de

la Soummam

pour les échanger ensuite ou les revendre à un meilleur prix dans les plaines céréalières de Setif.

b/. Les activités secondaires :

Elles sont de deux sortes : celles qui se sont greffées sur le troc et que pratiquement beaucoup d’hommes, puis les activités plus stables qui sont le privilège d’un nombre restreint de personnes. On ne vise dans les deux cas aucun but lucratif. Chacun n’a en vue que la satisfaction des besoins primaires e sa famille.

Les troqueurs qui n’arrivent pas à amasser une quantité suffisante de grain, et ceux qui veulent que leurs tournées dans le pays arabophone soient plus profitables, se livrent à d’autres activités.

Certains aident à la moisson. D’autres arrivent à acquérir du prestige par leur « savoir », ils exploitent alors la crédulité et l’ignorance des gens en écrivant des amulettes et en proposant des philtres. Les plus honnêtes exercent la fonction de cheikh : ils enseignent le coran et dirigent la prière chez de riches propriétaires. Moins dignes, quelques-uns uns se font meddahs ( sorte de troubadours ), ils n’hésitent pas à chanter et à danser loin des regards de leurs concitoyens.

A force de parcourir les vastes moissons des Hautes Plaines, les Ait Yala ont fini par réaliser que la possession de terres à céréales n’est pas impossible. Un certain nombre d’entre’eux ont réussi à amasser des économies et acheter des champs qu’ils font travailler par les hommes du cru ou qu’ils exploitent eux –même.

    Ceux à qui la fortune n’a pas souri, continuent à troquer, mais à cause de la pression démographique, n’échangent pas que les productions de leur jardin, devenues insuffisantes, ils « prennent » aussi les fruits et l’huile de leurs voisins. Quand il n’y a plus rien à échanger, ils vont cette fois au pays arabophone pour acheter de la laine, des bêtes, mais surtout du blé et de l’orge qu’ils revendent avec bénéfice aux  familles des émigrants et aux hommes exerçant une activité régulière.

   Les hommes possédant un métier rémunéré sont peu nombreux Dans chaque village, on rencontre un cheikh et un berger au moins. Les fonctionnaires sont représentés par les instituteurs, le personnel administratif et les postiers, au total une cinquantaine d’individus, résidant pour la plupart à Titest et surtout à Guenzet.

  Une centaine de familles au maximum tirent une partie de leurs ressources  ( l’autre provenant de l’agriculture ) des activités «  industrie »et commerciales.Ce sont les propriétaires des moulins à huile, les boutiquiers et les cafetiers presque tous ressemblés à Guenzet, les meuniers dont les  « établissements » s’implantent le long de « tacift », les forgerons qui façonnent les outils et ferrent les mulets et les ânes, les laboureurs, quelques  menuisiers et cordonniers, enfin de rares teinturiers et fabricants de tuiles.

La population des Ait Yala étouffait dans un pays qui produisait très peu de céréales et de moins en moins de fruits à échanger. Les possibilités d’emploi sur place n’existaient pas. La survie devenait difficile ; force était donc de trouver d’autres moyens de subsistance.

Les hommes, habitués déjà à s’absenter pour aller troquer, entreprirent de partir travailler loin de leurs villages pour rapporter de quoi faire vivre leurs familles, ce fut le début de l’émigratio

II. LES      REMEDES     :      L’EMIGRATION

La population autochtone de l’Algérie a presque quadruplé de 1892 à 1966. Celle des Ait Yala atteindrait 40.000 habitants si elle avait connu le même taux d’accroissement.Nous savons par contre qu’elle a diminué.Cette régression s’explique par  l’émigration, émigration qui a profondément marqué le genre de vie, les mœurs et les coutumes ; le paysage même dans une certaine mesure.

I. Les    Facteurs    Favorable 

Nous n’allons pas rechercher les causes de l’émigration qui sont évidentes : le surpeuplement et la pauvreté de la région ; elles transparaissent suffisamment dans ce qui précède. Voyons simplement quels en sont les stimulants. Trois facteurs à notre avis ont favorisé l’émigration : l’instruction, la route et l’émigration elle – même

      

L’instruction :

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce sont les hommes les plus instruits qui montrent la plus grande propension à partir travailler hors de chez eux.Ils sont embauchés plus facilement et ne craignent pas de subir les vexations comme leurs concitoyens ignorants, en outre, ils trouvent à  s‘employer en Algérie.

Poussés au début par la nécessité, les hommes évolués repartent souvent pour assurer à leur famille un niveau de vie décent, ils se désintéressent donc les premiers du travail ingrat de la terre.

Or, la population des douar–communes de Harbil et d’Ikhlijen  disposant depuis longtemps d’une trentaine de classes, passait pour être privilégiée au point de vue scolaire. On peut estimer à plus de la moitié le nombre des hommes sachant lire et écrire le Français en 1954  Pour apprécier le relatif avantage des Ait Yala, il faut se rappeler qu’à la même date, 85 % des Algériens étaient des analphabètes.

En outre, la plupart des hommes lisent et écrivent l’Arabe grâce à la présence de nombreuses écoles coraniques.

La route :

Une route construite lors de

la Première Guerre

Mondiale, dessert la région. La plupart des villages en sont à proximité. Un service régulier de cars assure la liaison entre Setif et Guenzet. Des taxis transportent continuellement des partants et des arrivants soit entre Setif et les Ait Yala, soit entre cette région et Alger.

La route taillée à travers

la Montagne

lors de

la Guerre

de Libération raccourcit considérablement la distance entre Alger et Guenzet (Fig.7).

L’émigration :

L’émigration appelle l’émigration de deux façons :

1°. Les enfants habitués à voir partir leurs pères trouvent tout à fait normal de suivre leur exemple une fois devenus grands.Les récits d’émigrants rentrés au village les font rêver, mais les initient à la vie citadine. 

2° . Ce sont les émigrés qui envoient l’argent du voyage aux candidats à l’exil ; ils leur cherchent aussi du travail et les hébergent à leur arrivée.

L’émigration n’a pas gardé les mêmes caractères des origines jusqu'à  nos jours. Elle était peu importante avant

la Première Guerre

mondiale. Elle n’a pas cessé de se développer à partir de 1920, mais jusqu’en 1954 elle est restée plutôt temporaire et masculine. Depuis le début de

la Guerre

de libération, le mouvement migratoire s’est accéléré et les hommes partent presque toujours avec leurs familles

2. L’ émigration       Traditionnalle

Sous sa forme la plus primitive, l’émigration et la nécessité pour les hommes de s’absenter de leurs villages rendant plusieurs jours. Les plus anciens troqueurs étaient donc déjà des émigrants en puissances.

On a dit depuis longtemps que les Kabyles vont plus chez les autres qu’on ne va chez eux. En fait, le besoin les pousse depuis plusieurs générations à chercher à l’extérieur une partie de leur subsistance.

Dans ce qu’on appelait au XIX ème siècle, à Constantine, le Fondouk des Beni Abbas, il n’y avait pas que ces derniers, des Ait Yala y apprêtaient également et vendaient des burnous. Les relations avec la capitale de l’Est semblent avoir été solidement nouées. Vers 1920 encore, des colporteurs fréquentaient cette ville ; ils logeaient dans des locaux appartenant à des concitoyens installés comme commerçants ; leur travail consistait à prendre des marchandises chez ces derniers et à les revendre dans les douars voisins. Ils opéraient également autour d’autres villes du constantinois.

De toute évidence, les colporteurs n’étaient pas aussi nombreux que les troqueurs, mais ils méritent beaucoup plus le nom d’émigrants, car ils séjournaient plusieurs mois hors de chez eux, le temps de s’y amasser un petit pécule pour pouvoir acheter quelques articles et surtout des céréales. Les sommes rapportées étaient si dérisoires qu’ils ne s’offraient même pas le luxe de rentrer dans leur village autrement qu’à pied. Cette émigration d’appoint était loin d’avoir l’importance et les conséquences que connaîtra l’émigration que nous qualifierons de classique.

3/.  L’ émigration   «  classique  » 

Cette émigration s’est développée rapidement après

la Première Guerre.

Elle est devenue peu à peu la première source de revenus. Et c’est l’agriculture qui tombe au rang d’activité marginale.

Au début, un seul membre de la famille émigre, ensuite le jeune homme part avec son frère, et le père avec son fils. Après la dislocation des familles patriarcales, les chefs des nouveaux ménages partent, travailler chacun pour son propre compte, et certain ne tardent pas à emmener leur épouse. Cependant, comme la première, cette émigration est généralement à temps et n’intéresse souvent que les hommes, Elle s’en distingue surtout ; cette fois les hommes partent nombreux et loin ils s’absentent plus longtemps.

A /. Les travailleurs en France :

Plus de la moitié des hommes émigrés vont louer leurs bras en France où ils trouvent de hauts salaires. Ils y travaillent pendant 10 à 15 ans ; mais reviennent  plusieurs fois dans l’intervalle. On les rencontre à Paris et dans sa banlieue, en Lorraine, à St Etienne, à Alès et dans le Nord.

Il y en avait en 1937  6.000 originaires de la commune mixte du Guergour qui comptait alors 93.000 habitants. En estimant la proportion égale pour les Ait Yala, ce qui est probablement au-dessous de la réalité, on y trouverait 1300 émigrants ( 1 pour 15 habitants ). Il n’y a là rien d’étonnant, la commune mixte de la soummam en comptait 1 pour 6, c’est à dire presque tous les hommes valides.

Seulement, à la différence de la soummam, les Ait Yala envoient beaucoup des leurs dans les villes d’Algérie. Ainsi, on comptait en 1954 dans l’agglomération algéroise 6627 natifs du Guergour contre seulement 3218 pour la soummam, plus peuplée pourtant.

b/. L’émigration intérieure :

              Elle diffère de l’émigration en France sur quelques points :

-      Les travailleurs partent pour une plus longue période, mais reviennent plus souvent dans leur village.

-      Ils emmènent volontiers leurs familles pour s’installer définitivement en ville. Ils gardent toutefois des liens étroits avec leur village ou ils reviennent passer leurs vacances.

-      Dans l’ensemble, ce sont les plus instruits, ils occupent par conséquent des emplois variés et stables.

Les Ait Yala passent à juste titre pour des «  lettrés» tant en arabe qu’en français.

Beaucoup sont des cheikhs, ils vont exercer leur sacerdoce un peu partout dans un rayon de

50 km

environ. Les magistrats originaires de la région se rencontrent dans plusieurs mahakmas d’Algérie.

                Les plus instruits en français sont instituteurs, postiers et employés de bureau dans le département actuel de setif notamment. On y trouve aussi plusieurs commerçants. Des Ait Yala ont travaillé dans les centres miniers comme le Kouif et Kenadsa.

                 La grosse majorité des émigrants est drainée par l’agglomération algéroise. Leurs occupations sont diverses, mais un grand nombre d’entr’ eux travaillent comme receveurs dans   les entreprises de transports urbains. Il arrive souvent que les hommes d’un même village se retrouvent chez le même employeur.Cela se comprend, chacun use de son influence pour faire embaucher des concitoyens. Par exemple, les émigrés de Timengache sont nombreux à l’Hôpital Mustapha, et les originaires de Tizi Mejver travaillent dans l’entreprise Vve cote.

Ces employés sont presque toujours rejoints par leurs familles sur les 6627 natifs de la commune mixte de Guergour recensés en 1954 dans l’agglomération algéroise, 3128 étaient de sexe féminin.

Le fait marquant depuis la fin de

la Deuxième Guerre

, c’est la fréquence de l’émigration féminine, même vers

la France

: les travailleurs originaires de Guergour emmenèrent leurs épouses en 1936, 50 déjà en 1948.

La tendance à l’émigration définitive amorcée avant 1954 va se généraliser pendant et après

la Guerre

de Libération.

4.   L’exode :

Le mouvement migratoire a atteint une telle ampleur qu’on peut parler d’un véritable exode. De 1954 à 1960, la population est tombée de 15.960 à 8735 habitants par suite de l’émigration surtout.

a/. Durant  la guerre :

 

Les homme émigrés évitent de revenir dans leurs villages ceux qui y demeurent sont soumis à un sévère contrôle et vivent dans la hantise d’être arrêtés. Des centaines ont gagné le maquis. Pour échapper à la répression, la plupart des hommes ont déserté leurs villages, malgré des difficultés énormes.

          L’entraide n’a jamais été aussi efficace que pendant la guerre les « parents » installés en ville accueillent les réfugiés avec une généreuse hospitalité. Ces derniers ne tardent pas à faire venir leurs familles, quelquefois même avant de trouver du travail et un logement. Des départs ont lieu après chaque épreuve douloureuse.

Les travailleurs en France eux–même, ont fait soustraire leur famille à la «  pacification », les uns les ont fait venir en ville où ils leur envoient des mandats, les autres sont préférés les appeler outre Méditerranée.

Ces réfugiés se sont installés dans différentes villes dont Setif, mais la plupart ont rejoint leurs concitoyens à Alger où ils ont contribué au peuplement de nouvelles cités de la banlieue Sud.

La Paix

revenue, ils y sont restés : ils ont cessé dès lors d’être des réfugiés.

b/. De 1962 à nos jours :

Après plusieurs années de séjour en ville, les réfugiés se sont tellement adaptés à leur nouvelle vie qu’ils n’ont manifesté aucun désir de retourner dans leurs «  douars d’origine ».

Au contraire, le vide laissé par le départ des européens n’a pas manqué de les attirer, les Ait Yala ont bien su tirer profit des circonstances. Beaucoup ont accédé à de meilleurs logements et à des situations confortables. Pour montrer leur désir de faire souche en ville, ils y ont fait venir leurs ascendants.

Le mouvement migratoire lui-même s’est poursuivi après la guerre. La plupart des travailleurs en France ne rentrent que pour emmener leur famille soit à Alger, soit outre-mer.

Même les pensionnés qui n’ont apparemment pas besoin d’émigrer préfèrent s’en aller.

A partir du moment où leurs voisins et leurs parents établis en ville sont plus nombreux que ceux restés au village. Les gens ne pensent qu’à émigrer. La psychose du départ atteint donc plus particulièrement les villages déjà anémies. « Se sont envolés tous ceux qui l’ont pu, répètent les villageois, il ne reste plus que ceux dont les ailes sont brisées ».

Maintenant, ce n’est pas le besoin seulement qui pousse les ruraux vers la ville ; ceux – ci sont persuadés, à tort ou à raison, que la vie citadine est la meilleure. Pour les femmes, il n’y a pas de doute, elles y apprécient le confort : « aman glhit, thafath glkhit » autrement dit : « l’eau au mur, la lumière au fil » telle est leur phrase favorite.

Les hommes, eux, ont pleinement réalisé que rien ne peut plus les retenir sur leur terre ingrate : « mon pays, disent-ils, c’est celui qui me nourrit. »

Une raison louable a pesé sur les décisions des parents à s’installer en ville : l’avenir de leurs enfants. Ils consentent à faire tous les sacrifices pour que leur progéniture s’instruise et reçoive une éducation moderne. Ils ne veulent pas que leurs enfants connaissent la vie misérable qu’ils ont connue eux – mêmes.

Le pays des Ait Yala est, nous venons de le voir, un grand foyer d’émigration, il en est profondément marqué.

III. CONSEQUENCES    DE    L’EMIGRATION SITUATION ACTUELLE

Il s’est produit de grands changements depuis que l’émigration est devenue la première industrie des Ait Yala. Nous en retenons d’abord les conséquences économiques directes ou indirectes, l’influence sur l’agriculture ensuite, les répercussions démographiques enfin.

1.    Les conséquences économiques positives 

En quelques dizaines d’années, le pays a connu plus de transformations que pendant plusieurs siècles. Avant l’émigration régnait l’équilibre de misère, maintenant l’économie monétaire a supplanté l’économie de subsistances.

A/. Abondance d’argent en circulation :

Les habitants achètent de plus en plus de biens de consommation grâce à l’afflux d’argent, de différentes façons :

- Les travailleurs émigrés reviennent avec des sommes importantes.

- Pendant leur absence, ils envoient à leurs familles restées au village de nombreux mandats. Les allocations familiales sont particulièrement appréciées par leurs épouses à qui elles paraissent comme  un don régulier du ciel.

- Les familles établies en ville aident souvent les parents indigents restés au village.

- D’autres sommes sont reçues par les nombreux retraités et pensionnés.

On peut estimer que depuis 1950 environ, le revenu des Ait Yala provient pour deux tiers au moins de l’émigration. On comprend des lors la puissance d’attraction des bureaux de poste et la popularité des facteurs.

Cet afflux d’argent a permis le relèvement du niveau de vie et la naissance d’une petite activité économique.

b/.    Le  Niveau     de    Vie :

Le niveau de vie sensiblement augmenté au moins depuis 1950. Non seulement les hommes parviennent à manger à leur faim, mais, sans qu’il y ait de profondes modifications dans le mode de vie, plusieurs innovations sont apparues. La consommation d’orge est progressivement abandonnée ; en revanche, un grand nombre de denrées dont le café et le sucre, entrent dans les foyers ; on achète un peu plus souvent de la viande.

Les gens s’habillent mieux, les vêtements européens ramenés par les émigrants conviennent mieux aux hivers rigoureux de la région, ils sont adoptés par la majorité des hommes.

La modernisation de l ‘habitat a fait de grand progrès, et la construction a connu un grand développement avant la guerre. Des maisons se sont élevées dans les jardins et au voisinage de la route ; on en a transformé de vieilles. Dans un cas comme dans l’autre, on utilise beaucoup de matériaux importés, les madriers remplacent les rondins noueux de frêne et d’ormeau : avec une natte de roseaux que supportent des lattes, la charpente s‘allège dans bien des cas, les tuiles mécaniques se substituent dans les nouvelles constructions, aux tuiles traditionnelles.

Les maisons s’équipent de plus en plus en installations sanitaires et en cheminées. Des fenêtres apparaissent en grand nombre. Les ustensiles en métal et en  verre ont chassé une partie de la vaisselle en bois et en terre. Les réchauds à pétrole se rencontrent un peu partout. Actuellement, c’est l’usage des fourneaux à gaz qui se répand. Les matelas et les lits, très rares auparavant, pénètrent maintenant dans de nombreux foyers.

Ce progrès certain suppose l’existence d’un commerce assez actif.

c/. Naissance d’une activité économique moderne :

Au lieu des primitifs moulins à bras et des moulins à eau qui ne fonctionnent que pendant une partie de l’année, les habitants utilisent des moulins à moteur. Il y en avait une dizaine en 1955, beaucoup moins aujourd’hui. On les rencontre dans les villages-centres, mais aussi au bord de la route. Il n’en est pas de même pour les autres commerces. Les cafés et les boutiques se groupent à Titest et surtout à Guenzet. Autre fois les épiciers vendaient un peu de tout : peu à peu, des commerçants se sont spécialisés. On peut trouver désormais des marchands de tissus, des quincailliers, des tailleurs, etc., …

En outre, des entrepôts de grains, de farine et de paille, des salons de coiffure et des boucheries, se sont ouverts. Toujours à Guenzet, un abattoir est construit.

Une grande animation règne le jour du marché. Aux échanges traditionnels (grain, bétail) se sont ajoutés de nouveaux ; des marchands ambulants y viennent proposer aux paysans des articles divers, des camions appartenant souvent aux Ait Yala émigrés, arrivent régulièrement des halles d’Alger avec des chargements de fruits et de légumes, d’autres rapportent des dattes de Biskra

Pendant les jours de semaine également, les hommes vont s’approvisionner à Guenzet, ils se rendent aussi dans ce village en passe de devenir une petite ville, pour flâner ou jouer aux dominos.

Cette intense activité s’est presque totalement éclipsée pendant la guerre. Des quelques 50 commerces ouverts à Guenzet en 1955, il n’est à peu près rien resté pendant les années critiques. Plusieurs commerçants se sont installés dans les villes.

La paix rétablie, Guenzet n’a pas retrouvé son activité de naguère. Les chances d’une reprise paraissent minces, maintenant qu’une grande partie des habitants, souvent les plus dynamiques, ont quitté définitivement la région.

On peut penser à cette industrie qui, en d’autres pays, ranime plus d’une région : le tourisme. En fait, un grand nombre d’émigrés reviennent passer quelques semaines dans leur village natal, à l’époque des figues surtout. Mais leur séjour ne rapporte presque rien aux habitants ; d’abord parce que ces « touristes » ne restent pas longtemps, ensuite, leurs ressources étant modestes malgré les apparences, ils consomment peu ; enfin, ayant gardé la propriété de leurs biens, ils n’ont pas à débourser pour le logement.

La présence de ces nouveaux citadins est parfois même nuisible ils ne se gênent pas pour cueillir « leurs » figues, ce qui est légitime certes, mais peu apprécié par ceux à qui ils ont confié leurs jardins avant de partir.

2. Le    déclin     de   l’agriculture

Les conditions naturelles, le morcellement des propriétés et l’exiguïté des parcelles ne permettent pas une agriculture brillante. Néanmoins, les générations d’avant l’émigration arrivaient au prix d’un labeur acharné, à tirer de leur terre ingrate, des produits variés et en petites quantités, sauf pour ce qui est de l’huile et des figues.

On aurait pu s’attendre à une stimulation de l’agriculture grâce à l’augmentation du pouvoir d’achat des habitants. Il n’en est rien. Au contraire, à part quelques innovations mineures comme l’introduction de quelques plantes

( pomme de terre, carotte, etc. , ) l’influence de l’émigration est plutôt négative.

Aux débuts de l’émigration, les hommes continuent à cultiver eux-mêmes leurs lopins de terre ; mais, du fait de leurs absences temporaires, ils cessent de prodiguer tous les soins que demandent les arbres. Après de fréquents séjours à l’extérieur, ils finissent par perdre le goût du travail de la terre, persuadés de surcroît qu’ils n’en tireraient pas grand-chose.

Par ailleurs, la relève n’est plus assurée, les nouvelles générations partent travailler elles aussi en ville. Même restés au village, les jeunes négligent les cultures ; il n’y a personne pour les instruire et les guider, car comme tout autre métier, celui d’agriculteur s’apprend. Dans nombre de cas, les jardins laissés aux femmes et aux enfants sont peu soignés et les récoltes s’en ressentent.

Dans un second temps, se sont développés des modes de faire- valoir indirects. En voici deux exemples : le premier concerne les champs d’oliviers, et le second intéresse plus particulièrement les jardins irrigués.

1° L’exploitant se charge des labours, de la cueillette et de la fabrication de l’huile. Le propriétaire doit supporter une partie des frais de labour pour ne recevoir que la moitié de la production. Il arrive que l’huile obtenue lui revienne plus chère que celle du marché.

2° La location des jardins est peu pratiquée, à cause de leur proximité des villages et de leur exiguïté. Quand elle existe, le locataire et le propriétaire conviennent d’un prix, souvent le partage des récoltes en deux parts égales. Comme le bail est de courte durée, un an généralement, le fermier malhonnête peut s’arroger une partie des fruits sans fournir le moindre soin aux arbres.

Ces modes de faire-valoir ne sont donc encourageants ni pour les propriétaires, ni pour les exploitants. Les uns préfèrent manger seuls «  les fruits de leurs friches » plutôt que de les partager avec un tiers, les autres répugnent à travailler la terre d’autrui pour des profits incertains, ils finissent eux aussi par émigrer. On assiste donc à un déclin de l’agriculture.

Plus récemment, la situation s’est particulièrement aggravée. Pendant la guerre, la quasi totalité des oliveraies et les jardins des villages regroupés (petits villages de l’Ouest, Aourir, Tizi Mejver et groupe de cherea) étaient englobés dans la « zone interdite ». Les terres abandonnées à elle-même ont perdu beaucoup de leur valeur, les arbres se sont affaiblis, il leur  faudrait plusieurs années de soins pour qu’ils puissent donner leur récolte de naguère. Or, plus que jamais, les bras manquent, surtout quand il s’agit de travailler sans aucun profit.

Après le départ de plusieurs milliers d’habitants, des terres, penserait-on, seraient libérées au profit de ceux qui sont restés dans leur village. Rien n’est plus loin de la réalité. En effet, pour parer à toute éventualité, les émigrés ont gardé la propriété de leurs biens : « Si tout va pour le mieux, disent-ils nous irions passer nos vacances au pays ; si la vie devient impossible en ville, nous rentrerions dans nos villages où, tout au moins, le logement, le bois et l’eau sont gratuits ».

En attendant, ils ont confié leurs maisons et leurs terres à des particuliers qui les entretiennent et en jouissent. Ces usufruitiers acceptent volontiers la prise en charge des jardins irrigués, mais les jardins de culture sèche éloignés, et à plus forte raison les champs d’oliviers, ne les tentent guère.

Il faut remarquer que les hommes restés au village reçoivent, à des titres divers, l’argent de l’extérieur, et qu’un grand nombre d’entre eux sont des vieux. Dans bien des cas, ils ne continuent à soigner que leurs propres jardins, non pas tant d’ailleurs pour récolter, mais plutôt parce qu’il leur est insupportable de voir dépérir les arbres qu’ils avaient plantés et de laisser pousser les ronces sur les terres qu’ils avaient entretenues durant des années.

          De nombreux champs sont donc définitivement abandonnés, d’autres le seront probablement car, si les hommes émigrés nourrissent parfois l’espoir de revenir un jour, leurs enfants élevés en ville envisagent toujours un avenir tout différent.

3. Nouveaux   visages   de   la    population

Il n’importe pas ici d’insister encore une fois sur la diminution de la population par suite de l’émigration massive des habitants lors de la guerre, et même après, puisque le chiffre est descendu de 8735 en 1960 à 8571 en 1966.Nous voudrions  simplement souligner ces deux aspects démographiques : le vieillissement de la population et l’état actuel des différents villages.

a/. Le vieillissement  de la  population : 

La composition par âge de la population est fortement perturbée.

Avant les bouleversements récents, la pyramide des âges était probablement semblable à celle de la population algérienne autochtone : large et épaisse à la base à cause du grand nombre des enfants, elle s’amincit rapidement vers le sommet.

Elle doit avoir actuellement une forme plus effilée, la majorité des émigrants étant constituée par des hommes et des femmes âgées de 15 à 45 ans. Il en résulte une natalité faible et une proportion relativement forte de personnes âgées, dans les Ait Yala. Cela se vérifie aisément : pour 7907 habitants résidents, on compte 1590 ménages, soit en moyenne 5 personnes par ménage, ce chiffre singulièrement faible pour une population peu malthusienne, traduit la présence d’un grand nombre de familles «  anormales » : veuves seules, couples âgés, etc.,...

La variation de la composition par âge, et partant, l’ampleur de l’émigration, n’est pas la même pour tous les villages.

b/. le comportement des différents villages :

D’après l’ampleur de l’exode récent, nous pouvons distinguer trois catégories de villages :

. Les villages les plus dépeuplés.

. Ceux dont la population a le moins varié.

. La catégorie intermédiaire.

Nous ne disposons pas de chiffres de 1954 pour pouvoir les confronter avec ceux de 1966. Néanmoins, ces critères suffisent pour établir la classification : la proportion de maisons inhabitées et le nombre de personnes par ménage. Celui-ci est le plus petit dans les villages qui ont connu la plus forte émigration.

                   1° . Les villages les plus dépeuplés :

Village ou groupe de villages.

Population au recensement de 1966

Composition des ménages.

Tizi Mejver

Timengache et Ighoudane

Cherea

Thammast

134

453

             272

246

3,2

3,7

             3,7

3,7

    

Dans ces villages, 50% des maisons sont inhabitées. L’émigration y est la plus ancienne pare ce que la population, nombreuse dispose de peu de terre. Ce sont les hommes originaires de ces villages qui, instruits pour la plupart, ont le mieux réussi en ville

       2° . les villages «  traditionalistes » sont les suivants :

Village ou groupe de villages.

Population au recensement de 1966

Composition des ménages.

Isoummar et Tiknittchout

Aourir

Groupe de Harbil

Laazid

Mguerba

Titest

471

             541

479

495

508

867

              5

              5,2

5,3

5,5

              6

6,6

            La population de ces villages a relativement peu baissé. Pourtant les habitants d’un grand nombre d’entre eux ont été regroupés durant la guerre. Le nombre de personnes par ménage y est supérieur à la moyenne, ce qui signifie que les jeunes ménages sont moins rares qu’ailleurs.

Dans l’ensemble, les hommes ici sont plus attachés à leur terre ; ils ont commencé à émigrer plus tardivement pour une part parce que leurs villages se trouvant à la périphérie, ils disposent d’un finage plus étendu. De plus, leurs dimensions le montrent, ils étaient, mis à part Aourir et Titest, les moins peuplés dans le passé.

  les autres villages :

Village ou groupe de villages

Population au recensement de 1966

Composition des ménages

Tiguert, Tamalout et Tighrent

Guenzet

Groupe de Cherea

Aghlad N’Salah

Taourirt Yakoub

270

1584

  425

  346

  249

4,5

4,7

4,8

4,9

5

Ces villages ont connu une émigration à peine moins forte que celle de la première catégorie pour des raisons diverses. Par exemple, Guenzet  a perdu proportionnellement moins d’habitants à cause de l’animation entretenue par les fonctions administratives et commerciales.

Bien entendu, cette classification n’a rien de rigoureux. Des villages groupés ensemble se sont comportés différemment. Ainsi Isoummar est presque vide, Tiknitchout est restée peuplée, de même, Tiguert a gardé la plupart de ses habitants alors qu’à Tamalout il ne reste presque plus personne. Par ailleurs, les villages de Harbil, classés dans la seconde catégorie, ont en réalité connu une forte émigration vers Alger, avant même la guerre ; Ils ont retrouvé en quelque sorte un certain équilibre.

Cette étude  peut paraître à certains égards une micro géographie par ce que la région concernée est réduite à un secteur montagnard de

15 km

sur 8 . Il  faut se rendre compte pourtant que les problèmes abordés ( population trop nombreuse, sols maigres et menacés par l’érosion, propriétés très morcelées et petites, ressources limitées et forte émigration ) ne se posent pas pour les seuls Ait Yala, mais pour la plupart des régions montagnardes de l’Algérie.

On arrive partout à un tournant décisif. Ayant conscience de la précarité de leurs conditions de vie traditionnelle, les hommes ont rejeté, volontairement ou non, l’ordre ancien, sans pour cela accéder à un ordre nouveau. Autrement dit, ils ont cessé de vivre en auto– subsistance, mais beaucoup n’ont pas trouvé la solution de rechange à laquelle ils aspirent : l’occupation d’un emploi régulier.

On est amené à se poser cette question : « quel sera l’avenir de la montagne algérienne en général et des Ait Yala en particulier ? » 

Nous envisageons deux possibilités :

1-     La poursuite de la tendance actuelle : émigration, dépendance de la ville et négligence de l’agriculture.

            

2-     Le développement concerté de la région en fonction d’un optimum de population.

                  pour éviter l’asphyxie, les hommes ont choisi jusqu’à présent la solution la plus urgente, mais la plus facile : l’émigration.

-         L’émigration temporaire des travailleurs vers

la France

restera toujours une solution provisoire ; c’est une soupape de sécurité qui peut d’une année à l’autre, s’arrêter de fonctionner à cause des fluctuations du marché de l’emploi d’une part, et des considérations politiques d’autre part.

-         Le départ des familles vers la ville ne peut se poursuivre indéfiniment, les agglomérations urbaines sont maintenant saturées et les secteurs secondaires et tertiaires ne sont pas suffisamment développés pour pouvoir absorber une main d’œuvre pléthorique.

De toutes façons, même si l’émigration continue à exister, l’expérience le prouve, notre région restera probablement, pour longtemps^s encore, très peuplée. Force est donc de rechercher sur place les moyens propres à retenir au moins une partie de la population et à réduire sa pauvreté. Par moyens, nous entendons non pas les mesures d’ordre.Social ( électrifications, adductions d’eau, etc. , …), encore moins les solutions utopiques – au moins dans l’état actuel des choses – telles la création d’industries ; nous nous occupons des améliorations à apporter à la terre pour la rendre plus productive. 

       Avant d’élaborer des projets  ou de formuler de simples  suggestions, il faut constater   d’ores et déjà que la plupart des terres sont soumises à des méthodes de culture  très défectueuses et n’obtiennent pas la moitié  des – récoltes que permettraient les conditions naturelles. L’amélioration de l’existant, et par conséquence l’élévation de la production au niveau de ce qu’elle était avant l’émigration, suffirait pour faire vivre honnêtement une population optima de 3 à 4.000 habitants.

La première action à entreprendre doit consister à prodigue aux arbres tous les soins traditionnels :

-      L’exécution régulière de deux façons annuelles favorisera l’infiltration de l’eau et la conservation du sol.

-      Les figuiers et les oliviers qui ont connu un entretien suivi se passent de la taille, mais si  celle–ci devient parfois nécessaire, elle sera menée comme par le passé, par des paysans expérimentés et avec des outils  appropriés ; la caprification, presque oubliée, doit être remise à l’honneur. Les arbres ainsi soignés produiront de beaux fruits qu’il sera facile de récolter proprement.

L’amélioration de l’existant serait suffisante si la population continuait à mener le genre de vie traditionnel. Maintenant que l’économie de marché a supplanté l’économie d’auto- subsistance, toute perspective envisagée doit viser une utilisation meilleure des terres.

Pour produire plus, on s’orientera vers l’amélioration des rendements, mais jamais vers l’extension des terres  cultivables. Au contraire, la première mesure à prendre sera de soustraire à la culture les pentes les plus abruptes et les terrains particulièrement ingrats ; on y aménagera des banquettes pour y planter des arbres        adéquats : le caroubier et le cactus interne dans le Sahel, le pin sur les rocailles. Les versants déjà dénudés seront traités de la même façon pour être  rendus à la forêt.

La culture de l’olivier gagnera à être maintenue, d’une part par ce que l’entretien et la cueillette n’occupent les gens que pendant un temps limité, d’autre part que l’huile est facilement commercialisée. L’effort à fournir sera dans le sens d’une amélioration de la culture.   

          C   O   N   C   L   U   S   I   O   N

- On réduira le nombre de variétés, seule sera retenue la variété réunissant le maximum de qualités : la fécondité, la grosseur des fruits qui rend le ramassage aisé et le rendement en huile.          

- Les arbres de la variété choisie seront plantés en ordre pour que chacun trouve une place suffisante ; les vieux oliviers au tronc noueux et souvent creux seront arrachés quand les jeunes sujets  commenceront à donner des récoltes satisfaisantes, c’est à dire dans une échéance de 10à 15 ans.

Si la culture du figuier se perpétue, il faudra lui apporter les même améliorations : limitation des variétés, rationalisation. En outre, pour éviter le gaspillage d’une partie de la récolte, la cueillette et le séchage se feront délicatement ; les fruits seront traités contre les vers.

Le figuier, certes, est ici dans son milieu, mais il était préféré aux autres arbres fruitiers pour le rôle qu’il jouait dans l’alimentation. Les habitants consommant de moins en moins de figues aujourd’hui, mérite-t-il de rester l’arbre par excellence des Ait Yala ? plusieurs espèces poussent en effet et fructifient aussi bien : l’abricotier et le prunier notamment. L’amandier, arbre particulièrement rustique, doit couvrir les pentes les plus sèches, et la vigne pourra fournir au marché un excellent raisin d’arrière-saison.

Le problème est de fixer son choix sur l’arbre dont la production est susceptible  d’être écoulée facilement, et de rapporter plus aux paysans. L’accent sera donc mis sur les techniques de commercialisation : recherche des débouchés, transformations préalables. Etc., ..

Avant de songer à la vente, on commencera par produire pour sa propre consommation, et réduire ainsi ses achats.

La figue de Barbarie est, pour citer un exemple, une denrée rare, pourtant la « culture » du cactus est des plus simples : il suffit de planter sur un sol léger et sec quelques raquettes et d’attendre quelques années. Autre exemple, au lieu de s’obstiner à cultiver des piments dont la production est de plus en plus médiocre, ne vaudrait-il pas mieux leur préférer la pomme de terre, légume autrement plus utile, ou même des plantes fourragères ?

Il y a une perspective plus ambitieuse : étudier la possibilité d’une meilleure utilisation des eaux, à la fois dans l’espace et dans le temps. Il est pénible de constater que l’eau des sources est « bue » par lamer, d’Octobre à Juin. On pourrait peut-être essayer, grâce à l’irrigation printanière, de cultiver au Sahel des légumes ou des plantes fourragères hâtives, mais on se heurtera à des problèmes ardus : l’adduction de l’eau, l’aménagement de terrasse et la nécessité de trouver des quantités suffisantes de fumier.

L’élevage ne doit, en aucun cas, être négligé ou dissocié de la culture. Les mulets resteront d’une grande utilité pour la production du fumier bien sur, mais aussi pour le transport et le labour, car on ne peut préconiser l’emploi de machines sur ces terres. Comme il sera toujours difficile d’entretenir des vaches, on maintiendra l’élevage des chèvres, mais en l’améliorant. En particulier, on remplacera le pacage à la montagne par la stabulation, car les chèvres nourries à la maison produisent deux fois plus de lait que les chèvres de parcours. Pour une même quantité de lait, on n’aura donc qu’une chèvre à élever au lieu de deux, et la forêt souffrira moins. De plus, on introduira des races plus productives.

Les habitants ont tout intérêt à développer le petit élevage qui est relativement facile, à rechercher des spéculations nouvelles ( la production du miel par exemple), et d’une manière générale, tous les moyens, même de moindre importance, d’augmenter leurs ressources.

Il est facile de suggérer des solutions, mais dés qu’on songe à les concrétiser, on voit surgir d’énormes difficultés.

D’abord, aucune expérience n’est concevable sans procéder au préalable à de profondes réformes, notamment le remembrement et la redistribution des parcelles. Or, une telle révolution ne manquera pas de se heurter à l’opposition des paysans, souvent très routiniers et mal préparés pour accepter d’être détachés de leurs lopins ancestraux. Par ailleurs, la plupart des actions préconisées seront d’un intérêt lointain et ne profiteront qu’aux générations futures ; les paysans sont au contraire préoccupés par le présent, on ne peut donc les intéresser sans rétribuer leur travail. Dés lors, un faisceau de difficultés d’un autre ordre apparaît.

L’ampleur des efforts à fournir et leur intérêt à longue échéance, implique la prise en charge de tout projet, par les autorités : financement, recrutement de cadres techniques et administratifs, enseignement agricole pour adultes, etc. ; ..

Quoi qu’il en soit, il faudrait prendre conscience d’une choses tout progrès est impossible sans une meilleure utilisation du territoire d’une part, et de la force de travail des habitants d’autre part.

          B  I  B  L  I  O  G  R  A  P  H  I  E

CARTES :

-      Carte topographique au 1/ 50.000

                                 Feuille d’Ain Roua

                                      //      de Bou-Sellam

                                      //      d’ Akbou

                                      //      de Boni

-    Carte topographique au 1/ 500.000

                                 Feuille d’ Alger

-      Carte geographique au 1/ 50.000

                                 Feuille d’ Ain Roua 

BIBLIOGRAPHIE GENERALE :

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la Blache

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la Méditerranée

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-      Seltzer : le climat de l’Algérie (Alger – 1946).

-      Seltzer : la carte pluviométrique de l’Algérie.

PROBLEMES ECONOMIQUES ET HUMAINS :

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                            l’Algérie économique (1930) .

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-Feraoun         : Le fils du pauvre.

                        Jour de kabylie.

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la Kabylie

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-Population    : les statistiques de la population se trouvent dans le répertoires    

                         statistiques des communes (ou Tableau des communes).

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- Parodi          :Surpopulation et développement en Afrique du Nord

                       (Economie et Humanisme – Fev . 1962 ). 

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